Mal du départ - Ιδανικός κι ανάξιος εραστής
Θὰ μείνω πάντα ἰδανικὸς κι ἀνάξιος ἐραστὴς
τῶν μακρυσμένων ταξιδιῶν καὶ τῶν γαλάζιων πόντων,
καὶ θὰ πεθάνω μιά βραδιά, σὰν ὅλες τὶς βραδιές,
χωρὶς νὰ σχίσω τὴ θολὴ γραμμὴ τῶν ὁριζόντων.
Γιὰ τὸ Μαδράς, τὴ Σιγγαπούρ, τ' Ἀλγέρι καὶ τὸ Σφὰξ
θ’ἀναχωροῦν σὰν πάντοτε περήφανα τὰ πλοῖα,
κι ἐγώ, σκυφτὸς σ' ἕνα γραφεῖο μὲ χάρτες ναυτικούς,
θὰ κάνω ἀθροίσεις σὲ χοντρὰ λογιστικὰ βιβλία.
Θὰ πάψω πιὰ γιὰ μακρινὰ ταξίδια νὰ μιλῶ·
οἱ φίλοι θὰ νομίζουνε πὼς τὰ 'χω πιὰ ξεχάσει,
κι ἡ μάνα μου, χαρούμενη, θὰ λέει σ' ὅποιον ρωτᾶ:
« Ἦταν μιὰ λόξα νεανική, μὰ τώρα ἔχει περάσει ...»
Μὰ ὃ ἐαυτός μου μιὰ βραδιὰν ἐμπρός μου θὰ ὑψωθεῖ
καὶ λόγο, ὡς ἕνας δικαστὴς στυγνός, θὰ μοῦ ζητήσει,
κι αὐτὸ τὸ ἀνάξιο χέρι μου ποὺ τρέμει θὰ ὁπλιστεῖ,
θὰ σημαδέψει, κι ἄφοβα τὸ φταίστη θὰ χτυπήσει.
Κι ἐγώ, ποὺ τόσο ἐπόθησα μιὰ μέρα νὰ ταφῶ
σὲ κάποια θάλασσα βαθιὰ στὶς μακρινὲς Ἰνδίες,
θά’χω ἕνα θάνατο κοινὸ καὶ θλιβερὸ πολὺ
καὶ μιὰ κηδεία σὰν τῶν πολλῶν ἀνθρώπων τὶς κηδεῖες.
Mal du Départ
Je resterai toujours un amant, imaginaire et indigne,
Des voyages lointains et des mers azurées,
Et je mourrai, un soir, un soir comme tous les soirs
Sans inciser la ligne ouatée des horizons.
Pour Madras, Singapour, l'Algérie et pour Sfax
Fièrement comme toujours partiront les bateaux,
Et moi penché sur un bureau et des cartes nautiques,
Je ferai des totaux, sur d'épais livres comptables.
Je cesserai enfin de parler des voyages lointains
Les amis penseront que je les ai enfi oubliés.
Et ma mère, heureuse, répondra à qui lui demandera :
« Une lubie de jeunesse, qui est passée ... »
Mais un soir mon vrai moi, s'erigera devant moi,
En juge odieux, m'en demandera raison,
Et cette main inapte et qui tremble s'armera;
Visera, et sans crainte, atteindra le fautif.
Et moi, qui tant souhaita un jour être immergé
Dans une mer profonde aux Indes lointaines,
J'aurai une mort banale et très affligeante
Un convoi semblable à celui de tant d'humains.
Comptable dans une compagnie de bateaux au Pirée, Nikos Kavvadias entendait incessamment des histoires de marins jusqu’à ce qu’un jour il décide d’embarquer lui-même sur la ligne Alexandrie - Port Saïd – Marseille. Depuis, il n’a cessé de voyager…
Mal du Départ, titre en français dans le texte d’origine, plus connu parmi les Grecs comme « Amant idéal et indigne » à cause notamment des nombreuses interprétations musicales qui l’ont fait connaître auprès d’un large public, exprime ce désir de partir loin, son amour de la mer et du voyage, l’opposition de sa mère, et même les conditions de sa mort sera finalement telle qu’il la décrit dans ces vers « banale, et semblable à celle de tant d’hommes. » Kavvadias avait dédié ces vers à sa soeur Zenia.