Le Premier ministre, Costas Karamanlis, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ont exprimé vendredi leur volonté politique commune d'améliorer davantage les relations greco-turques. Malgré l'unanimité des points de vue affichée par les deux hommes, aucune annonce n'a été faite sur un quelconque progrès dans les différents dossiers conflictuels entre les deux pays. Pourtant, on était loin d'une visite de routine, la dernière visite d'un Premier ministre turc en Grèce remontant à 16 ans. M. Ergodan a également rencontré les chefs des partis de l'opposition grecque avant de poursuivre son voyage vers le Nord de la Grèce où il doit rencontrer à titre "privé" la communauté musulmane de Thrace.
Selon des informations évoquées par l'Agence Athénienne de Presse (ANA) M. Karamanlis a particulièrement insisté lors des entretiens pour que ''la pleine normalisation de nos relations soit favorable à nos deux peuples et à toute la région'', ajoutant que ''nous n'avons pas de problème insoluble, nous avons besoin de bonne volonté, de volonté politique et de confiance mutuelle''. Pour sa part, M. Erdogan a déclaré que ''l'amitié personnelle entre les deux chefs de gouvernement est ancienne et qu'elle doit fonctionner comme 'sponsor' des bonnes relations des deux pays''. ''Nous estimons de façon convergente que la procédure de rapprochement des deux pays se poursuit de façon positive et nous nous sommes mis d'accord pour en étudier toutes les possibilités d'approfondissement'', a confirmé M. Karamanlis lors de la conférence de presse.
Selon ces mêmes sources, M. Karamanlis a fait référence à la marche européenne de la Turquie pour bien souligner qu'une telle évolution sera bénéfique et donnera un nouvel élan aux relations bilatérales ''comme matériel supplémentaire dans la construction de la confiance mutuelle''. De son côté, M. Erdogan qui a exprimé le souhait d'assister aux Jeux olympiques d'Athènes a déclaré que son pays souhaite une étroite collaboration avec la Grèce afin d'approfondir les relations bilatérales. Il a aussi précisé que son gouvernement veut que les quelconques litiges soient réglés et que de ''petits calculs'' ne mettent pas en danger les intérêts fondamentaux des deux pays.
Toutefois aucun progrès essentiel n'a été annoncé dans les différents dossiers conflictuels des relations greco-turques. Le Premier ministre a indiqué que les discussions sur la question du plateau continental en Egée vont continuer, précisant néanmoins qu'elles ne devraient pas se conclure dans un avenir proche bien qu'il existe une volonté politique pour qu'elles aboutissent.
En ce qui concerne l'Egée, M. Erdogan a fait remarquer que ce ne doit pas être un terrain de conflit d'intérêts entre la Grèce et la Turquie, mais une mer de paix pour les deux pays.
Interrogé sur Chypre et sur la revendication de ''reconnaissance d'un Etat turco-chypriote que pose Ankara'', comme a été très exactement formulée la question adressée au chef du gouvernement grec, M. Karamanlis a dit que l'UE a réglé cette question en faisant adhérer l'ensemble de l'île, et avec un statut spécial pour la partie Nord, alors qu'il s'est félicité de la décision de la République de Chypre de soutenir économiquement les Turco-chypriotes, sans manquer de dire bien clairement une fois de plus que l'objectif d'Athènes demeure la réunification de l'île.
M. Erdogan a fait remarquer ''qu'il faut laisser le passé au passé'', en réponse à une question de la presse sur la crise en mer Egée a propos de la contestation de la souveraineté de l'îlot Imia en 1996, insistant que ''nous ne souhaitons pas que les générations futures vivent comme nous l'avons fait''. ''La paix et l'amour sont profondément ancrées dans les sentiments de nos deux peuples'', a-t-il dit.
Interrogé en outre sur la question de la réouverture de la Faculté de Théologie de Halki, M. Erdogan a mentionné là aussi l'existence d'une volonté politique à la fois des deux parties de trouver une solution. ''Cela peut être très rapidement réglé'', a-t-il dit.
Enfin, en ce qui concerne le retrait du ''casus belli'' turc vis-à-vis de la Grèce si Athènes étend ses eaux territoriales à 12 milles, M. Erdogan a dit que les technocrates des deux pays cherchent la solution adéquate, soulignant l'existence d'une volonté politique commune en ce sens.
Restaient donc les relations économiques bilatérales qui se montent à 1,2 milliard de dollars, a rapellé M. Erdogan estimant qu'elles pourraient être encore plus élevées, et qu'il existe des marges d'amélioration dans le domaine de l'énergie après la mise en place de l'accord supprimant la double imposition et l'intérêt croissant des entreprises privées du fait du programme de reforme appliqué par son gouvernement qui limite la bureaucratie pour la création d'entreprises.
Plus précisément dans le secteur de l'énergie et du tourisme, M. Karamanlis a proposé un accord bilatéral pour construire un réseau énergétique vers l'Europe, et souligné l'importance du tourisme comme ''terrain essentiel de collaboration'', puisque les flux touristiques réciproques doivent et ont d'ores et déjà augmenté.
Face à M. Karamanlis qui avait évoqué la question de l'immigration clandestine et la nécessité d'appliquer plus sévèrement le Protocole de rapatriement, M. Erdogan a proposé la formation d'une commission de coordination qui sera chargée de suivre l'application de ce texte.
Une bonne part des entretiens a porté sur la candidature turque à l'Union Européenne et sur l'adaptation progressive de la Turquie à l'acquis communautaire. M. Karamanlis n'a pas manqué de rappeler a propos des relations entre l'UE et la Turquie que si la marche européenne de celle-ci est essentielle, le respect des droits de l'Homme (des individus et des minorités, ainsi que le pluralisme religieux) a une place décisive, tout comme la garantie de fonctionnement des organismes et instituts appartenant aux minorités religieuses.
Immédiatement après ces déclarations, M. Erdogan a été reçu par le président de la République, Costis Stephanopoulos. ''Je me réjouis particulièrement de vous revoir, notre dernière rencontre ayant eu lieu en Chalcidique. Votre visite est très importante et donne l'occasion de promouvoir encore davantage nos relations. Il est très important qu'il existe une relation personnelle avec M. Karamanlis, ce qui facilite grandement les discussions'', a affirmé le chef de l'Etat. M. Erdogan a remercieé le Président de la République pour son accueil et lui a transmis les salutations du président turc.
Entretiens Erdogan avec les chefs des partis de l'opposition
Les relations greco-turques, la question du patriarcat œcuménique et de la faculté de Théologie (orthodoxe) de Halki (en Turquie) qui reste toujours fermée, ont été évoqués notamment par le président du PASOK, Georges Papandreou, qui s'est entretenu vendredi avec le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan.
M. Papandreou a souligné que ''les gouvernements du PASOK avaient initié la politique posant les relations de la Turquie dans le cadre européen'', précisant que ''les décisions d'Helsinki sont celles qui ont défini un nouveau processus, non seulement pour la Grèce et Chypre, mais aussi pour les relations de l'UE avec la Turquie. La Turquie montre qu'elle change lentement, mais de manière stable, et de nouvelles conditions sont créées par les critères de Copenhague, pour les droits de l'Homme et les libertés religieuses''.
Le président du PASOK a exprimé sa satisfaction sur le fait que ''les initiatives et efforts des précédents gouvernements ont porté leurs fruits pour rendre possible aujourd'hui la présence d'un Premier ministre turc à Athènes'', s'est félicité M. Papandreou.
A propos de la question chypriote, le chef du principal parti de l'opposition a demandé à M. Erdogan de contribuer à la poursuite du dialogue, indépendamment des résultats des referendums. Le Premier ministre turc a pour sa part souligné qu'étant donne que la partie grecque avait rejeté le plan Annan, ce n'est pas la partie turque qui est responsable.
Le SG du CC du KKE (parti communiste), Aleka Papariga, a quant à elle expliqué que la question de la délimitation du plateau continental en Egée constitue la seule question pendante dans les relations greco-turques. Mme Papariga a déclaré à la presse qu'elle avait exprimé l'espoir au Premier ministre turc que la nouvelle constitution turque lèvera l'interdiction d'utiliser le mot ''communiste'' pour les partis politiques.
Enfin, le président de Synaspismos (gauche radicale), Nicos Constantopoulos, rendant compte de ses entretiens avec M. Erdogan, a dit que son parti avait été le premier à soutenir dans des conditions difficiles la nécessité d'un dialogue et rapprochement avec la Turquie. Ce dialogue doit se faire ''sans arbitre'', a soutenu M. Constantopoulos, car cette politique ouvrira la voie à un avenir commun dans l'Europe, un avenir de paix, de droits de l'Homme et de prospérité. Il faut parvenir, a-t-il dit encore, a une réduction équilibrée des armements pour que ces investissements dans l'industrie de défense puissent financer des politiques sociales.