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Accélération diplomatique autour de Chypre : que deviendront les colons Turcs de l'île ?

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Par iNFO-GRECE,

A l'approche du Conseil Européen de Copenhague du 12-13 décembre prochain qui doit marquer la fin de la Présidence danoise de l'Union Européenne (UE), mais aussi une étape importante du processus d'élargissement de l'UE à 25 pays dont Chypre, la mobilité diplomatique autour de la question de l'occupation turque du Nord de Chypre passe à une vitesse supérieure dans l'espoir de trouver une solution rapidement et d'éviter un incident majeur avec la Turquie.

Cette activité diplomatique intervient dans un contexte que plusieurs cercles diplomatiques qualifient de paradoxal, si ce n'est schizophrène, depuis que dans l'exécutif grec, le Premier ministre M. Simitis et son ministre des Affaires Etrangères M. Papandreou, ont entrepris en septembre une campagne de lobbying auprès de leurs homologues européens pour accélérer le processus d'adhésion à l'Union Européenne de la... Turquie. Désavoués par le rapport de la Commission publié en début du mois et par les positions publiques de plusieurs gouvernements des pays européens qui sont restés intransigeants sur l'état de la démocratie en Turquie et sur les critères économiques fixés aux autres pays candidats, deux conditions que la Turquie est loin de remplir, MM Simitis et Papandreou ont dû revoir leurs ambitions à la baisse et reformuler le contenu de la tournée des capitales européenne qu'ils avaient programmée. Après Londres lundi dernier, M. Simitis se trouvera à Paris le 6 novembre prochain.

Dans l'intervalle, le Conseil Européen de Bruxelles a confirmé la semaine dernière que rien ne mettra en cause le processus d'adhésion de Chypre, qui avec les dix autres pays candidats doit se joindre définitivement à l'UE en 2004. "L'Union confirme sa volonté de mener à bien les négociations d'adhésion avec ces pays lors de la réunion du Conseil européen à Copenhague les 12 et 13 décembre et de signer le traité d'adhésion à Athènes en avril 2003", note-t-on dans le rapport de la Présidence danoise qui rappelle que "L'Union préférerait voir un État de Chypre réunifié adhérer à l'Union européenne sur la base d'un règlement global, et engage les responsables des communautés chypriotes grecque et turque à saisir l'occasion et à conclure un accord avant la fin des négociations d'adhésion cette année. L'Union continuera à appuyer pleinement les efforts considérables déployés par le Secrétaire général des Nations Unies pour parvenir à un règlement conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU. L'Union européenne prendra en considération les conditions d'un tel règlement global dans le traité d'adhésion, conformément aux principes qui sous-tendent l'Union européenne. En l'absence de règlement, les décisions qui devront être prises en décembre par le Conseil européen de Copenhague seront fondées sur les conclusions du Conseil européen d'Helsinki de 1999". Lors du Conseil européen d'Helsinki, l'Union s'était engagé à faire entrer la partie libre de Chypre dans l'UE même si un accord n'était pas trouvé sur les rapports avec l'Etat autoproclamé de la République Turque du Nord de Chypre, Etat reconnu par la seule Turquie.

La pression d'Athènes pour amadouer la Turquie en lui faisant cadeau d'une date de début des négociations pour sa propre adhésion à l'Union Européenne est d'autant moins compréhensible dans les chancelleries occidentales et dans les bureaux des instances européennes que l'engagement européen en faveur de l'adhésion de Chypre a été constamment réaffirmé depuis le Conseil européen d'Helsinki de 1999.

C'est dans ce contexte que le ministre des Affaires Etrangères de Chypre, M. Ioannis Kassoulides a rencontré hier mardi 29 octobre à Paris son homologue français M. Dominique de Villepin dans un climat que les deux hommes ont qualifié de "cordial et amical". Outre l'adhésion de Chypre à l'UE et les efforts d'un règlement pacifique de la division de l'île, les deux ministres ont fait le point sur les relations bilatérales France-Chypre et ont passé en revue la situation au Moyen Orient, en Irak ainsi que les questions concernant le Tribunal Pénal International. Une visite qui qui intervient au lendemain du Conseil européen de Bruxelles et avant celui de Copenhague, et qui s'inscrit dans "le cadre habituel des relations bilatérales qui sont traditionnellement denses et chaleureuses", selon le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay.

Monsieur Kassoulides a également rencontré la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée Nationale française présidée par l'ancien Premier ministre M. Edouard Balladur. L'autre ancien Premier ministre, M. Alain Juppé, était également présent à la rencontre ainsi que les vice-présidents de la Commission MM. Renaud Donnenthieu de Vabres et François Loncle, et le nouveau Président du groupe d'Amitié France-Chypre au Parlement M. Pascal Terasse.

Dans son allocution, M. Balladur a commenté très favorablement la marche de Chypre vers l'Union Européenne soulignant un développement économique sur l'île qu'il met en tête des pays candidats. Reprenant les termes du rapport de la Commission européenne, M. Balladur a rappelé que Chypre remplie les critères économiques et politiques de Copenhague et il a exprimé le souhait que ce soit une Chypre unifiée qu'Europe accueille en 2004.

De son côté, M. Cassoulidis a informé les députés français des derniers développements dans l'effort de parvenir à une solution sur la réunification de l'île et il a souligné le rôle de liaison que pourrait jouer Chypre dans les relations de l'Union Européenne avec le Moyen Orient pour le développement de la paix et la promotion du développement économique dans la région.

Sur le terrrain, l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nation Unis, m. Alvaro de Soto a rencontré mercredi matin 30 octobre le Président de la République de Chypre M. Cledrides. La visite de M. de Soto avait été précédée par M. Thomas Weston, coordinateur spécial au State Department des Etats-Unis. "Il est clair que nous traversons une période avec des grandes possibilités pour réussir un règlement juste et durable de la division de l'île", a estimé ce dernier.

Après l'échec de la dernière rencontre entre le porte-parole des intérêts turcs et chyproturcs sur l'île M. Raouf Densktash et le Président Clerides à New York sous les auspice du secrétaire général de l'ONU M. Cofi Annan, l'ONU s'apprêterait à présenter son propre plan "à prendre ou à laisser". Du côté chypriote on dément qu'un tel plan a été présenté aux parties intéressées, tandis que selon la presse athénienne le Premier ministre grec, lequel reçoit aujourd'hui les chefs des partis politiques pour une information sur l'ensemble des sujets de politique extérieure, disposerait une copie de travail.

Quoi qu'il en soit, la volonté de l'ONU d'en finir avec la question chypriote et sa détermination à proposer son propre plan en cas de désaccord des deux parties, commence à être sérieusement débattu sur l'île où on souligne que si désaccord il y a, il est du fait de l'intransigeance du porte-parole turco-chypriote M. Denktash et qu'en ce cas la République de Chypre, Etat reconnu et démocratique, ne saurait accepter un plan sous forme d'ultimatum et sans consultation du peuple ou de ses représentants. Un des problèmes sur lesquels semble se cristalliser la crainte des chypriotes est la question des colons turcs arrivés massivement sur l'île depuis le début de l'occupation par l'armée turque en 1974. Les dizaines de milliers des déshérités du fond de l'Anatolie, auxquels s'ajoutent soldats et mercenaires turcs et leurs familles, sont venus s'installer sur les terres et les maisons abandonnées par les Chypriotes-grecs qui ont fuit l'arrivée de l'armée turque. Bénéficiant d'avantages et encouragés par la Turquie, ils ont créé en l'espace de 28 ans un déséquilibre démographique qui a fini par mécontenter même les Chyproturcs indigènes. Un responsable chypriote nous exprimait ainsi, hier à Paris, le sentiment des Chypriotes: "si la solution proposée par l'ONU ne prévoit pas le retour des colons en Turquie et que les colons Turcs devront acquérir la nationalité chypriote (et par extension européenne), ce sont les Chypriotes-grecs qui, dans une dizaine d'années, finiront par être une minorité sur leur propre île". Dans le cas contraire, les colons Turcs de l'île pourraient monnayer leur départ au prix fort. On ne devient pas colon pour un sou ! Déjà, la partie occupée, largement sous-développée par rapport au reste de l'île, est assurée de très confortables subvensions de l'Union Européenne alors que la partie sud, habitée de Chypriotes-grecs risque d'être contributeur net. La communauté internationale devra en plus indémniser les occupants pour qu'ils rentrent chez-eux !

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