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Voyage du jeune Anacharsis (2)

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Soumis par efthymiouthomas le

[i] D'autres motifs facilitèrent la pratique des devoirs. Les premiers Grecs offraient leurs hommages à des dieux dont ils ignoraient les noms, et qui, trop éloignés des mortels, et réservant toute leur puissance pour régler la marche de l'univers, manifestaient à peine quelques-unes de leurs volontés dans le petit canton de Dodone en Épire. Les colonies étrangères donnèrent à ces divinités les noms qu'ils avaient en Égypte, en Libye, en Phénicie, et leur attribuèrent à chacune un empire limité et des fonctions particulières. La ville d'Argos fut spécialement consacrée à Junon ; celle d'Athènes, à Minerve ; celle de Thèbes, à Bacchus. Par cette légère addition au culte religieux, les dieux parurent se rapprocher de la Grèce, et partager entre eux ses provinces. Le peuple les crut plus accessibles, en les croyant moins puissants et moins occupés. Il est les trouva partout autour de lui ; et, assuré de fixer désormais leurs regards, il conçut une plus haute idée de la nature de l'homme.

Cécrops multiplia les objets de la vénération publique. Il invoqua le souverain des dieux sous le titre de Très-Haut : il éleva de toutes parts des temples et des autels ; mais il défendit d'y verser le sang des victimes, soit pour conserver les animaux destinés à l'agriculture, soit pour inspirer à ses sujets l'horreur d'une scène barbare qui s'était passée en Arcadie. Un homme, un roi, le farouche Lycaon venait d'y sacrifier un enfant à ces dieux, qu'on outrage toutes les fois qu'on outrage de nature. L'hommage que leurs offrit Cécrops était plus digne de leur bonté : c'étaient des épis ou des grains, prémices des moissons dont ils enrichissaient l'Attique, et des gâteaux, tribut de l'industrie que ses habitants commençaient à connaître.

Tous les règlements de Cécrops respiraient la sagesse et l'humanité. Il en fit pour procurer à ses sujets une vie tranquille, et leur attirer des respects au-delà même du trépas. Il voulut qu'on déposât leurs dépouilles mortelles dans le sein de la mère commune des hommes, et qu'on ensemençât aussitôt la terre qui les couvrait, à fin que cette portion de terrain ne fut point enlevée aux cultivateurs. Les parents, la tête ornée d'une couronne, donnaient un repas funèbre ; et c'est là que, sans écouter la voix de la flatterie ou de l'amitié, on honorait la mémoire de l'homme vertueux, on flétrissait celle du méchant. Par ces pratiques touchantes, les peuples entrevirent que l'homme, peu jaloux de conserver après sa mort une seconde vie dans l'estime publique, doit du moins laisser une réputation dont ses enfants n'aient pas à rougir.

La même sagesse brillait dans l'établissement d'un tribunal qui paraît s'être formé vers les dernières années de ce prince, ou au commencement du règne de son successeur : c'est celui de l'Aréopage, qui, depuis son origine, n'a jamais prononcé un jugement dont on ait pu se plaindre, et qui contribua le plus à donner aux Grecs et les premières notions de la justice.

Si Cécrops avait été l'auteur de ces mémorables institutions, et de tant d'autres qu'il employa pour éclairer les Athéniens, il aurait été le premier des législateurs, et le plus grand des mortels ; mais elles étaient l'ouvrage de toute une nation attentive à les perfectionner pendant une longue suite de siècles. Il les avait apportées d'Égypte ; et l'effet qu'elles produisirent fut si prompt, que l'Attique se trouva bientôt peuplé de vingt mille habitants, qui furent divisées en quatre tribus.

Des progrès si rapides attirèrent l'attention des peuples qui ne vivaient que de rapines. Des corsaires descendirent sur les côtes de l'Attique ; des Béotiens en ravagèrent les frontières ; ils répandirent la terreur de tous côtés. Cécrops en profita pour persuader à ses sujets de rapprocher leurs demeures alors éparses dans la campagne, et de les garantir, par une enceinte, des insultes qu'ils venaient d'éprouver. Les fondements d'Athènes furent jetés sur la colline où l'on voit aujourd'hui la citadelle. Onze autres villes s'élevèrent en différents endroits ; et les habitants, saisis de frayeur, firent sans peine le sacrifice qui devait leur coûter le plus : ils renoncèrent à la liberté de la vie champêtre, et ce renfermèrent dans les murs qu'ils auraient regardés comme le séjour de l'esclavage, s'il n'avait fallu les regarder comme l'asile de la faiblesse. À l'abri de leurs remparts, ils furent les premiers des Grecs a déposer, pendant la paix, ces armes meurtrières qu'auparavant ils ne quittaient jamais.

Cécrops mourut après un règne de cinquante ans. Il avait épousé la fille d'un des principaux habitants de l'Attique. Il en eut un fils dont il vit finir les jours, et trois filles à qui les Athéniens décernèrent depuis les honneurs divins. Ils conservent encore son tombeau dans le temple de Minerve ; et son souvenir est gravé, en caractères ineffaçables, dans la constellation du Verseau, qu'ils lui ont consacrée.

Après Cécrops, régnèrent, pendant l'espace d'environ cinq cent soixante-cinq ans, dix-sept princes, dont Codrus fut le dernier.

Les regards de la postérité ne doivent point s'arrêter sur la plupart d'entre eux. Et qu'importe, en effet, que quelques-uns aient été dépouillés par leurs successeurs du rang qu'ils avaient usurpé, et que les noms des autres se soient par hasard sauvés de l'oubli ? Cherchons, dans la suite de leurs règnes, les traits qui ont influencé sur le caractère de la nation, ou qui devait contribuer à son bonheur.

Sous les règnes de Cécrops et de Cranaüs, son successeur, les habitants de l'Attique jouirent d'une paix assez constante. Accoutumés aux douceurs et à la servitude de la société, ils étudiaient leurs devoirs dans leurs besoins, et les mœurs se formaient d'après les exemples.

Leurs connaissances, accrues par des liaisons aussi intimes, s'augmentèrent encore par le commerce des nations voisines. Quelques années après Cécrops, les lumières de l'Orient pénétrèrent en Béotie. Cadmus, à la tête d'une colonie de Phéniciens, y porta le plus sublime de tous les arts, celui de retenir par de simples traits les sons fugitifs de la parole et les plus fines opérations de l'esprit. Le secret de l'écriture, introduit en Attique, il fut destiné, quelque temps après, a conserver le souvenir des événements remarquables.

Nous ne pouvons fixer d'une manière précise le temps où les autres arts y furent connus ; et nous n'avons à cet égard que des traditions rapportées. Sous le règne d'Érichthonius, la colonie de Cécrops accoutume les chevaux, déjà dociles au frein, à traîner péniblement un chariot, et profita du travail des abeilles, dont il perpétua la race sur le mont Hymette. Sous Pandion, elle fit de nouveaux progrès dans l'agriculture ; mais une longue sécheresse ayant détruit les espérances du laboureur, les moissons de l'Égypte supplièrent aux besoins de la colonie, et l'on polit une légère teinture du commerce. Érecthée, son successeur, illustra son règne par des établissements utiles, et les Athéniens lui consacrèrent un temple après sa mort. [/i]

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