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Poul Thomsen : S'il y a défaillance de la Grèce, nous savons comment faire face

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Soumis par iNFO-GRECE le
L’œil du FMI sur la dette grecque
Entretien avec le représentant du FMI au sein de la troïka de surveillance de l'application du mémorandum grec

Poul Thomsen

Alors que les inquiétudes se multiplient sur les chances de la Grèce de se sortir des difficultés de ses finances publiques et d'arriver à rembourser sa dette, le pompiers du Fonds monétaire et de l'Union européenne sont appelés à la rescousse de la Grèce ranimant ainsi les craintes d'une contagion sur l'ensemble du Sud européen. iNFO-GRECE, a rencontré le représentant du FMI au sein de la troïka (FMI - UE - BCE) chargée de suivre l'application des accords avec la Grèce en échange d'un prêt de secours de 110 milliards. Une interview sans concessions où Poul Thomsen réaffirme l'optimisme des institutions internationales mais pointe aussi des risques réels de défaillance.

iNFO-GRECE : Vous avez repoussé de 24h votre conférence de presse annoncée. Pourquoi ?

Poul Thomsen : Je sais, vous n'allez pas me croire, mais les raisons sont purement techniques.

i-GR : Qu'entendez vous au juste ?

P. T. : Cette mission a été courte dès le début car nous ne voulions pas commencer avant la fin des élections. Certaines affaires d'ordre techniques n'étaient pas encore résolues. Le gouvernement a eu besoin de plus de temps pour des consultations internes, je sais que des rumeurs disent qu'il y restait un nombre de questions essentielles qui n'auraient pas été réglées.

i-GR : Peut-être aussi à cause des nouvelles mesures d'austérité, dures à prendre ou à annoncer. Il y a même eu des chiffres qui ont circulé, comme par exemple des coupes dans les salaires de 30% dans le secteur privé.

P. T. : C'est sans fondement…

i-GR : Certains, ici, disent que vous auriez fait un beau cadeau au gouvernement Papandréou en retardant l'annonce de la révision à la hausse du déficit à la fin des élections…

P. T. : Ecoutez, j'entends ce type de remarques et aussi celles que le gouvernement n'arriverait pas à remplir les objectifs du mémorandum. Ce programme est un programme réel et très ambitieux et les objectifs du mois de septembre ont été atteints. Et pour autant que nous nous pouvons en juger, il reste six semaines jusqu'à la fin de l'année. Et les objectifs de fin d'année aussi seront atteints. J'en suis convaincu.

Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'Eurostat, il y a deux ou trois semaines, a révisé à la hausse le déficit pour 2009 de 1,5%, ce qui le porte à 9,5%. Evidemment personne ne s'attend à ce que le ministre puisse rattraper dans les deux mois qui lui restent 1,5% du PIB. Nous savions, dès le début qu'il allait y avoir une réévaluation mais nous ignorions de combien, c'est pourquoi nous avons défini le déficit en excluant cette révision attendue. En conséquence, les objectifs vont être atteints malgré cette révision mais l'année prochaine, ils [le gouvernement grec] ont dit que l'on s'alignera sur les objectifs d'origine bien que la base a été révisée à la hausse de 1,5% et que de plus ils allaient compenser les quelques défaillances survenues en 2010. Nous avons reçu les assurances nécessaires et nous les croyons quand ils disent que tout sera ramené à conformité avec les objectifs d'origine.

Nous devons garder ceci en vue : que nous avons un pays qui démarre avec un déficit de 15,5% du PIB en 2009 pour arriver à 9,5% en 2010, ça fait une baisse de 6% alors que l'économie a connu une contraction de 4%. La Grèce a réalisé cette diminution de 15,5 à 9,5% dans ce que nous appelons la headline, tout en nageant à contre le courant. Puis il va falloir opérer une autre réduction de 2% l'année prochaine malgré une économie qui va empirer encore. Cela va se traduire par une autre réduction des revenus de l'Etat et un chiffre de chômage élevé. Nous avons donc sur 2 années une réduction de 8% du PIB avec une économie qui faiblit à un taux de 7%, ça demande des mesures de réduction du PIB proche de 15% , quel autre pays à fait ça ?

Je pense que les gens font l'erreur suivante : ils se rendent compte que le "physical adjustment" [l'adaptation réelle, ndlr] sera de plus en plus dur. Au début nous opérons des coupes dans les salaires et retraites et immédiatement après cela donne une diminution des dépenses. Mais nous ne pouvons plus faire d'autres coupes, car cela produirait un programme socialement instable (déséquilibré). Pour avoir un programme socialement équitable nous devons tailler dans les dépenses. Mais c'est autrement plus compliqué. Je vous donnerai un exemple. Nous sommes conscients que le programme est inefficace pour ce qui est du contrôle de certaines dépenses du service public, tout particulièrement dans le secteur de la santé. Dans la santé nous avons des reformes qui prennent en compte les réalités sociales. Plus d'une centaine d'hôpitaux en Grèce n'ont pas de système informatique. Il faut d'abord informatiser. Ils n'ont pas de système de comptabilité. Il faut mettre en place ce système de comptabilité. Ce n'est pas que c'est politiquement controversé mais c'est purement et simplement très complexe d'un point de vu technique. Il faut tout faire en même temps, alors cela prend du temps. Même chose avec les entreprises d'état.

i-GR : Certes, la Grèce réussit à minimiser ses dépenses, c'est ainsi qu'elle a réduit son déficit, mais elle n'arrive pas à faire rentrer les impôts.

P. T. : C'est un fait. Il y a deux domaines ou il faut admettre que le programme n'est pas, pour l'instant, à la hauteur des attentes : les dépenses dans le secteur de la santé et les rentrées fiscales…

i-GR : Cela vous inquiète ?

P. T. : Ca m'inquiète beaucoup. Mais laissez-moi tout de même remarquer que le gouvernement a jusqu'ici pleinement su compenser les insuffisances dans ce domaine par des réductions dans d'autres dépenses au niveau de l'Etat et c'est pourquoi le programme tient malgré tout la route. Mais il est évident que l'on ne peut continuer à faire des coupes dans les dépenses de l'Etat pour compenser des défaillances sur les niveaux inférieurs du gouvernement. Il faut des rentrées. Et en cela les gens ont raison. Le programme ne sera viable que si les reformes nécessaires à la collection des impôts et au contrôle du système de santé seront couronnées de succès. Et c'est ce qui est en train de se mettre en place mais je suis d'accord à dire que nous ne voyons pas encore les résultats. Mais n'oublions pas non plus que l'élément clé pour tout ceci soit la taxation présumée via l'imposition forfaitaire. Et cela ne se fera sentir qu'à partir de l'année prochaine.

i-GR : Cela dépendra aussi des gens qui ont la responsabilité de l'appliquer…

P. T. : Ils ont toutes les informations nécessaires, c'est ça la bonne nouvelle. Les administrations des impôts savent exactement qui sont ceux qui ont les grosses piscines et les voitures de luxe, les super maisons et qui ne déclarent que 20.000 euros de revenus. Ce que nous mettons en place, c'est justement un système de taxation basé sur ces informations.

i-GR : Mais le personnel chargé de ce travail, est-il apte pour ces tâches ?

P. T. : Ce n'est pas le problème. Tout ce qui reste à faire c'est une optimisation des services, faire en sorte que l'inspecteur chargé de prélever les impôts dans un petit village n'habite pas juste la porte à côté de l'entreprise qui dépend de lui, une certaine distance est nécessaire dans les administrations et tous les changements nécessaires à cet effet sont pris pour assurer le bon fonctionnement. Je suis persuadé que dès l'année prochaine le nouveau système de fiscalisation va produire des résultats probants, il le faut. Nous sommes parfaitement conscients que si nous n'arriverons pas à améliorer l'administration fiscale nous serons dans l'incapacité de produire le physical adjustment de 3% qui reste à faire sans procéder à d'autres tailles dans les salaires et les retraites et qui, de plus, ne serons pas praticables, ni politiquement ni socialement. Nous devons optimiser, nous n'avons pas d'autre choix.

i-GR : Optimiste, donc, pour ce qui est du programme fiscal en Grèce ?

P. T. : Disons que je sais que ça va prendre du temps mais je sais aussi que nous faisons ce qu'il faut pour mettre en place la structure nécessaire.

Je pense être réaliste. Je sais ce que nous avons devant nous. Je suis passé par là bien des fois. Faire des reformes structurelles c'est une tâche difficile et ça prend du temps. On se heurte à la résistance de divers groupes d'intérêt, c'est tout sauf facile. Mais je vois un gouvernement qui s'identifie à ce programme, un gouvernement qui dans les premiers 6 ou 9 mois de son mandat - car ces changements ont commencé bien avant notre venue ici - a fait le programme d'austérité le plus « preconient » ( j'ignore ce mot ) que j'ai jamais vu. Pourquoi tant de voix disent qu'ils ne vont pas y arriver ? Je sais parfaitement que ça va être techniquement difficile mais je n'accepte pas - au vu de toutes les actions qui ont été déjà entreprises - qu'il y ait des raisons pour justifier tout ce scepticisme.

i-GR : Que pensez vous de l'étalement du remboursement sur deux années supplémentaires ?

P. T. : L'argent fourni par le FMI et les partenaires européens est de l'argent à court terme qui est dû déjà un an ou deux après la fin du programme.

i-GR : De l'argent prêté avec un taux d'intérêt de 5,5%. N'est-ce pas élevé pour un prêt de soutien ?

P. T. : Le taux d'intérêt est encore une autre affaire. C'est que cet argent doit être remboursé dans les deux années après la fin du programme. Ca veut dire que tu supposes implicitement que le moment venu quand la Grèce retournera sur les marchés, ils lui fourniront de nouveaux financements pour permettre de rembourser le FMI et les partenaires européens. Disons que c'est faire preuve d'un certain optimisme. Nous espérons toujours que ce sera possible. Mais au cas ou ça ne serait pas possible nous avons différentes options. L'une serait simplement de trouver un arrangement pour fournir un prêt successif qui nous payerait à nous-même l'agent dû. L'autre solution serait de faire en sorte, dès maintenant, que l'argent versé dans les derniers six mois restants jusqu'à ce que nous arrivons en terme du programme soit prêté avec des délais de remboursement plus espacés, nous avons les moyens de faire ça. Pour conclure : nous savons que potentiellement nous pourrions avoir un problème, pour l'instant nous ne sommes pas encore persuadés que problème il y a, mais, s'il s'avérerait qu'il y a effectivement un problème les partenaires européens ont les moyens de réagir et nous le ferions.

i-GR : Est-ce que cela a fait l'objet de discussion avec le gouvernement de cette semaine ?

P. T. : En gros il y a une compréhension parmi tous les partenaires concernés sur le fait que nous pourrions avoir un problème et si tel était le cas nous savons comment y faire face. Il y a différentes options de procéder ; nous n'avons aucune raison de fermer aucune porte sur aucune option pour l'instant.

i-GR : L'investissement massif chinois ici en Grèce est ce quelque chose qui vous inquiète ?

P. T. : Aucunement. J'ai vu dans les derniers 3-4 mois de nouveaux groupes d'investisseurs s'intéresser à la Grèce, c'est une bonne nouvelle, nous constatons les mêmes tendances dans le marché de capitaux privés, de même que de la parts des fonds souverains… Des gens avec une perspective à long terme s'intéressent à la Grèce.

i-GR : Cela ne pourrait pas représenter une menace pour l'Europe ?

P. T. : Non, non.

i-GR : La Grèce semble avoir désespérément besoin d'argent mais ne se donne pas les moyens d'aller le chercher là où il est, chez les armateurs et auprès de l'Eglise. Ceci est valable aussi bien pour le gouvernement actuel que pour tous les précédents. Est-ce un sujet que vous avez discuté ou exprimé des conseils ?

P. T. : C'est tout l'intérêt de la gestion de la fiscalité. Comme je l'ai dis nous sommes en train de mettre en place une administration fiscale moderne, un nouveau système informatique de taxation, et je suis optimiste que d'ici un certain temps une augmentation graduelle des rentrées des impôts se fera sentir, même si cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Ce n'est pas ma tâche de signaler qui devrait être imposé ou pas, c'est la société qui doit se charger de prendre ce type de décisions.

i-GR : Réponse diplomatique…

P. T. : Je pense que c'est une réponse réaliste. Vous savez, s'il y a bien une idée qu'il faudrait arriver à renverser par notre entretien, c'est cette histoire du « FMI qui vient leur dicter ce qu'ils doivent faire ou pas faire… ». Ce gouvernement savait dès le début ce qui lui restait à faire. Même avant notre arrivée, le gouvernement avait déjà réduit ses dépenses de 5% du PIB. Le jour de notre arrivée le gouvernement socialiste nous a accueilli avec ces mots : « nous savons qu'il faudra faire encore des coupes dans les salaires et retraites. On n'arrivera pas à faire le plan de restructuration, sinon. »

Ce gouvernement est conscient de ce qui doit être fait. Ce que nous posons sur la table de négociation c'est notre expertise technique parce que nous avons déjà fait ça .On l'a fait à de nombreuses reprises dans beaucoup de pays et nous pouvons dire que, si tel ou tel problème existe, voilà la palette d'options qu'il y a pour venir à bout de ce problème.

i-GR : Comment envisagez-vous faire repartir la croissance en Grèce ?

P. T. : C'est une très bonne question et c'est aussi la question clé. Beaucoup parlent de la dette, et si la dette va pouvoir être remboursée, mais ce n'est pas tout. La vraie question c'est « la Grèce peut elle avoir une croissance dans la zone Euro ? » « La Grèce, peut elle être compétitive avec des pays partenaires hautement productifs en ayant une monnaie commune ? »  Cela requiert des reformes structurelles, des reformes du marché du travail, ça requiert le décloisonnement de professions protégées, toutes les choses nécessaires pour créer des places de travail, donner des salaires plus importants voilà la question essentielle. Je pense que les gens n'orientent pas assez leur attention là-dessus. Je pense que toutes ces reformes sont dans le programme. Je persiste à croire que d'ici la fin de l'année prochaine la récession commencera à s'estomper et qu'il y aura une croissance. Mais la robustesse et la force de cette croissance dépendront des reformes structurelles. Des reformes structurelles difficiles.

i-GR : Il y a des programmes d'austérité dans presque tous les pays européens. Dernière en date l'Irlande. N'est ce pas dangereux que tous les pays européens ou une grande partie aient un programme d'austérité en même temps ?

P. T. : Différents pays sont dans différentes situations et certains pays sont obligés de suivre des programmes d'austérité et d'adaptation budgétaire comme la Grèce, d'autres ne le font pas, et chacun a ces propres impératifs d'agir selon ses propres circonstances. L'Europe c'est un certain nombre de défis dans différents domaines. La situation est différente en Grèce et en Irlande qu'en Allemagne.

i-GR : La Grèce sera-t-elle affectée par la crise irlandaise et vice versa ?

P. T. : Voyons, nous avons sorti la Grèce des marchés pour une durée d'un an et demi, elle n'a pas besoin de faire des emprunts. Il n'y aura donc pas de retombées à travers le marché de capitaux. Je crois que gérer les problèmes de l'Irlande en ce moment, cela ne fera que mieux aider la Grèce.

Propos recueillis par
Angélique Kourounis
Athènes

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