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Incident diplomatique : le gouvernement grec irrité par les déclarations de l'ambassadeur américain sur la 17N

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Par iNFO-GRECE,

"J'ai rappelé à M. Miller que les déclarations publiques de quiconque doivent contribuer au climat indispensable pour l'issue de cette affaire", a déclaré le ministre grec des Affaires étrangères, Giorgos Papandreou, à la sortie de son entretien avec l'ambassadeur des Etats-Unis en Grèce, Thomas Miller. La veille, le Président du Parlement Grec, Apostolos Kaklamanis, en réunion du Bureau exécutif du Parti socialiste (Pasok) avait réclamé la tête de M. Miller.


Climat électoral

Le gouvernement grec tout comme l'opposition de droite ont soigneusement évité au cours de l'été de faire une exploitation politique de l'affaire "17N". Mais à droite comme à gauche, dans les rangs des cadres des partis, des voix se lèvent pour réclamer plus… d'agressivité et de combativité électorale à leurs leaders. A l'approche des élections municipales d'octobre prochain, le gouvernement grec tient ainsi à garder l'exclusivité de la responsabilité du succès sur le démantèlement de l'organisation terroriste "17 Novembre" et a rappelé l'ambassadeur des Etats-Unis en Grèce, Thomas Miller à l'ordre. Ce dernier répondant aux questions des journalistes, lors de ses récentes interviews à la presse grecque, avait souligné la longue coopération de la police grecque avec les services américains et britanniques. M. Miller indiquait entre autres que dernièrement il y avait eu un changement dans la gestion du personnel grec formé aux Etats-Unis dans la lutte antiterroriste. Les premiers policiers grecs formés par les agents américains, au retour en Grèce, étaient affectés à des taches sans rapport avec leur formation. Un meilleur emploi de ce personnel récemment aurait contribué à la plus grande efficacité de la police grecque.

Le rôle du FBI

Depuis le dernier assassinat revendiqué par la "17 Novembre" en juin 2000, celui de l'attaché militaire britannique chargé des opérations de l'Otan dans les Balkans, Stephen Saunders, Athènes a dû accepter un renforcement de ses services par les enquêteurs du FBI et de la Scotland Yard.

Un groupe de travail permanent sur la 17N était déjà formé au sein du FBI. Un groupe conjoint composé d'officiers américains et grecs a été mis en place en décembre 1998. Les investigations du groupe avaient conduit la veille de Noël 1999, à l'aéroport d'Athènes alors qu'il rentrait de Hollande via Paris, à l'arrestation d'Abraam Lesperoglou, un militant pro-palestinien suspecté d'appartenir à l'organisation "Antikratiki Pali" [Lutte antiétatique].

Lesperoglou est chargé de l'assassinat du procureur Theophanopoulos à Thessalonique en 1985, d'assassinats et tentatives d'assassinat de plusieurs gardes privés et policiers. L'affaire tourne à la comédie tragique, passionne la presse grecque et provoque l'indignation des intellectuels de gauche. Lesperoglou est relaxé de toutes les accusations, sauf pour la tentative d'assassinat du policier Psaroudakis à Exarheia, Athènes, en 1982 pour lequel il écopera une peine de 17 ans d'emprisonnement. Après 22 mois de détention préventive, Lesperoglou est aussi acquitté en appel de cette accusation. Depuis, Lesperoglou circulait librement, jusqu'à début août courant où, rebondissement spectaculaire, la Cour Suprême invalide la décision de la Cour d'Appel et ramène Lesperoglou en prison.

Le gouvernement grec a toujours nié l'existence d'un groupe de travail greco-américain sur la 17N, préférant à ce terme celui de la coopération. En janvier 2001, au moment où les relations franco-américaines traversaient une crise diplomatique suite au voyage du Premier Ministre M. Simitis aux Etats-Unis où une émission de CBS mettait en cause le Président du Parlement grec Apostolos Kaklamanis comme soutien possible de l'organisation du 17N, le ministre de l'Ordre public M. Chrisohoïdis avait revendiqué la responsabilité de l'enquête sur la 17N en des termes identiques à ceux de M. Papandreou hier. "Les services étrangers apportent seulement leur coopération et en aucun cas ils ne supervisent le travail des Grecs", avait-il alors assené, démentant les rumeurs américaines sur des arrestations imminentes.

Or, l'ambassadeur des Etats-Unis à Athènes, M. Thomas Miller n'a jamais caché qu'il était parfaitement bien informé de l'évolution de l'enquête et de disposer des listes de suspects, tout en prenant un ton beaucoup plus modéré que son prédécesseur Thomas Naïls, qui, depuis sa retraite, a rendu publiques bon nombre de ces information accréditant la thèse d'une protection politique dont jouirait la 17N et jettent la suspicion sur les personnalités éminentes du Parti socialiste grec.

La cellule des spécialistes en profiling criminel du FBI à Quantico, Virginie, avaient été mis à contribution pour établir les profils des terroristes grecs et des policiers grecs avaient participé à un séminaire international d'entraînement sur le terrorisme à Quantico. Des cours ont été par la suite dispensés à Athènes et en janvier 2000 un groupe de policiers grecs est parti à Quantico suivre une formation de deux semaines. Bien entendu l'ambassadeur des Etats-Unis à Athènes "a été pleinement informé" de ces actions conjointes et, selon le FBI, "a exprimé sa pleine satisfaction et s'est félicité de l'excellent travail accompli par le groupe de travail".

La revanche du Président du Parlement grec

La grogne grecque contre l'ambassadeur Miller est partie jeudi soir par le Président du Parlement Apostolos Kakalamanis quand, devant le bureau exécutif du Pasok il a fait part de sa désapprobation de la manière dont M.Miller intervient publiquement sur le terrorisme. Le différent de M. Kaklamanis avec les Etats-Unis n'est pas nouveau. Les positions ouvertement anti-américaines et pro-arabes et plus particulièrement pro-palestiniennes, son soutien aux organisations des militants arméniens et kurdes, son opposition à l'intervention de l'Otan à Kossovo, l'ont fait classer par les Américains dans l'aile nationaliste et anti-américaine du Pasok, jusqu'à le suspecter de couvrir les membres de la 17N. Or Kaklamanis qui occupe la Présidence du Parlement pour la troisième législature consécutive est un des membres le plus influents du Parti socialiste et un soutien indispensable au Premier Ministre qui aborde les prochaines élections municipales dans une position difficile, malgré le succès sur l'affaire 17N. Il ne fallait donc pas que les Américains viennent disputer l'importance du succès au gouvernement grec.

"M. Miller a une collaboration étroite avec le Ministère de l'Ordre Public ainsi que les services des Etats-Unis […], mais cette affaire est un sujet de la responsabilité exclusive du gouvernement grec", a tenu à souligner hier le ministre des Affaires étrangères M. Papandreou à l'issu de son entretien avec le Premier Ministre. M. Kaklamanis fut parmi les premiers à exprimer sa satisfaction de cette remontrance exprimant son "espoir que M. Miller se limitera désormais à son rôle, dans le respect du pays qui l'accueille".

A l'Ambassade des Etats-Unis, où l'on se dit surpris de la réaction de M. Papandreou, on fait savoir que les prises de position de M. Miller étaient en ligne avec les positions officielles du gouvernement grec et du Premier Ministre M. Simitis.

L'immunité des soldats américains en jeu

Or, il se trouve que d'autres enjeux qui dépassent le cadre de la politique intérieure grecque entrent en jeu. Les Etats-Unis souhaiteraient le soutien de la Grèce à l'exemption des militaires américains participant aux missions internationales de la compétence du Tribunal Pénal International, tribunal dont les Etats-Unis n'ont pas signé la chartre. Les Grecs ont renvoyé l'affaire à l'Union Européenne, arguant que sur ce sujet il ne pouvait y avoir de prises de position pays par pays. Sauf que la Grèce assurera la présidence tournante de l'Union européenne à partir de janvier 2003, et qu'elle assure déjà par intérim les affaires militaires de l'Union depuis juillet dernier. La question aujourd'hui est de savoir si en contre-partie il y a un marchandage en cours entre la Grèce et les Etats-Unis sur l'étendue de l'investigation sur l'affaire 17N, quelles sont les concessions mutuelles que les deux acteurs sont disposés à faire et quelles sont les révélations à venir en guise de pression.

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