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Pas d'accord sur Chypre, mais Annan tire son épingle du jeu

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By iNFO-GRECE,

Le président chypriote, Tassos Papadopoulos, et le leader turco-chypriote, Rauf Denktash, ont répondu par "oui" à l'ultimatum posé par le Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, soit un texte d'une demi-page sur lequel ils étaient invites à répondre par "oui" ou "non" très rapidement vendredi matin à New York (10h30 heure locale) au terme de discussions marathon sans qu'aucun accord substantiel ne soit trouvé. Malgré cet accord minimal, rien n'est encore joué, mais Kofi Annan sauve sa face en obtenant ce qu'il voulait : passer outre les dirigeants locaux et organiser un référendum sous l'égide de l'ONU. Si une telle stratégie de substitution au pouvoir local se comprend pour le Nord occupé de l'île, soumis à l'autorité d'un pseudo-gouvernement, elle transgresse tous les principes de droit en ce qui concerne la République de Chypre, Etat souverain, reconnu par la communauté internationale et démocratique.


Les quatre parties intéressées, République de Chypre, gouvernement autoproclamé du Nord de l'île, Grèce et Turquie, ont donc accepte le cadre, le calendrier et la forme de règlement, comme définis par le SG de l'ONU. L'accord porte sur une déclaration qui prévoit que, dans tous les cas de figure, un texte sur "un règlement exhaustif de la question chypriote" sera soumis à des référendums séparés et simultanés dans les deux parties de l'île.

"Après trois jours de réunions et de consultations, j'ai le plaisir d'annoncer que les parties se sont engagées à négocier de bonne foi sur la base de mon plan de façon à parvenir à un règlement global du problème chypriote par voie de référendums parallèles et simultanés avant le 1er mai", a annoncé Kofi Annan, au cours d'une conférence de presse convoquée en fin de matinée, hier, à New York.

Selon le protocole adoptée, les pourparlers débuteront le 19 février à Nicosie sous l'égide de l'envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU pour Chypre, Alvaro de Soto, alors que parallèlement les commissions techniques entameront leurs travaux. Les parties chypriotes grecques et turques auront jusqu'au 22 mars pour essayer de se mettre d'accord sur les changements qu'elles souhaitent apporter au plan Annan et de produire un texte finalisé, dans le cadre de la mission de bons offices du Secrétaire général. Faute de parvenir à un tel accord, Kofi Annan organiserait à nouveau une réunion avec les deux parties à laquelle participeraient la Grèce et la Turquie dans ce que la déclaration décrit comme "un effort redoublé pour trouver un accord sur un texte final avantle 29 mars."

En dernier recours, et dans l'éventualité d'une impasse qui perdurerait, "les parties m'invitent à m'en remettre à mon propre jugement pour obtenir un texte final qui sera proposé aux référendums sur la base de mon plan", a indiqué le Secrétaire général.

La Grèce et la République de Chypre se disent satisfaites puisque référence est faite à l'Union européenne, laquelle offrira son soutien technique dans le processus de règlement de la question chypriote. Elles ont en revanche dû, une fois de plus, avaler leur langue pour ne pas réagir devant un Kofi Annan qui persiste à mettre sur le même plan "les deux dirigeants de l'île", faisant fi de leur légitimité. Par ailleurs, il est indiqué que le 2e stade des concertations "à quatre" sera élargi à d'autres parties et que le rôle d'arbitre du Secrétaire général se fera sur la base de son Plan. Les Grecs se raccrochent à l'idée que l'Union Européenne jouera un rôle décisif dans les négociations et qu'au pire ils pourront troquer la Paix à Chypre contre une place de la Turquie dans l'Union. Rien n'est moins sûr, tellement les Etats-Unis jouent un rôle clé dans l'affaire et elles n'ont aucune raison de faire des cadeaux ni à la Grèce, dont l'anti-américanisme est notoire, ni à l'Union Européenne qui n'a pas été en mesure de les suivre dans l'aventure irakienne. Kofi Annan a précisé lors des questions de la presse que l'Union Européenne n'interviendrait pas dans les négociations et que son rôle sera essentiellement technique afin vérifier si les termes de l'accord sont conformes aux dispositions communautaires dans la mesure où Chypre doit joindre officiellement l'Union Européenne le 1er mai.

Les Etats-Unis, que Kofi Annan avait appelé au secours pour gagner sa partie en leur demandant d'intensifier les pressions sur les deux délégations, ont "salué chaleureusement" vendredi soir l'annonce de l'accord intervenu à New York. Le porte-parole du Département d'Etat américain, Richard Boucher, a exprimé la satisfaction de Washington du fait que toutes les parties ont saisi cette "occasion historique pour parvenir à un règlement viable qui permettra à tous les Chypriotes de profiter des avantages de l'adhésion à l'Union Européenne le 1er mai". A cette occasion, M. Boucher a assuré que les Etats-Unis continueront à fournir le soutien nécessaire pour l'aboutissement heureux de ces efforts. Le porte-parole du Département d'Etat n'a pas manqué de mentionner l'implication personnelle du Secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, qui s'était entretenu avec Kofi Annan, ainsi que ses homologues de Grèce et de Turquie.

Le Premier ministre grec, Costas Simitis, s'est malgré tout félicité de l'accord obtenu à New York pour la poursuite des concertations sur la question chypriote. "L'accord […] constitue un tournant décisif pour un règlement définitif de la question chypriote", a déclaré le chef du gouvernement grec une fois le "oui" connu. "Cet accord", a ajouté M. Simitis, "crée les conditions pour des concertations substantielles dans un cadre excluant toute obstruction. J'espère que la partie turco-chypriote, cette fois, négociera avec bonne foi".

Même ton du côté de l'opposition où le président de Nea Dimokratia (ND) et favori des sondages aux élections législatives de mars prochain, Costas Karamanlis, a applaudi "au compromis" obtenu vendredi à New York sur la poursuite des concertations sur la question chypriote conformément au plan Annan. "Nous espérons cette fois", a souligne M. Karamanlis, "que les concertations aboutiront à un résultat positif, afin que le 1er mai Chypre réunifiée adhère à l'Union Européenne dans l'intérêt de ses citoyens".

"C'est avec pour objectif l'amélioration du Plan Annan et un accord qui rendra service aux deux parties de île que nous entrons dans les négociations", a déclaré le Président de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, assurant que son seul souci est l'intérêt de l'île et qu'il ne le sacrifiera jamais à d'autres finalités ni sous des pressions quelconques. M. Papadopoulos a souligné que l'obtention d'une solution dépend du degré du changement de la politique turque sur la question chypriote, dénonçant le double jeu "qui ne peut pas continuer avec la bonne Ankara et le méchant Monsieur Denktash".

Monsieur Denktash, justement, a dit que l'accord fera partie de l'acquis communautaire. Le "Président" de l'autoproclamé République créé sur le Nord de Chypre occupé par l'armée turque a assuré qu'il n'a fait aucune concession à New York concernant "l'égalité, la souveraineté et la réalité de [deux] peuples", répondant ainsi aux réserves que Boulent Ecevit, Premier ministre turc à l'époque de l'invasion, a adressé au gouvernement turc et aux négociateurs des turco-chypriotes qu'il accuse d'avoir cédé du terrain face aux Grecs à New York.

En Grèce, c'est plutôt du côté des communistes que des voix se sont élevées pour dénoncer surtout les pressions américaines sur Athènes et Nicosie. "Nous sommes inquiets […] Nous avons le sentiment que la question chypriote entre dans un tunnel sombre avec une destination inconnue", mentionne une déclaration du Bureau politique du Parti communiste grec. De son côté le Président de Synaspismos, Nikos Constantopoulos a dénoncé les concessions faites par la Grèce. "La Grèce et Chypre sont pressées surtout par les Etats-Unis d'accepter ce qu'elles refusaient pendant des décennies. Transformer la question chypriote en différend bilatéral greco-turc qui sera réglé par voie d'arbitrage", a-t-il dit à l'issue d'une rencontre d'une délégation du parti avec le ministre des Affaires étrangères, Tassos Yannitsis. "Pour nous, la question chypriote est un problème international d'invasion et d'occupation qui concerne avant tout l'ONU. Et en même temps, c'est une question européenne étant donne la décision pour l'adhésion de Chypre à l'Union Européenne", a poursuivi M. Constantopoulos, avertissant que "aucun gouvernement grec ne peut revenir sur ces positions".

Il reste que même s'il n'y a pas eu d'accord à New York, un grand pas a été réalisé. Faire revenir la Turquie sur la table des négociations. C'est la voie indispensable pour sortir du statu quo actuel, en vigueur depuis 30 ans.

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