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Rendez-nous la paix !

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Par iNFO-GRECE,

Les va-t-en-guerre, d’Est en Ouest, sont de sortie, et ils nous mettent bien dans la merde. Le monde entier est dans la merde. Parce que deux vieux croutons refusent de s’asseoir autour d’une table. Dès son arrivée à la présidence des Etats-Unis, Biden n’a cessé de clamer vouloir « faire payer à la Russie un coût plus élevé et à défendre nos intérêts », histoire de marquer la différence d’avec son prédécesseur Trump soupçonné de connivence avec la Russie de Poutine. C’était il y a un an ! (Lire l’intégralité de la dépêche de l’AFP sur le site de l’Express - 05/02/2021).

Depuis, l’agressivité de la rhétorique de Biden n’a pas fléchi, bien au contraire elle a atteint son paroxysme en octobre 2021 lorsque le président américain alerte les principaux alliés d’une possible intervention russe en Ukraine tout en refusant de fournir les éléments qui permettraient à la France ou à l’Allemagne de se faire leur propre idée de la situation. Mais quand on crie au loup et que le loup est dans les parages, il se peut qu’on attire un peu plus le loup à la bergerie au lieu de l’éloigner. Et c'est bien ce qu'obtient Joe Biden quand, en janvier 2022, il annonce à la face du monde que les Russes vont envahir l’Ukraine. Du grand art de créer une prophétie autoréalisée. 

Vu le passé communiste et l’expertise acquise au KGB, on peut aisément imaginer que les hommes de Poutin soient au moins tout aussi experts à monter des coups tordus que les agents de la CIA. Je veux dire que la Russie n’avait nul besoin de déclencher une guerre aussi couteuse et risquée contre l’Ukraine pour annuler ses plans de rapprochement avec l’OTAN et éliminer toute velléité à récupérer les républiques autoproclamées des séparatistes russophones et le territoire annexé de Crimée. Un simple coup d’Etat pour installer un gouvernement pro-russe suffirait. Et, il serait d’autant plus facile de le monter qu’une grande partie de la population est non seulement russophone mais se sent russe. Un peu comme les Grecs de Grèce (les Elladites) et les Grecs de Chypre (les Chypriotes). A propos, on aurait apprécié de voir pareille déluge de sanctions de l’Occident contre la Turquie lorsque cette dernière a envahi Chypre sous prétexte de défendre la communauté turco-chypriote. Fin de la parenthèse. On peut donc déduire que Poutine n’aurait aucun mal à trouver quelques généraux pro-russes dans l’armée ukrainienne pour monter le coup. Mais Poutine se devait d'aller à la démonstration de force face au défi que lui lançait l'Américain. Allons donc déployer toute l'artillerie et brandir l'arme nucléaire. Peu importe le sang des jeunes gens à verser et les destructions à venir. 

Personne n’aime se faire traiter de con à répétition, et surtout pas Poutine. La première fois, le con vous répondra « mais non, pourquoi vous dites ça ? », la deuxième il vous dira « allez-vous faire foutre » et à la troisième, il acquiescera en faisant de l'accusation une fierté et il vous renverra un « oui, je le suis et je vous prouverai que je suis bien plus con que vous ne pouvez l’imaginez ». Voilà le fond de l’affaire. Une question d’égoïsme entre deux vieux débiles, conseillés par des militaires tout aussi débiles.

Si l’OTAN intervient en Ukraine, la Chine ne manquera pas l’occasion de se payer Taïwan qui est l’autre ligne rouge des Etats-Unis. L’OTAN et tout ce qu’elle peut rameuter d’alliés, a-t-elle les moyens de gérer deux guerres simultanément, une en Europe et l’autre en Asie ? La réponse est non. Combien de guerres nos fiers boys de l’OTAN ont-ils gagné depuis la deuxième guerre mondiale ? Le Vietnam ? L’Irak ? Le Kosovo ? La Lybie ? La Syrie ? L’Afghanistan ? Comme une Hydre de Lerne, partout où ils ont coupé des têtes au nom de la démocratie et des droits de l’homme, des nouvelles têtes encore plus sanguinaires ont émergé : dictatures maoïstes, trafiquants de drogues, terroristes islamistes, talibans… Et pourtant il s’agissait de combattre des armées de misère, pas l’armée russe. J’ai dit des débiles, mais pas assez pour ignorer ces faits. Alors nos grandes démocraties arment les pauvres Ukrainiens, on les galvanise avec des discours sur le patriotisme et la souveraineté de leur Etat et on les laisse se démerder. Et, nous, on observe le spectacle sur nos écrans confortablement assis dans nos canapés. Jusqu’à quand ? Jusqu’à la fin, puisque la fin nous la connaissons tous ; Biden et les généraux de l’Otan la connaissent, puisqu’il est impossible d’intervenir militairement pour aider l’Ukraine sans aller à coup sûr vers une guerre totale et nucléaire.

Alors à défaut de pouvoir et de vouloir se battre, on joue la surenchère des sanctions… A qui va être le plus dur… Mais il arrive qu’à force de combattre l’ennemie on finit par lui ressembler. Bruxelles qui décide d’interdire les chaînes tv et autres médias russes sur l’ensemble de l’Union européenne, comme si sa population était immature pour faire le tri entre le vrai et le faux. Et si encore, on peut comprendre la nécessité d’une certaine censure en temps de guerre, l’Union Européenne n’est pas en guerre qu’on sache, du moins pas officiellement. Ici on met fin au contrat d’un champion de Formule 1, simplement parce qu’il est russe. Là on vire une soprano parce qu’elle serait proche de Poutine, ailleurs le chef réputé de l’Orchestre philharmonique parce qu’ami du tsar. Un peu partout on confisque les yachts et les fortunes des fameux « oligarques » réputés proches de Poutine sans autre forme de procès ni possibilité de défense. Comme s’ils étaient plus responsables des décisions de Poutine que ne le sont nos milliardaires des agissements de nos chefs d’Etat. Dans nos démocraties, le droit n’est pas applicable aux ressortissants russes pour peu qu’ils soient éponymes. Hier, même les généraux nazis ont eu droit à un procès ; aujourd'hui, plus question de jugement, on condamne par décret. Mais quand le droit – le droit de se défendre devant la justice, fut-on un criminel – est mis entre parenthèses, qu’est-ce que nous distingue des dictatures que nous sommes censés combattre ?

On peut admirer l’héroïsme des Ukrainiens qui se battent à armes inégales face à l’armée russe. Et tant qu’à mourir il est réconfortant de se dire qu’on meure pour sa patrie. C’est beau de mourir pour sa patrie. Mais la question n’est pas là. La question est : pourquoi en est-on arrivés là. Et la réponse est : par l’entêtement du président ukrainien à vouloir faire entrer l’Ukraine dans l’OTAN et de celui du président américain à refuser de s’asseoir à table avec Poutine et rassurer le Russe sur ses inquiétudes, légitimes ou pas. Est-ce que ça vaut la peine que des jeunes soldats des deux côtés meurent par centaines chaque jour pour ça ? Que des milliers d’autres rentrent chez eux, blessés, handicapés, amputés ? Que des mères pleurent leurs enfants, que des orphelins ne connaissent plus leur père ? Que des villes historiques soient réduites en cendres ? Que des millions d’Ukrainiens partent sur les routes de l’exile ?  La Pologne et l’Allemagne ont déjà fait le plein et acheminent vers Paris. Gare du Nord, gare de Lyon, gare de l’Est, des bus et des trains entiers arrivent tous les jours cette semaine. Si Kiev tombe dans quelques jours, peut-être ils ne rentreront jamais chez eux.

Et, pour nous, dans quelques jours ce sera le printemps ; on sortira prendre le soleil dans les terrasses des cafés conscients d’avoir fait notre devoir militaire et humanitaire. Nous aurions fournis des armes pour se battre, des médicaments pour se soigner et des bus pour fuir. Protester ? Manifester ? Oui, mais sans banderoles, sans drapeaux. Juste pour la paix. Ce n’est pas seulement la paix qui est prise en étau entre les égoïsmes de Poutine et de Biden, c’est aussi notre faculté à nous exprimer qui est étouffée par toute sorte d’association, de militants, d’activistes et d’hommes politiques sûrs de trouver là l’occasion de placer leur petite phrase devant les caméras de télévision.

Pourtant je suis convaincu qu’une solution pourrait exister qui éviterait tout ce désastre. Le président français, malgré les risques et en dépit des humiliations, il a raison de s’entêter à maintenir le contact avec les deux parties. La paix n'a pas de prix. Il n’y a aucune honte, au lieu de chercher à marquer à tout prix le but comme le font Poutine et Biden, de botter en touche et dire au Russe que certes on ne renonce pas à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN un jour prochain mais qu’on peut accepter un statu quo pour, par exemple, vingt ans. Dans vingt ans, ni Poutine ni Biden ne seront au pouvoir, peut-être même qu’ils ne seront plus de notre monde. En attendant on aura gagné vingt ans de paix. Pour finir - désolé cher Hugo -, je vais inverser ta célèbre citation sur la guerre et la paix, puisque la guerre c’est la guerre des idées, et ce sont les hommes qui font la paix. Je ne sais pas, peut-être que dans ton siècle tu pensais que la guerre des idées était le ferment de la démocratie. Mais de nos jours les guerres sont d’abord le résultat des fanatismes idéologiques ; les hommes, eux, n’aspirent qu’à la paix. Et ceux qui provoquent des guerres aussi injustes qu’inutiles ne sont pas des hommes. Ce sont des monstres.

AE/I-GR

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