Plus de quarante ans après l'invasion de l'île, le travail fastidieux d'identification se poursuit. Reportage.
Non je n'irai pas." Maria Christou secoue la tête. "Cela fait 42 ans que j'attends mais je n'irai pas. Je ne peux pas, c'est trop dur." Sa voix tremble, mais elle n'a plus de larmes. Elle en a trop versé à attendre ses deux frères, Ionos et Parasxos, disparus en 1974, lors de l'invasion du nord de l'île de Chypre par l'armée turque, en réponse à un coup d'Etat des colonels grecs, visant au rattachement de l'île à la Grèce. Maintenant, elle est appelée à aller "reconnaître" les ossements de son petit frère, Ionos. Ils ont été identifiés au laboratoire du Comité de recherche des disparus de Chypre. Mais c'est au-dessus de ses forces : "Ma fille, mon neveu iront. Moi non", dit-elle avec un triste sourire. "Il était grand comme un if, on a juste retrouvé cinq petits osselets de la main et du genou dans une fosse commune", lâche-t-elle. Pour son frère aîné, Parasxos, c'est toujours l'inconnu. Il avait été blessé lors de la première invasion turque le 19 juillet 74. Maria l'avait soigné, "Je n'y connaissais pas grand-chose, mais je nettoyais ses plaies, lui lavais les...