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Le Monde offre une tribune à la défense des terroristes Grecs

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Par iNFO-GRECE,

Alors que s'est ouvert cette semaine en Grèce le procès du deuxième groupe terroriste de l'extrême gauche grecque ELA, Le Monde a publié hier soir (édition datée 14/02/04) dans sa rubrique "Horizons - Débats" une lettre émanant de certains universitaires parisiens tentant de disqualifier la justice grecque et mettre en cause la verdict de condamnation du fameux groupe du "17 novembre", dont six de ses membres ont écopé de 55 perpétuités, pour une vingtaine d'assassinats et des nombreux braquages. Le Monde, en titrant "L'étrange procès du 17 Novembre grec", laisse… l'étrange impression qu'il prend à son compte les doutes des signataires de la lettre et donne un écho à leur appel à "certains représentants de la gauche au gouvernement" à intervenir pour corriger les sanctions de la justice ! Le grand quotidien de Paris nous avait habitués à des meilleurs papiers que cela !


"Nous ne prétendons nullement détenir la vérité. Nous attendons justement des procès à venir qu'ils lui permettent de se manifester", la modestie de la phrase mise en exergue par Le Monde tranche avec l'efficacité de la rhétorique bien rodée qui, jouant sur des demi-vérités, développe à nouveau un à un les arguments développés par la défense du groupe lors de son procès et visant à reconnaître un caractère politique aux crimes perpétrés dont la conséquence immédiate serait d'accorder aux criminels le statut de prisonniers politiques ! C'est la stratégie promue par les auteurs de l'article, Jean Malifaud et Catherine Samary, maîtres de conférence respectivement à l'Université de Paris-VII et Paris-IX, Serge Niémetz, traducteur, et Electre Petropoulos, doctorante à Paris-VII.

Paragraphe 1: rappel des faits et de la dureté des condamnations. Paragraphe 2: Retour sur le passé héroïque celui du soulèvement estudiantin du 17 novembre 1973 et première manipulation de l'opinion: l'établissement d'une base populaire du groupe qui allait revendiquer pas moins d'une vingtaine de meurtres en autant d'années d'activité. "Dans la situation instable qui suivit la chute de la dictature…", apprend-on ! De mémoire de Grec, la chute de la dictature a été suivie du retour de Constantin Karamanlis, alors en auto-exil à Paris, du retour de la plupart des autres hommes politiques, chefs ou simples militants, qui avaient trouvé refuge à l'étranger. La formation d'un gouvernement d'union nationale qui en moins de deux ans allait restaurer pas seulement la démocratie mais, surtout, redonner confiance aux Grecs en leur démocratie et créer les bases d'une expérience unique dans la région, la Grèce re-devenant l'unique pays démocratique et prospère dans un cénacle formé des dictatures communistes dans son nord balkanique et du régime militaire turc dans ses frontières Est. La formation du nouveau parti socialiste grec par Andreas Papandreou et la légalisation du parti communiste grec, interdit depuis la fin de la guerre civile, allaient créer un véritable climat de liberté politique. Les militaires n'ont qu'à bien s'y tenir, le procès des colonels responsables du coup d'état de 1967 est initié, la monarchie est abolie par référendum national. Le visage de la Grèce change radicalement dans le plus grand calme et avec une étonnante maturité poltique de ses leaders. Est-ce cela la période d'instabilité ?

Il n'empêche que l'instabilité étant un sentiment subjectif qui ne s'apprécie qu'en comparaison à l'idéal de stabilité de chacun, quelques irréductibles pensent que le combat se poursuit et se chargent d'achever le travail à leur manière. Ciblage des instigateurs moraux de la dictature qui vient de s'écrouler, les agents de la CIA ; repérage des anciens tortionnaires qui ont échappé à la justice de la jeune démocratie ; vengeances personnelles. La 17 novembre est née. A lutte finale, solution finale. On assassine sans autre forme de procès. Et, ce sont ceux-là qui appellent aujourd'hui à la justice équitable !

Mais revenons à la lettre de nos universitaires publiée par Le Monde. L'insinuation et la manipulation de l'opinion continue. De l'émotion d'un peuple qui se libère de son joug et n'a que faire des malheurs infligés à ses anciens tortionnaires, on en fait un sentiment de sympathie populaire qui justifierait l'assassinat des "personnages impliquées dans les basses œuvres de la junte". Disqualification des témoins de l'accusation : des Américains, des Britanniques ! Furent-ils les enfants ou les veuves des victimes du terrorisme.

Et, mieux, les prophètes ont eu raison ! "Ceux qui ont connu certains des accusés à l'époque de la lutte contre la junte" avaient le pressentiment que le procès de la 17 novembre serait entaché d'irrégularités. On appelle cela des "inquiétudes" et pas des préjugés. Eh bien, les faits leur auraient donné raison ! Rien de moins que "l'utilisations de psychotropes", des "menaces par des hommes armés et cagoulés" et même "les allégations de tortures" ne peuvent être écartées -écrivent les signataires-, tout un arsenal que la police grecque aurait utilisée pour extorquer les aveux. Derrière la Grèce moderne marchant gaiement vers les festivités des Jeux Olympiques rêvés depuis un siècle, se cacherait un pays dont la Turquie du Midnight Express ne serait qu'une pale copie !

Le problème est bien là, qu'il ne s'agit que d'allégations puisque aucun fait n'est avancé dans la publication du Monde. Notons au passage que la noble cause de la lutte contre la junte sert ici d'alibi pour la fréquentation des futurs terroristes. Mais qu'en est-il devenu après la chute de la junte, quand les résistants de gauche et de droite retournaient au pays pour participer à la reconstruction de la démocratie ? Où étaient-ils passés ces hommes et leurs amis de France ? Motus ! Normal, puisque, l'ombre impose toujours le silence.

Mais que demandent au juste les signataires de la lettre au Monde. Bien difficile de le discerner. Estiment-ils que les accusés sous les barreaux actuellement ont été condamnés par erreur puisqu'ils n'avaient rien à voir avec l'entreprise terroriste ? Non, bien sûr. Au contraire, on y reconnaît bien leur implication, puisque l'article se termine par une demande de reconnaissance "du caractère politique des actions de la 17 Novembre". On y demande simplement une requalification des crimes. Conséquence logique dans le vocabulaire du texte, il n'est jamais question de "crimes" de l'organisation terroriste, mais d'"actions". Quelle est la légitimité d'une "action" qui consiste à prendre un revolver et à tirer sur un homme ? La seule appréciation de la situation politique dans le pays par un groupe d'une vingtaine d'hommes, sans autre forme de contrôle citoyen et de débat, qui décide de la forme de justice qui doit être rendue et des hommes à abattre !

Enfin, le plus curieux, l'article se termine par un appel "à certains représentants de la gauche grecque au gouvernement, eux-mêmes anciens résistants" à intervenir pour corriger le jugement de la justice a infligée aux membres de la 17 Novembre. Tant, peut-être qu'il est temps, vu que des élections législatives doivent avoir lieu dans trois semaines qui pourraient les éloigner des postes de pouvoir. A quels "certains représentants" pensent les signataires ? Et de quelle façon devraient-ils - ces "certains représentants" - considérer cet appel depuis les colonnes du Monde ?

Il est connu qu'Alexandre Giotopoulos, ainsi que d'autres membres de la 17N, disposait de solides soutiens en France où il a été né et élevé - son père étant une des figures du trotskisme international. Il est aussi établi que ces réseaux français n'ont pas été très inquiétés au cours de l'instruction du procès de la 17 Novembre. Paris avait aussi été une des plaques tournantes de la résistance grecque contre la junte. Des liens se seraient-t-ils tissés, devant l'ennemi commun, entre la lutte politique et l'action armée et qui ne se seraient pas dissolus par la suite ? Ces "certains représentants de la gauche au gouvernement" sont-ils les mêmes que ceux qui ont permis au groupe d'agir pendant deux décennies sans être jamais inquiété ? Des tels soupçons ont pesé tout au long de l'activité de la 17 Novembre. Des soupçons bien plus lourds que les inquiétudes des signataires de la lettre du Monde sur le respect des procédures par la justice grecque.

Quoi qu'il en soit, il apparaît curieux que Le Monde publie aujourd'hui cet appel en titrant sur l'"étrange procès". Le débat, que l'acte de publication tend à légitimer dans la sphère médiatique, celui d'un caractère politique des assassinats perpétrés en invoquant des raisons politiques, et d'une toute autre étrangeté. Et cela, le médiateur du Monde qui trie les lettres des lecteurs et les contributions des "intellectuels" qui seront publiés, ne pouvait l'ignorer.

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