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Londres et Ankara à l'assaut de Chypre

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Par iNFO-GRECE,

Même si Athènes feint de ne voir aucun rapport, une proposition turque pour la reprise des négociations sur la question chypriote à l'ONU, annoncée la veille d'une visite très controversée du ministre des Affaires étrangères de la Grande Bretagne, Jack Straw, au leader chyproturc dans les territoires occupés par l'armée turque sur l'île de Chypre ne peut-être simplement dûe au hasard. Ankara a présenté une proposition en forme de plan d'action en 10 points mercredi lors d'une conférence de presse de son ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül. Parmi les mesures proposées, la libre circulation et l'accès dans le Nord occupé de l'île, principe que M. Straw s'empresse de mettre en application dès aujourd'hui en s'y rendant au grand dam des autorités officielles de la république chypriote.


En filigrane de la proposition turque il s'agit en fait de faire reconnaître l'autonomie de l'autoproclamée République turque de Chypre du Nord sur la partie occupée de l'île.

Le plan d'action de M. Gül se réfère à la possibilité des aéroports et ports turcs par les avions et les navires de la République de Chypre (une obligation exigée par l'UE dans le cadre des négociations pour l'adhésion de la Turquie, ndlr) liant cette possibilité à l'ouverture des ports d'Amochostos et de Cerynée ainsi que de l'aéroport de Tympos (dans la partie occupée, ndlr). D'autre part, le plan turc propose d'ouvrir le commerce sans restrictions de la zone occupée vers l'extérieur et l'instauration de relations d'union douanière entre l'UE et l'autoproclamée République turque de Chypre du Nord, de même que la participation de la pseudo-république aux manifestations sportives, culturelles et sociales internationales.

Sous ces conditions, une rencontre quadripartite entre la Grèce, la Turquie et les deux communautés chypriotes pourrait avoir lieu sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies en mai-juin 2006.

Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan devrait se prononcer sur cette proposition après sa rencontre avec le Premier ministre turc au Forum économique de Davos en Suisse, où par ailleurs la Grèce a fait savoir qu'elle ne serait présente.

Du côté du State Department, le porte parole a déclaré que pour les Etats-Unis la proposition turque était certainement un pas bienvenu dans les efforts pour une résolution du problème chypriote. Toute en refusant de commenter les détails de la proposition turque, le représentant américain a estimé que la levée des restrictions sur la mobilité était une perspective positive et que le Secrétaire général de l'ONU pourrait bâtir quelque chose à partir de ces propositions.

"Du réchauffé", a été la première réaction du ministre des Affaires étrangères chypriote, M. Iakovou, rappelant que la même proposition avait été présentée il y a quelques mois sans trouver d'écho. La Turquie tente de lier des sujets qui ne peuvent pas l'être, a précisé M. Iakovou, soulignant que l'accès des avions et navires chypriotes aux ports turcs n'est pas négociable puisqu'il découle des engagements de la Turquie vis-à-vis de l'Union européenne.

De même le Président de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, a dit ne rien voire de neuf : "c'est la proposition que Gül a présenté le 30 mai 2004 et je crois que cela ne vise rien d'autre que de contourner les obligation que la Turquie a vis-à-vis de Chypre et de l'UE", a dit M. Papadopoulos mardi en soirée de retour d'un voyage en Russie. "Ce n'est pas la première fois que la Turquie demande des contreparties pour remplir ses obligations et faire ce qu'elle est obligée de faire".

A Athènes, le porte-parole du gouvernement grec, Theodoros Roussopoulos, a réitéré que la solution qui sera apportée à la question chypriote devra satisfaire aux conditions décrites à la fois par Athènes et Nicosie.

"L'important, c'est de trouver une solution à la question chypriote, telle qu'elle a été décrite par la voix du Premier ministre (Costas Caramanlis) et du Président chypriote (Tassos Papadopoulos), et que quelconques soient les initiatives qu'elles soient des initiatives de fond", a observé M. Roussopoulos, commentant mardi l'initiative de la Turquie.

Concernant les motifs de la Turquie de prendre cette initiative, M. Roussopoulos a observé - en réponse à une question de la presse - que "la Turquie a éventuellement toutes les bonnes raisons de sortir de la position où elle se trouve", à la suite des décisions de l'UE. "Si par contre elle recherche des moyens pour ne pas se conformer à ses obligations, nous parlerons alors d'initiatives visant à faire impression, étant donné qu'en substance, la Turquie est obligée de respecter les obligations qu'elle a contractées dans l'espace de l'UE", a conclu M. Roussopoulos.

Interrogé plus tôt dans la matinée par la presse au sujet de la visite prochaine du secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, a Athènes, et invité à dire si elle fait partie d'une mission de l'officiel britannique pour la question chypriote, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Georges Koumoutsakos, a affirmé que M. Straw "vient à Athènes dans le cadre d'une visite de travail". "Cette visite ne fait pas partie d'une mission spéciale ou d'une initiative pour la question chypriote, comme d'ailleurs en atteste clairement aussi l'agenda des entretiens, qui porteront sur les relations bilatérales, les développements et perspectives de l'UE, les développements de l'Europe du Sud-Est, la question chypriote et des questions dont pourraient éventuellement se saisir le Conseil de sécurité des Nations unies auquel participe aussi la Grèce", a déclaré M. Koumoutsakos.

M. Straw sera à Chypre ce mercredi où il rencontrera le ministre chypriote des Affaires étrangères, Giorgos Iakovou. Il se rendra ensuite au "palais présidenteiel" du leader de la communauté chyproturque Mehmet Ali Talat, en zone occupée. En fait une résidence confisquée à un chypriote grec à l'occasion de l'invasion de l'île par l'armée turque en 1974. Jeudi, M. Straw sera à Ankara pour des entretiens avec le ministre turc des Affaires étrangres, M. Gül et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Il terminera sa tournée régionale à Athènes le lendemain.

Le Président chypriote M. Papadopoulos, qui ne recevra pas M. Straw lors de sa visite sur l'île, a dit que les britanniques ne peuvent pas entreprendre une quelconque médiation sur la question chypriote s'ils ne jouissent pas de la confiance des deux parties et qu'ils devront d'abord faire preuve d'objectivité. Or, a fait remarquer M. Papadopoulos, ils ont maintenu cette visite [dans le Nord occupé] malgré nos réserves et l'expression de notre sensibilité sur cette éventualité et bien que nos négociations se poursuivaient pour trouver une solution communément acceptée, ils ont annoncé la visite comme un fait accompli.

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