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Coopération dans l'Europe du Sud-Est : avancées économiques mais la stagnation politique ne désamorce pas des dangers qui se profilent

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Par iNFO-GRECE,

Le sommet de la Procédure de Coopération de l'Europe du Sud-Est qui s’est tenu mercredi et jeudi de cette semaine à Thessalonique a permis de boucler in extremis le programme de la présidence grecque en signant notamment un accord pour la construction d’un réseau de chemins de fer balkanique et le principe d’une légalisation commune se substituant à plusieurs accords bilatéraux concernant le libre échange. Cependant, rien n’a été réglé dans les multiples problèmes politiques qui enveniment les rapports entre les différents pays : avenir de la Serbie-Monténégro, statut futur du Kosovo, nom définitif de la FYROM, question chypriote, etc.


Le Premier ministre, Costas Caramanlis, dans son intervention lors du processus de Coopération de l'Europe du Sud-Est (SEECP) a souligné jeudi l'existence lors de la présidence grecque de progrès significatifs et de réussites importantes.

M. Caramanlis a souligné que la Grèce continue à soutenir pleinement l'optique européenne des États de la région et travaille avec constance dans cette direction tout en mettant l'accent « que les principes et les valeurs européennes soient respectées et les critères et conditions pré requises définies par l'UE pleinement appliqués », les relations de bon voisinage étant également considérées par l'UE comme une condition préalable à l'adhésion.

Cela a dû raisonner comme des mises en garde aux oreilles des Premiers ministres de la Turquie et de la FYROM (Ancienne république yougoslave de Macédoine). De même, malgré le satisfecit affiché par la délégation Serbe quant aux efforts déployés par la Grèce pour soutenir leur demande d’adhésion à l’Union Européenne, elle ne pouvaient faire abstraction qu’à la veille du sommet, l’UE, sur recommandation du Tribunal pénal international, annonçait la suspension des concertations d'adhésion en raison de la non arrestation de Ratko Mladic, accusé de crimes de guerre.

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Au premier rang les ministres des transports, au second les chefs d’Etat et de gouvernement des pays balkaniques, pour la photo souvenir de la signature de l’accord pour le réseau ferroviaire balkanique à grande vitesse

Sur le plan institutionnel, M. Caramanlis a longuement insisté sur la nécessité de créer des structures et des institutions pour la collaboration interbalkanique, qui sont inexistantes actuellement, considérant à l'inverse de l'opinion partagée par certains que la création d'institutions pourrait détruite le caractère purement politique de la collaboration interbalkanique, que cela renforcerait au contraire la crédibilité de la SEECP au regard de la communauté internationale et de l'UE.

C’est que cette crédibilité est mise à mal par la panne du dit « Agenda de Thessalonique », qui avait été adopte à la session au Sommet de l'UE en juin 2003 en Chalcidique, que de l’avis commun des participants il convient de relancer au plus vite. Mais si les retombées positives de la coopération balkanique sont palpables, c’est justement sur le plan politique que chaque pays est confronté à ses propres difficultés, ou plutôt à des différends bilatéraux qui plombent les avancées politiques.

La Grèce qui assure jusqu’à ce sommet de Thessalonique la présidence tournante du SEECP – elle a passé le relais à la Croatie - s’est empressée à boucler l’accord pour la construction d’un réseau ferroviaire interbalkanique à grande vitesse ce qui lui permet de terminer sa présidence sur un bilan positif, d’autant que la proposition du nouveau ministre grec des Affaires étrangères, Dora Bakoyannis, de remplacer une trentaine d'accords bilatéraux sur le libre échange par un accord commun a été favorablement accueilli.

La Serbie et le TPI

C’est donc sur le plan politique que les accords ont été les plus difficiles à trouver. A commencer par les Serbes qui n’étaient pas à la fête. La veille du sommet, le commissaire à l'Elargissement, Olli Rehn, annonçais la suspension des concertations d'adhésion avec la Serbie-Monténégro en raison de la non arrestation de Ratko Mladic, accusé de crimes de guerre. Dans des déclarations faites à la presse, le premier ministre serbe Vuc Draskovic a observé que l'impossibilité d'arrêter le général a conduit la nation serbe à être prise en otage et que l'avenir européen de son pays est menacé. « Le fait que le général Ratko Mladic n'a pas été arrête produit un autre fait que, d'une façon bizarre, c'est la nation serbe qui a été arrêtée et dont l'avenir européen est menacé », a-t-il dit. De même, le président de Serbie-Monténégro, Svetovar Marovic avouait qu’ « Il n'existe aucune autre solution possible autre que celle d'arrêter Mladic », appelant celui-ci « à se rendre à la raison et à se livrer aux autorités. Il doit comprendre qu'un accusé pour des crimes de guerre ne peut tenir en otage des millions de personnes. »

Outre la crise provoquée au sein du gouvernement serbe, la mise entre parenthèses de l’adhésion de la Serbie-Monténégro à l’UE pourrait peser sur le résultat du referendum sur l'indépendance du Monténégro. Le premier ministre serbe tout en se disant défenseur du statu quo, a précisé qu'en cas de « divorce », les deux peuples resteraient amis.

Kosovo

Mais la Serbie n’avait pas que des soucis avec l’Union Européenne. Le statu de la province du Kosovo doit être réglé avant la fin de l’année selon l’agenda fixé par la communauté internationale. Or, aucun compromis sur un plan viable ne s’est encore fait jour. « La Serbie ne peut être contrainte ni par des sanctions ni par des chantages de reconnaître un Etat albanais sur son territoire », a déclaré M. Draskovic, avertissant que des changements de frontières de son pays seraient le prélude d'une nouvelle catastrophe dans les Balkans.

De son côté, M. Caramanlis a souligné que « le processus de négociations sur le nouveau statut [de Kosovo] devra participer à la stabilité et à la sécurité du Sud-Est de l'Europe » et ajouté que « l'implication des pays de la région dans les efforts de solution participe tant au succès des négociations qu'à la stabilité dans la région » Mais le voeux du Premier ministre grec est loin de refléter la réalité de l’état d’esprit des plus intéressés à l’affaire du Kosovo.

Certes, dans une interview à l'ANA-MPA à Thessalonique jeudi en marge des travaux, le président du Kosovo, Fatmir Sejdiu, a déclaré que la protection des monuments chrétiens orthodoxes ferait force de loi, se disant de plus convaincu que la mise en application des critères posés par la communauté internationale aiderait à l'amélioration du niveau de vie de toutes les communautés ethniques, y compris des Serbes.

« Nous instituerons des lois, a-t-il dit, pour la protection du patrimoine culturel et religieux des minorités, comme d'ailleurs des monuments chrétiens orthodoxes ». Exprimant de manière concrète la volonté de Pristina de sauvegarder « le patrimoine culturel commun du Kosovo », M. Sejdiu a précisé avoir passé Paques avec des Serbes orthodoxes au monastère de Decani, où il avait été accueilli chaleureusement. « Je pense, a-t-il ajouté, que mes intentions ont été comprises. »

Mais, alors que les participants au sommet insistaient sur l’impératif de ne pas toucher aux frontières existantes, les déclarations du ministre albanais des Affaires étrangères, Besnik Mustafaj, n'écartant pas l'éventualité que Tirana réexamine ses frontières avec le Kosovo et la FYROM dans le cas de l'indépendance du Kosovo, ne sont pas passées inaperçues, beaucoup moins en tout cas « les relations historiques et culturelles [ de la Turquie ] avec le Kosovo » que le Premier ministre turc a crû nécessaire de rappeler.

Si le ministre grec des Affaires étrangères, Mme Bakoyannis, a réagit stoïquement disant que « tous ces problèmes sont connus, tous les problèmes en Europe du S-E n'ont pas été réglés, nous avons un long chemin devant nous et avons besoin de grands efforts et d'une bonne coopération », le Premier ministre serbe s’est voulu beaucoup plus clair : « La Serbie ne peut être contrainte ni par des sanctions ni par des chantages de reconnaître un Etat albanais sur son territoire », a-t-il dit avertissant que des changements de frontières de son pays seraient le prélude d'une nouvelle catastrophe dans les Balkans.

FYROM

Le différend de la Grèce avec l’ancienne république yougoslave de Macédoine au sujet d’une appellation définitive de cette dernière n’a visiblement pas été abordé lors de cette rencontre. Pour Mme Bakoyannis, les positions de la Grèce sont connues, tandis que M. Karamanlis dans ses rencontres avec le Président de la FYROM, Branko Crvenkovski, a assuré n’avoir discuté que de coopération économique.

Grèce - Turquie


Les étudiants chypriotes de Thessalonique se sont mobilisés pendant la visite du Premier ministre turc à la maison de Kemal Atatürk dans la capitale du Nord de la Grèce pour lui rappeler que son pays occupe toujours un tiers du leur. Mais leur cause risque de faire les frais au profit d’un règlement des problèmes du Patriarcat œcuménique de Constantinople

En revanche, la rencontre du Premier ministre grec avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ne pouvait faire l’impasse sur les relations politiques entre les deux pays et toutes les question bilatérales ont été passées en revue par les deux hommes.

MM Caramanlis et Erdogan se sont entretenus jeudi en fin de matinée pendant un peu moins d'une heure en marge des travaux du Processus de Coopération de l'Europe du Sud-Est, en présence du ministre des Affaires étrangères, Dora Bakoyannis. M. Erdogan devant ensuite visiter la maison de Kemal Atatürk à Thessalonique.

Le développement des relations économiques a été au centre des entretiens, un développement que les deux parties ont qualifié de fulgurant, puisque le volume total des échanges commerciaux a dépassé l'objectif des deux milliards de dollars, la barre étant dorénavant fixée à 5 milliards, les deux interlocuteurs encourageant d'ailleurs l'esprit d'entreprise et le renforcement des relations économiques et commerciales dans le cadre de la diplomatie économique.

Concernant la marche européenne de la Turquie à laquelle la Grèce apporte son plein soutien, M. Caramanlis a déclaré dans sa conférence de presse donnée à la suite de l'entretien, que cette marche passe par l'application des engagements précis du pays voisin définis par l'UE et rappelé que la Turquie doit progresser dans la mise en oeuvre de ces derniers, notamment sur le plan des libertés religieuses.

MM. Caramanlis et Erdogan ont eu aussi un échange de vues sur la question chypriote, et exprimé l'espoir qu'il y aura une issue propice, la partie grecque insistant encore une fois sur son soutien aux efforts du SG de l'ONU M. Annan pour la mise en place de commissions techniques, ainsi que sur l'impératif de bien préparer la procédure qui conduira à une solution juste et viable.

Répondant à une question de la presse, M. Caramanlis a reconnu qu'il « existe des sujets sur lesquels nous avons des vues différentes (les libertés religieuses, la faculté de Théologie de Halki, le Patriarcat oecuménique). Mais je souhaite éviter dans une telle rencontre la logique ou l'impression qu'il y a un vainqueur et un vaincu (...) Qu'as-tu gagné, qu'as-tu obtenu, qu'as-tu perdu? Cela ne se passe pas comme cela. Nous vivons dans une Europe moderne où nous devons avoir une dynamique constante de concertations et de contacts. Il est évident qu'il n'y a pas identité de vues avec M. Erdogan sur une série de questions, mais cela ne veut pas dire que les relations grecoturques ne sont pas bien meilleures que dans le passé, et qu'il n'existe pas de volonté, de disposition, d'arriver à une situation encore meilleure. »

De son côté, M. Erdogan a notamment déclaré que son gouvernement est déterminé à continuer les réformes nécessaires à l'adhésion de la Turquie à l'UE.

Se référant ensuite à la question du Kosovo, M. Erdogan a estimé qu'il s'agit d'un sujet à suivre avec beaucoup de précaution, et souligné que la Turquie a des relations historiques et culturelles avec le Kosovo mettant l'accent sur le fait que, pour la Turquie, il n'est pas possible de revenir au statut d'avril 1999. Le Premier ministre turc a exprimé par ailleurs sa satisfaction à propos des négociations engagées depuis février sur le statut final.

M. Erdogan a également évoqué dans son discours l'accord sur la Communauté énergétique de l'Europe du Sud-Est que la Turquie n'a pas signé pour des raisons techniques, et affirmé avoir bon espoir d'y joindre sa signature dès que les contacts avec l'UE sur ce dossier seront terminés.

C’est encore le Premier ministre grec qui a le mieux résumé l’esprit de ce type de sommets : « Il ne faut pas créer le sentiment qu'on peut s'attendre a des choses concrètes d'une telle rencontre. Ces rencontres ont lieu pour aménager le climat nécessaire, avoir un échange de vues et conserver une dynamique. La dynamique qui existe est dans la voie de l'amélioration des relations grecoturques. Vous savez bien que pour nous - et je l'ai fait savoir clairement - l'objectif, l'objectif stratégique, pour la Grèce et pour mon gouvernement, c'est leur normalisation complète», a-t-il expliqué.

i-GR/ANA-MPA

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