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Absente de la guerre, comme de la paix, la Présidence grecque déboussolée.

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Par iNFO-GRECE,

En convoquant les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze à une réunion extraordinaire pour lundi 17 février à Bruxelles, la Grèce qui préside l'Union européenne depuis le 1er janvier, tente de reprendre en main une politique européenne qui, il faut bien l'avouer, a fait peu de cas jusqu'ici des conseils d'Athènes. Un manque de crédit de la diplomatie grecque qui rend la Présidence bien fantomatique en à peine un mois et demi d'exercice. La restauration du crédit de la politique grecque devient une urgence.


Le 31 janvier dernier, à un jour près, un mois après le passage de la présidence semestrielle de l'Union Européenne sous bannière grecque, Athènes essuyait son premier camouflet lorsque huit Etats de l'UE s'engageaient derrière Georges Bush dans la campagne de ce derrière pour une guerre contre l'Irak, désavouant ainsi une déclaration commune des ministres des Affaires étrangères. Le ministre grec des Affaires étrangères Georges Papandreou, président la réunion, venait de l'arracher à ses homologues sur la base du plus petit dénominateur commun ; néanmoins, il la présentait comme une grande victoire de la Présidence grecque. Depuis, le Premier ministre grecque Costas Simitis et son ministre des Affaires étrangères ne cessent de s'agiter sur tous les fronts du dossier irakien, malheureusement sans jamais être là où les choses se passent.

Sous l'impulsion du Président du gouvernement espagnol José Maria Aznar, le Président du Conseil italien Sylvio Berlusconi, le Premier ministre portugais José Manuel Barosso, le Chef du gouvernement danois Anders Fogh Rasmussen, le Président tchèque Vaclav Havel, le Premier ministre polonais Leszek Miller et son homologue hongrois Peter Medgyessy faisaient sensation dans le monde médiatico-diplomatique en publiant donc fin janvier une lettre commune dans les grands quotidiens de l'Europe dans laquelle ils affirmaient leur soutien au Président américain Georges Bush dans son bras de fer avec le dictateur irakien Saddam Hussein.

Une façon aussi de rappeler à la France et à l'Allemagne que le fameux axe Paris-Berlin n'était un socle européen que pour ceux qui y croyaient. La prétention de Jacques Chirac et du chancelier Gerhard Schröder à parler au nom de l'Europe, ou du moins à entraîner le reste de l'Europe dans un front des "colombes européennes" contre les "faucons américains", était mise en échec. La France et l'Allemagne étaient subitement renvoyées à leur statu de premiers fournisseurs du régime irakien en technologies nucléaires pour la première et en technologies bio-chimiques pour la seconde.

Le haut représentant de la diplomatie européenne Javier Solana était ridiculisé alors que quelques heures avant la publication de la lettre des "huit", il venait d'appeler au consensus des pays européens. Ni Athènes, en tant que président de l'UE, ni Paris, ni Berlin, ni Bruxelles, n'avaient été mis au courant de l'initiative. C'est dire que la confiance règne. Il ne restait plus alors au Premier ministre grec Costas Simitis que de constater que "cette lettre ne contribue pas à une approche commune". La veille de la publication, M. Simitis venait d'avoir une conversation téléphonique avec Tony Blair et Sylvio Berlusconi au sujet du voyage de ces derniers à Washington !

C'était le deuxième échec patent de la diplomatie grecque en moins de 4 mois. En septembre dernier contre le sentiment général dans les chancelleries européennes et dans les coulisses des institutions bruxelloises, Costas Simits et Andreas Papandreou entreprenaient une campagne en faveur de la Turquie qui - espéraient-ils - devrait déboucher sur une date de début des négociations pour l'adhésion de ce pays dans l'Union Européenne, lors du sommet de Copenhague en décembre. Soutenu par la rive sud (Espagne, Italie) et comptant sur l'appui de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis, mais négligent ou méconnaissant les rapports négatifs que la Commission allait publier simultanément à la campagne grecque, le couple Simitis-Papandreou avait fini par irriter fortement ses homologues européens. Heureusement pour eux, c'est l'émissaire turc à Copenhague Recep Tayyip Erdogan qui a essuyé la colère de Jacques Chirac.

En janvier avec la Présidence grecque de l'Union Européenne, changement de décor. La Grèce cherche à composer une politique commune européenne avec l'axe franco-allemand fraîchement revigoré par les célébrations du 40e anniversaire du Traité de l'Elysée. Elle devrait déboucher sur une délégation européenne en Irak que le ministre grec des Affaires étrangères Georges Papandreou se verrait bien conduire, jouant sur l'amitié traditionnelle de la Grèce avec les pays arabes et sur ses relations personnelles avec le leader palestinien Yasser Arafat. L'affaire avait été préparée durant le week-end suivant avec la visite du ministre allemand des Affaires étrangères Joshcka Fischer et du haut représentant aux Affaires étrangères de l'UE Javier Solana à Athènes. Mais, cette fois, ce seront ses alliés d'hier (Espagne, Italie, Grande Bretagne) qui feront échouer son plan. Finalement, Georges Papandreou ira tout seul en tournée dans le Moyen Orient. Tournée sans aucune incidence sur la politique européenne, tellement l'Europe continuait à se déchirer en son absence, cette fois au sein de l'alliance atlantique et sous prétexte de la défense de la Turquie en cas d'attaque irakienne.

Alors que le Premier ministre Costas Simitis en tant que Président du Conseil européen n'a toujours pas réussi à se faire recevoir par Georges Bush, et que, il y a quinze jours, Athènes jugeait inutile la tenue d'un sommet extraordinaire du Conseil européen qui réunirait les chefs d'Etat et de gouvernement des pays-membres de l'Union, aujourd'hui elle doit se résoudre à convoquer dans la précipitation cette réunion. Prévue pour lundi 17 février, la réunion arrive trop tard dans le calendrier et risque de s'avérer sans effet réel dans la mesure où la réponse américaine au rapport que les chefs des inspecteurs sur le désarmement de l'Irak, Hans Blix et Mohamed El Baradei, doivent présenter demain vendredi 14 février au Conseil de sécurité de l'ONU, n'attendra pas lundi pour s'exprimer.

Absente des plans de guerre, Athènes reste aussi absente des plans de paix. Personne n'a consulté la Présidence grecque pour élaborer les dernières contre-propositions européennes promues par Paris, Bruxelles et Berlin pour l'envoi des casques bleus en Irak. Pas plus d'ailleurs qu'Athènes n'a cherché à s'y mêler. La Russie, disposée à négocier ses soutiens sur tous les fronts, s'est empressée d'y a apporté son soutien. Georges Papandreou envisageait-il d'associer la Chine à une position européenne lors d'un voyage prévu initialement pour demain (voyage reporté puisque le ministre chinois des Affaires étrangères Tang Jiaxuan doit assister le même jour à la réunion du Conseil de Sécurité en tant que membre permanent), que la Chine ne l'attendit pas pour faire connaître sa position.

L'Europe avance, les camps se font et se défont, mais sans Athènes, qui se contente désormais à des déclarations génériques à consommation interne. Sur la scène extérieure, le gouvernement grec a autant plus du mal à trouver une place et une voix, qu'il rêvait faire de la présidence européenne une occasion de briller internationalement, préambule des aussi brillants et prometteurs... Jeux Olympiques d'Athènes en 2004.

Costas Simitis et Georges Papandreou, peuvent-ils au moins se consoler que l'opposition ne jouit pas de davantage de considération sur la scène européenne ? Présent à Paris en novembre dernier, au congrès fondateur de l'UMP, le nouveau parti du président français Jacques Chirac, le chef de la droite grecque et président de Nea Dimokratia et actuellement favori des prochaines élections en Grèce, Costas Karamanlis, est placé au premier rang des chefs... africains. C'est dire du peu de cas que les grands de l'Europe font de la politique grecque, que ce soit au niveau des chefs d'Etats ou de celui des partis ; que ce soit de l'anonyme posture technocratique de l'actuel Premier ministre, ou de la notoriété héritée du neveu et homonyme d'une illustre personnalité, comme celle de son rival.

S'agit-il d'une méconnaissance du fonctionnement de la diplomatie occidentale, mais alors que font tous les conseillers ministériels qui brandissent leurs diplômés des Universités étrangères comme gage de compétence ? d'un manque d'information sur l'état d'esprit des opinions publiques hors de Grèce et sur ce qui se trame dans les coulisses diplomatiques, d'un problème de communication des idées grecques ? et la question se pose de savoir que font les Ambassades et leurs bureaux de Presse et d'Information présents dans toutes les grandes capitales de l'Union Européenne ? ou bien ne serait-ce que les conséquences d'une grande naïveté ?

Les Grecs, nous pensons souvent avoir les meilleures idées, en tout cas les plus nobles et les plus généreuses. Le poids de notre histoire nous entraîne malheureusement à croire souvent qu'avec les ruines, nous avons aussi hérité la sagesse de nos anciens. Nous oublions ainsi que, dans notre monde d'aujourd'hui, ce n'est pas d'avoir des belles idées qu'est le plus difficile, mais de parvenir à les partager avec les autres. Quoi qu'il en soit force est de constater que, dans le jeu autour de l'échiquier mondial, Athènes surestime à la fois l'importance de son rôle et sa capacité à le jouer. A défaut d'un rang à défendre, restaurer son crédit sur la scène internationale devient plus qu'urgent pour notre diplomatie.

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