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Résurgence humaniste ou antiaméricanisme convulsionnaire ?

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By iNFO-GRECE,

L'antiaméricanisme de la société grecque ne fait plus mystère. Nourrie d'une longue histoire d'interventions étrangères dans le pays, la suspicion qui pèse sur les motivations des "grands" mêlée à ce qu'il faut bien appeler un complexe d'infériorité, forme un mélange suffisant pour mettre notre petit pays sur le chemin d'un nouveau David décidé à administrer la leçon au gros méchant Goliath. Dernier épisode en date, la plainte des avocats d'Athènes devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité dans la guerre en Irak.


Lundi 28 juillet, Dimitris Paxinos, président du Conseil de l'Ordre des avocats d'Athènes, à la suite d'une décision unanime du conseil d'administration, a déposé une plainte devant le procureur de la Cour pénale internationale de La Haye, Luis Moreno Ocampo, concernant des violations du statut de la Cour lors de la guerre contre l'Irak (mars-avril 2003) qui auraient été pratiquées par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

La plainte du Conseil de l'Ordre mentionne notamment la tentative ou le meurtre avec préméditation d'individus protégés par la Convention de Genève, des attaques contre des populations civiles non directement participantes au conflit et le bombardement de villes et de bâtiments non considérés comme cibles militaires.

Le Conseil de l'Ordre demande que soient cités, parmi d'autres, comme témoins, le Secrétaire Général des Nations unies, Kofi Annan, et le Haut représentant de l'UE, Javier Solana.

Il faudra sans doute attendre les explications du Conseil de l'Ordre pour avoir meilleure connaissance des éléments de la plainte, mais l'on peut déjà douter des sources d'information qui sont à la base du dossier.

Tout aspirant serviteur du droit apprend sur les bancs des facultés que la justice doit se prononcer sur les faits constatés. Est-ce que les avocats d'Athènes ont mené une enquête pour réunir les preuves ? Il est à craindre qu'ils ne se basent que sur les reportages tv, qui dieu sait qu'en des circonstances guerrières pareilles ont une fâcheuse tendance à cultiver un sensationnalisme de bon aloi.

Deuxième leçon administrée aux apprentis hommes du droit est que dans les méandres de l'organisation de la justice, il faut savoir saisir la juridiction compétente. Or, premiers concernés par la plainte, les Etats-Unis ne reconnaissent pas la Cour de La Haye et, n'ayant jamais signé la convention, ils ne peuvent y être convoqués ni en plaignants, ni en accusés.

Les avocats d'Athènes ne pouvaient ignorer cela. Les bons sentiments qu'ils peuvent nourrir pour les victimes de la guerre sont une chose, en vouloir faire un coup médiatique à consommation locale en est une autre, et, à force de "vendre de l'intelligence", ils prennent le risque de se ridiculiser sur la scène internationale sur laquelle ils aspirent à monter en justiciers. "Vendre de l'intelligence" (πουλάς εξυπνάδες) est d'ailleurs l'expression des Grecs pour minimiser les propos de ceux qui, plus vulgairement, les Français disent qu'ils "pètent plus haut que leur cul".

Certes, les maladresses des avocats athéniens ne dédouanent pas les belligérants de la guerre en Irak, et notamment les démocraties occidentales, de leurs responsabilités humanitaires, ni de leurs engagements envers les principes qu'eux-mêmes ont promu en universels pour protéger les populations civiles et limiter les injustices inhérentes aux conflits armés. Là n'est pas notre propos. Nous voulons simplement attirer l'attention sur la légèreté du jugement, surtout lorsqu'il provient des spécialistes de la loi, et si possible éviter qu'une corporation si noble, se trouve ridiculisée sur une scène internationale qu'elle ne peut maîtriser. Il y a quelques mois nous avions de la même façon dénoncé le sursaut d'indignation des éditeurs athéniens sur le même sujet, qui à vouloir punir la Grande-Bretagne pour son soutien aux Etats-Unis dans la guerre en Irak, avaient exclu tous les… écrivains britanniques de la Foire du Livre d'Athènes ! Malheureusement et contrairement à la rhétorique usuelle, l'excès ne tue pas l'excès, mais le cultive.

Ceux qui donnent de la voix à Athènes, que ce soit par la tribune de la Cour ou par l'encre noire de l'imprimerie, en général - et pour cause - si fiers de marcher chaque jour sur le sol de ceux qui, il y a quelques millénaires, ont mis les bases du droit et de la démocratie, pourraient bien descendre de leur Olympe et s'intéresser à des crimes plus ordinaires, mais pas moins internationaux, comme ces enfants qui sont enrôlés chaque semaine pour devenir des bombes humaines et tuer d'autres gamins dans un bus, comme ces jeunes femmes qui chaque jour tombent dans les filets des nouveaux maîtres des Balkans pour alimenter en chair fraîche les night-clubs d'Athènes et les trottoirs de Rome ou de Paris, comme ces nouveaux misérables venus d'Asie qu'échouent chaque jour sur les rochers grecques, terminus des Charters de l'esclavage organisés par des mafieux sans scrupules.

Voilà des occasions de défendre "la veuve et l'orphelin", mais comme nous l'avons dit le petit David, pour exister, a besoin d'un Goliath, rôle qu'il est plus facile d'attribuer aux "Américains" et aux "grandes puissances", qu'à la pieuvre informelle du terrorisme et de la nouvelle Mafia.

Remarquons en épilogue que des grandes puissances, seule la Russie (mais en est-elle une ?) arrive encore à tirer son épingle du jeu médiatique de nos compatriotes : la mémoire d'une "sœur orthodoxe" pour les uns et celle de "mère de tous les (petits) peuples" pour les autres, fait encore office d'abri sous la résurgence humaniste des "intellectuels" grecs.

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