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Les relations greco-turques en panne, malgré la visite historique de Caramanlis en Turquie

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Par iNFO-GRECE,

Le premier ministre, Costas Caramanlis, est arrivé mercredi après-midi à Ankara pour une visite officielle de trois jours -la première d'un premier ministre grec depuis 49 ans- où il a été accueilli par son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan. Malgré l'opportunité historique, aucune avancée n'a été annoncée sur les nombreux différends entre les deux pays comme la question chypriote, le plateau de la mer Egée et le devenir du patriarcat œcuménique de Constantinople.


Signant le livre des visiteurs, au deuxième jour de sa visite en Turquie, M. Caramanlis a indiqué que "Kemal Ataturk ainsi qu'Elefthérios Vénizelos avaient le courage politique, la volonté et la clairvoyance de ne pas laisser les conflits et tragédies du passé devenir des obstacles aux efforts de construction d'un avenir meilleur de paix et de coopération dans l'intérêt des deux peuples", réécrivant ainsi les pages de l'Histoire dans lesquelles les deux hommes furent responsables d'une des plus grandes catastrophes régionales avec plus d'un million de morts et autant de réfugiés.

C'est par le dépôt d'une gerbe sur le Mausolée de Kemal Atatürk qu'a débuté la deuxième journée de la visite du premier ministre, Costas Caramanlis en Turquie. M. Caramanlis devait rencontrer par la suite le leader de l'opposition, Deniz Baykal, (CHP) avant d'être reçu par le président de la République turque, Abdullah Gül.

En fin de matinée, il a prononcé un discours à l'Université de Bilkent soulignant que "le monde change selon un rythme très rapide et nous devons faire face à toute une série de nouvelles opportunités, de nouveaux défis et nouvelles menaces".

Constatant que "les droits de l'Homme sont bien souvent violés ou ignorés", M. Caramanlis a souligné qu'au sein de ce monde nouveau "les Grecs et les Turcs se trouvent, en tant que voisins confrontés aux mêmes défis avec des questions où la géographie et la réalité moderne exigent d'être examinées en commun. Cela demande de la sincérité, de confiance et un engagement".

M. Caramanlis a encore souligné que "la famille européenne est déterminée par sa volonté collective en faveur de la Démocratie, du respect et la pleine adoption des valeurs et principes fondamentaux qui sont les droits de l'Homme, les droits des minorités, le règlement pacifique des différends, le refus de l'usage ou de la menace d'usage de violence, le respect de l'intégrité territoriale des Etats et l'attachement au droit international et aux traités internationaux".

Selon M. Caramanlis, l'objectif de la Grèce est de donner à la Turquie l'occasion de prouver sa volonté et sa capacité à adopter et appliquer pleinement les principes et valeurs européennes.

S'agissant de la question chypriote, M. Caramanlis a souligné que "l'heure est venue d'abattre le dernier mur de séparation de l'Europe. La Grèce et la Turquie doivent essayer avec le peuple chypriote de rétablir son indépendance, sa souveraineté et son unité et obtenir un règlement qui sera juste, viable et fonctionnel sur la base des résolutions du Conseil de Sécurité de l'ONU et l'acquis de l'UE dont Chypre fait partie".

Le premier ministre a conclu son discours en observant que "l'Histoire nous a appris que tout dépend finalement de nos choix et l'heure est venue à présent de passer aux actes".

MM. Caramanlis et Erdogan
M. Caramanlis accueilli par M. Erdogan sur le perron du palais gouvernemental à Ankara.

La veille, le premier ministre grec était reçu par son homologue turc pour une série d'entretiens qui ont porté sur des questions bilatérales et internationales. M. Caramanlis a affirmé que l'objectif principal reste la normalisation des relations greco-turques, soulignant qu'il s'agit "de la seule voie qui nous permettra d'exploiter les opportunités qui se présentent dans l'espace européen", précisant encore que le droit international et les conventions internationales constituent l'unique critère pour le progrès des relations greco-turques. "Il va de soi que pour deux pays qui participent à la même alliance et qui visent à coopérer dans l'avenir au sein de la même famille européenne, il n'existe pas d'autre voie que celle du règlement pacifique de tout différend dans le cadre de la légalité internationale", a-t-il affirmé.

En ce qui concerne la question chypriote, M. Caramanlis a évoqué la procédure convenue du 8 juillet 2006 dont l'entière application conduira à un effort déterminé pour le règlement du problème, faisant état à ce sujet d'une solution juste, viable et fonctionnelle.

Il a encore réaffirmé le soutien de la Grèce à l'orientation européenne de la Turquie insistant sur le fait que l'adaptation européenne de chaque pays candidat est une procédure difficile et exige d'énormes efforts et beaucoup de volonté. "La Grèce soutient le principe qui veut qu'une adaptation entière signifie une adhésion entière", a réaffirmé M. Caramanlis observant que cela veut dire que la Turquie devra progresser dans la voie des réformes en remplissant les critères et exigences posées par l'UE et que l'UE à son tour devra l'accepter au sein de la grande famille européenne.

A ce sujet, il a souligné que les questions concernant le Patriarcat oecuménique de Constantinople et la Faculté de Théologie de Halkis sont incluses dans ce cadre européen tandis que la protection des droits des minorités constitue une des critères européens les plus fondamentaux.

De son côté, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, accueillant M. Caramanlis a souligné que "les dirigeants qui visent à abolir les tabous attirent la plupart des regards sur eux", précisant notamment qu'"un dialogue intensif a été entamé en 1999 entre les deux pays et plus particulièrement au cours des cinq dernières années".

Selon M. Erdogan, "2008 sera une année importante pour la question chypriote avec l'ouverture de nouvelles concertations qui devront être soutenues par les mères-patries (Grèce et Turquie) et les pays garants". Le premier ministre turc n'a pas pris les gants pour affirmer que la Turquie se considérait avoir les mêmes droits que la Grèce à Chypre, et même dans d'autres zones grecques.

"M. Caramanlis et moi-même considérons que l'Egée doit être une mer de paix et nous jugeons utile de commencer une nouvelle période de coopération et de solidarité des deux côtés de l'Egée", a encore affirmé M. Erdogan - on notera ici l'art de mettre la mer Egée au milieu et donc en tant que zone neutre ! - en mettant l'accent sur "la nécessité d'intensifier les efforts dans les secteurs où il n'y a pas de problème, alors que tout devra être mis en oeuvre afin de réduire les distances dans les secteurs ou existent des problèmes".

Le premier ministre turc a également évoqué la coopération dans tous les secteurs et notamment dans celui de l'énergie, remerciant la Grèce pour son soutien dans l'orientation européenne de la Turquie et ajoutant en outre que "les minorités représentent des ponts de communication entre les deux pays et il est nécessaire de garantir une entente pour le règlement des problèmes qui préoccupent nos minorités ", a-t-il affirmé à l'intention de la communauté musulmane du Nord-Est de la Grèce pour laquelle il persiste à revendiquer une identité turque qu'il entend mettre dans la balance des négociations contre les droits du patriarcat œcuménique orthodoxe et de la communauté grecque de Constantinople, et sans la moindre allusion à l'immense minorité kurde dans son propre pays.

Aucune avancée sur les nombreux problèmes bilatéraux

La conférence de presse qui a suivi mercredi soir n'a pas pour autant été l'occasion pour les deux premiers ministres de préciser davantage leurs pensées sur le plateau continental de la mer Egée, la question chypriote ou encore le Patriarcat oecuménique de Constantinople et la Faculté de Théologie de Halkis ainsi que sur l'orientation européenne de la Turquie.

En ce qui concerne le plateau continental de la mer Egée, M. Caramanlis a relevé que cette question est restée en suspens s'agissant de sa délimitation et affirmé que "les moyens permettant de la régler sont le droit international et les accords internationaux".

Il a réaffirmé que la Grèce est prête à recourir auprès du Tribunal international de La Haye, ajoutant que le règlement de cette question apportera une nouvelle dynamique pour l'amélioration des relations des deux pays.

De son côté, M. Erdogan a souligné que 37 contacts exploratoires avaient été effectués au sujet du plateau continental de la mer Egée et indiqué que "les experts et responsables oeuvrent en vue d'organiser la 38ème rencontre". "L'objectif est de trouver une solution concrète à cette question et la raison pour laquelle les concertations sont si longues est due à l'importance du dossier".

S'agissant de la question chypriote, M. Caramanlis a mis l'accent sur "la nécessité de trouver une solution politique au problème de l'île qui devra enfin être réunifiée dans l'intérêt de tous ses habitants", tandis que M. Erdogan a évoqué le plan Annan et son rejet et réaffirmé que "les pays garants doivent insister pour qu'une solution soit apportée au problème dans le cadre de concertations".

En ce qui concerne le Patriarcat oecuménique de Constantinople, M. Caramanlis a souligné que cette question constitue un "passeport européen pour la Turquie", tandis que M. Erdogan a affirmé de son côté que la Turquie s'intéresse au Patriarcat et fait de nombreux efforts, tout en indiquant que "l'oecuménisme du Patriarcat concerne le monde chrétien grec orthodoxe", réaffirmant ainsi le refus d'Ankara de considérer le caractère véritable du patriarcat et de lui accorder un statut d'institution internationale.

M. Caramanlis reçu par Bartholomé au Phanar

Karamanlis et Bartholomé
Le patriarche oeucuménique de Constantinople SS Bartholomé et M. Caramanlis.

Le premier ministre, Costas Caramanlis, a été reçu jeudi au Phanar par le patriarche oecuménique Vartholomeos exprimant son émotion de visiter cette institution de plus de 17 siècles d'histoire et félicitant le patriarche pour sa contribution cruciale au plan mondial, "le premier chef spirituel à saisir le message de la protection de l'environnement".

"Vos initiatives", a souligné M. Caramanlis, "ont été accueillies mondialement et mettent en relief le rôle du patriarcat et son accord absolu avec sa mission théologique", ajoutant être solidaire des revendications du patriarcat concernant notamment la réouverture de la faculté de Théologie de Halki.

"Dans le combat pour la protection des droits du patriarcat œcuménique et des valeurs qu'il défend, dans la lutte qu'il livre avec pour arme la logique, la foi et l'intérêt public, je vous assure que nous n'hésiterons pas et nous ne reculerons pas. Vous pouvez considérer comme un fait donné le soutien actif et constant de la Grèce dans cet effort".

Pour sa part Vartholomeos a qualifié d'historique la visite officielle du premier ministre grec en Turquie, parlant d'"espoirs en or" pour le renforcement des relations d'amitié et de coopération entre les deux pays.

i-GR/ANA-MPA

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