La Grèce vient de vivre dix jours pleins de miracles. Miracle premier, la question du nom de Macédoine, à partager avec un voisin du Nord en mal d’identité, est réglée. Miracle encore, la Grèce sort de la crise économique et sa dette devient viable lui évitant la faillite. Miracle enfin – miracle des miracles – le premier ministre grec a porté la cravate ! Il ne manquait plus que l’annonce d’une équipe de foot Grèce qui revienne dans la Coupe du monde pour que le tableau idyllique soit parfait.
Oui mais si on n’a pas osé promettre ce dernier miracle, la Coupe du monde rend, tout de même, bien service pour faire oublier au peuple les excès d’optimisme des gouvernants. Le calendrier n’est pas choisi au hasard.
On voudrait bien sûr y croire et on ne souhaite que tout cela soit vrai, tant pis pour l’équipe du foot dont le cas est trop évidemment irréversible pour qu’une promesse de résurrection à son sujet ne frise le ridicule. Mais pour le reste, obligés d’acquiescer. Oui, le problème du nom de l’ancienne république de Macédoine est réglé. De la pire des manières, certes, mais réglé ; le nom, la langue, la nationalité cédés pour un plat de lentilles. Une promesse d’allégement de la dette du pays, peut-être aussi la reprise des migrants passés en Allemagne via la Grèce, et une chance pour Alexis Tsipras de rester dans le fauteuil du premier ministre pour quelques mois encore. Sauf que le plat de lentilles ne suffira pas de nourrir le peuple grec.
L’allègement de la dette ne l’est que virtuellement, car ce n’est qu’un allègement des échéances contre un allongement de la durée de paiement (report de dix ans des remboursements sur 1/3 de la dette). Une respiration de survie bien logique puisque d’un mort on ne peut rien exiger. Comme le titre l’agence Reuters, « la Grèce a échangé l’enfer contre le purgatoire éternel ». Et joli coup pour l'équipe du gouvernement actuel qui engage tous ceux qui lui succéderont sur 40 ans !
Reuters n’est pas le seul à douter de la success story du gouvernement Tsipras. La plupart des journaux francophones soulignent le caractère éphémère du bol d’air offert à la Grèce par membres de la zone euro. Un bol lourd à tenir. Contrairement aux discours du premier ministre, la viabilité de la dette est soumise à des nombreuses conditions, l’excédent budgétaire en plus d’être intenable repose sur une fiscalité asphyxiante et non sur les produits de la production, la souveraineté nationale n’est pas rétablie car la fameuse troïka des créanciers internationaux sera pour des années encore présente à Athènes et contrôlera chaque trimestre les comptes nationaux, des dirigeants étrangers ont été placés à la tête de certains organismes publiques. Et pour cause, Tsipras promet autant de mirages à ses collègues européens qu’au peuple grec : 2,2% d’excédent budgétaire jusqu’en 2060 ! Sauf que là c’est une promesse assortie d’obligation de résultats, d’où le maintien du contrôle de la troïka.
Mais soyons bons joueurs ; sans foi rien ne se réalise. Sauf que pour y croire, à défaut d’avoir des bonnes raisons, il faut quelques bons indices de la grâce divine… A chacun de les chercher et les reconnaitre, à moins que la cravate en était un. L'interprétation des jeux de communication politique dans l'Athènes d'aujourd'hui est heureusement plus facile que la divination du sens dans les oracles de Delphes hier.