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Anacharsis (suite,3)

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Soumis par Th. Efthymiou le

INTRODUCTION
PARTIE 1

La colonie de Cécrops tiroit son origine de la ville de Saïs, en Egypte. Elle avoit quitté les bords fortunés du Nil, pour se soustraire à la loi d'un vainqueur inexorable ; et, après une longue navigation, elle étoit parvenue aux rivages de l'Attique, habités de tout temps par un peuple que les nations farouches de la Grèce avoient dédaigné d'asservir.
Ses campagnes stériles n'offroient point de butin, et sa foiblesse ne pouvoit inspirer de crainte. Accoutumé aux douceurs de la paix, libre sans connoître le prix de l'indépendance, plutôt grossier que barbare, il devoit s'unir sans effort à des étrangers que le malheur avoit instruits : bientôt les Egyptiens et les habitans de l'Attique ne formèrent qu'un seul peuple ; mais les premiers prirent sur les seconds cet ascendant qu'on accorde tôt ou tard à la supériorité des lumières ; et Cécrops, placé à la tête des uns et des autres, conçut le projet de faire le bonheur de la patrie qu'il venoit d' adopter.
Les anciens habitans de cette contrée voyoient renaître tous les ans les fruits sauvages du chêne, et se reposoient sur la nature, d'une reproduction qui assuroit leur subsistance. Cécrops leur présenta une nourriture plus douce, et leur apprit à la perpétuer. Différentes espèces de grains furent confiées à la terre. L'olivier fut transporté de l' Egypte dans l'Attique ; des arbres, auparavant inconnus, étendirent sur de riches moissons leurs branches chargées de fruits.
L'habitant de l'Attique, entraîné par l'exemple des Egyptiens experts dans l'agriculture,redoubloit ses efforts, et s'endurcissoit à la fatigue ; mais il n'étoit pas encore remué par des intérêts assez puissans pour adoucir ses peines, et l'animer dans ses travaux.
Le mariage fut soumis à des lois ; et ces réglemens, sources d'un nouvel ordre de vertus et de plaisirs, firent connoître les avantages de la décence, les attraits de la pudeur, le desir de plaire, le bonheur d'aimer, la nécessité d'aimer toujours. Le père entendit, au fond de son coeur, la voix secrète de la nature ; il l'entendit dans le coeur de son épouse et de ses enfans. Il se surprit versant des larmes que ne lui arrachoit plus la douleur, et apprit à s'estimer en devenant sensible. Bientôt les familles se rapprochèrent par des alliances ou par des besoins mutuels ; des chaînes sans nombre embrassèrent tous les membres de la société.
Les biens dont ils jouissoient ne leur furent plus personnels ; et les maux qu'ils n'éprouvoient pas, ne leur furent plus étrangers.
D'autres motifs facilitèrent la pratique des devoirs. Les premiers Grecs offroient leurs hommages à des dieux dont ils ignoroient les noms, et qui, trop éloignés des mortels, et réservant toute leur puissance pour régler la marche de l'univers, manifestoient à peine quelques-unes de leurs volontés dans le petit canton de Dodone, en Epire. Les colonies étrangères donnèrent à ces divinités les noms qu' elles avoient en Egypte, en Libye, en Phénicie, et leur attribuèrent à chacune un empire limité et des fonctions particulières.
La ville d'Argos fut spécialement consacrée à Junon ; celle d'Athènes à Minerve ; celle de Thèbes à Bacchus. Par cette légère addition au culte religieux, les dieux parurent se rapprocher de la Grèce, et partager entre eu ses provinces. Le peuple les crut plus accessibles, en les croyant moins puissans et moins occupés. Il les trouva par-tout autour de lui ; et, assuré de fixer désormais leurs regards, il conçut une plus haute idée de la nature de l'homme.
Cécrops multiplia les objets de la vénération publique. Il invoqua le souverain des dieux sous le titre de très-haut : il éleva de toutes parts des temples et des autels ; mais il défendit d'y verser le sang des victimes, soit pour conserver les animaux destinés à l'agriculture, soit pour inspirer à ses sujets l'horreur d'une scène barbare qui s'étoit passée en Arcadie. Un homme, un roi, le farouche Lycaon venoit d' y sacrifier un enfant à ces dieux, qu'on outrage toutes les fois qu'on outrage la nature. L'hommage que leur offrit Cécrops étoit plus digne de leur bonté : c'étoient des épis ou des grains, prémices des moissons dont ils enrichissoient l'Attique, et des gâteaux, tribut de l'industrie que ses habitans commençoient à connoître.

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