amochostos
Le chef des chyproturcs Raouf Denktash a adressé, mercredi 2 avril, une lettre au Président de Chypre Tassos Papadopoulos pour présenter "une série de propositions" censées "agir comme catalyseur" dans la résolution du problème de la division de l'île. M. Denktash a présenté ces propositions dans une conférence de presse dans la partie occupée de la capitale chypriote, à laquelle il avait également convoqué les journalistes chypriotes-grecs.
Le chef chyproturc serait, selon ses dires, disposé à faire des concessions territoriales et notamment dans la région d'Amochostos, ville fantôme depuis qu'elle a été vidée des chypriotes-grecs au moment de l'invasion turque en 1974, en échange de la levée de l'embargo dans tous les domaines, y compris les domaines sportif, culturel et commercial.
Denktash propose ainsi en six points que
(i) Dans un premier temps, le secteur de Varosha au sud de la rue Dimokratias, y compris le secteur s'étendant jusqu'à la zone-tampon de l'ONU, soit transféré sous contrôle chypriote grecque.
(ii) En parallèle à ceci, que toutes les restrictions au commerce maritime, au transport, au voyage et aux activités culturelles et sportives des deux parties de Chypre soient levées. "Je suis convaincu que la Turquie et la Grèce répondront de leur côté en levant les restrictions qu'elles appliquent aux côtés chypriotes grecs et turcs respectivement", a dit le chef chyproturc.
(iii) La libre circulation soit facilitée des deux côtés, et assujettie aux seules procédures minimales. Les restrictions aux mouvements des touristes seront également levées.
(iv) Des mesures seront prises graduellement pour la normalisation de la circulation des marchandises entre les deux parties sur l'île. La coopération sera également encouragée entre les établissements des deux côtés à identifier et développer des projets communs.
(v) Le côté chypriote turc lèvera les mesures concernant le mouvement d'UNFICYP de juillet 2000.
(vi) Un Comité bilatéral de réconciliation soit mis en place avec pour objectif de promouvoir la compréhension, la tolérance et le respect mutuel entre les deux parties.
La manœuvre de Raouf Denktash vise à revenir sur le devant de la scène après avoir torpiller les négociations autour du plan du Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, début mars dernier. En esquivant la dimension politique (un seul Etat), militaire (présence d'une armée d'occupation de 35.000 militaires turcs sur la partie Nord) et social (2 colons turcs d'Anatolie pour un chypriote-turc, retour des réfugiés chypriotes- grecs à leurs foyers), et en poussant les chypriotes-grecs à apparaître comme ceux qui refusent la coopération, il cherche à faire reconnaître sa souveraineté sur la partie occupée, au Nord de Chypre, alors que l'Etat autoproclamé depuis 1974 n'a été reconnu que par la seule Turquie.
"La levée des embargos sur les sports et dans les autres domaines qui sont imposés aux Chypriotes-turcs démontrera si les Grecs ont la volonté de préparer un terrain pour la paix et la réconciliation", a dit Raouf Denktash lors d'une réunion avec le manager et les membres du comité de l'équipe nationale du football de l'autoproclamé République Turque de Chypre du Nord. Denktash a dit qu'il "n'était pas possible d'atteindre une solution tant que le côté grec garde les embargos et essai de libérer le Nord de l'ennemi."
Le porte-parole du gouvernement chypriote Kypros Chrisostomidès a déclaré jeudi soir à l'issue d'une réunion spéciale du Conseil National de Chypre, réunissant les chefs des partis politiques, que ces derniers ont laissé le soin au Président Papadopoulos de répondre aux propositions de Raouf Denktash ; une réponse qui sera rendue avant lundi prochain. Selon le président du DISY (parti de l'Alerte Démocratique), Nikos Anastassiades, la réponse soulignerait l'attachement de Chypre au processus des négociations menées sous l'égide des Nations-Unies, sous-entendu au détriment des négociations bilatérales directes.
Le ministère turc des Affaires étrangères a fait savoir que la Turquie approuvait les propositions Denktash. Le Premier ministre de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a rencontré mercredi après-midi le secrétaire d'Etat américain Colin Powell en visite à Ankara pour négocier le soutien turc au déploiement américain en Irak, tout en évitant une entrée de l'armée turque au Kurdistan irakien. Le problème chypriote était parmi les questions abordées au cours de leur discussion.
La question chypriote devrait également dominer la rencontre entre les Premiers ministres grec et turc, MM Simitis et Erdogan, qui doit avoir lieu à Belgrade à l'occasion du sommet des pays balkaniques le 8 avril.