George Séféris écrit Theatrinoi, M.A. en Août 1943 au Caire, en Egypte, tandis que le gouvernement grec en exil et l'armée grecque au Moyen-Orient sont devenus le théâtre de querelles interminables entre groupes d’officiers obéissant aux autorités régulières et organisations d'officiers soutenues par le parti communiste.
Θεατρίνοι, Μ. Α.
Στήνουμε θέατρα καὶ τὰ χαλνοῦμε
ὅπου σταθοῦμε κι ὅπου βρεθοῦμε
στήνουμε θέατρα καὶ σκηνικά,
ὅμως ἡ μοίρα μας πάντα νικᾶ.
Καὶ τὰ σαρώνει καὶ μᾶς σαρώνει
καὶ τοὺς θεατρίνους καὶ τὸ θεατρώνη
ὑποβολέα καὶ μουσικοὺς
στοὺς πέντε ἀνέμους τοὺς βιαστικούς.
Σάρκες, λινάτσες, ξύλα, φτιασίδια,
ρίμες αἰσθήματα, πέπλα στολίδια,
μάσκες, λιογέρματα, γόοι καὶ κραυγὲς
κι ἐπιφωνήματα καὶ χαραυγὲς
ριγμένα ἀνάκατα μαζὶ μ᾿ ἐμᾶς
(πές μου ποῦ πᾶμε; πές μου ποῦ πᾶς;)
Πάνω ἀπ᾿ τὸ δέρμα μας γυμνὰ τὰ νεῦρα
σὰν τὶς λουρίδες ὀνάγρου ἢ ζέβρα
γυμνὰ κι ἀνάερα, στεγνὰ στὴν κάψα
(πότε μᾶς γέννησαν; πότε μᾶς θάψαν!)
Καὶ τεντωμένα σὰν τὶς χορδὲς
μιᾶς λύρας ποὺ ὁλοένα βουίζει. Δὲς
καὶ τὴν καρδιά μας ἕνα σφουγγάρι,
στὸ δρόμο σέρνεται καὶ στὸ παζάρι
πίνοντας τὸ αἷμα καὶ τὴ χολὴ
καὶ τοῦ τετράρχη καὶ τοῦ ληστῆ.
Comédiens, Μ.O.
Nous élevons des théâtres et nous les détruisons
Où que nous nous arrêtions, où que nous nous trouvions
Nous élevons théâtres et décors,
Mais notre destinée l'emporte toujours.
Elle déblaie et nous déblaie
Comédiens et metteur en scène,
Souffleur et musiciens,
Aux cinq vents pressants.
Les corps, les toiles, les étais, les fards,
Les rimes, les sentiments, les péplums, les parures,
Les masques, les avant-nuit, les gémissements, les cris,
Les déclamations et les aurores,
Jetés, entre-mêlés à nous-mêmes,
(Dis-moi où allons-nous ? Dis-moi où tu vas ?)
Sur notre peau, les nerfs à vif
Comme les stries de l'onagre ou du zèbre
Nus et exposés, desséchés par la brûlante fournaise
(Quand nous a-t-on fait naître ? Quand nous a-t-on inhumés !)
Et tendus comme les cordes
D'une lyre qui bruisse sans arrêt. Regarde
Aussi notre cœur, une éponge,
Qui se traîne sur la route et au marché,
Buvant le sang et le fiel
Et du tétrarque et du larron.
Georges Séféris écrit Theatrinoi M.A. (Petits comédiens M.O. ; M. O. étant une siglaison de Moyen Orient) en août 1943, au Caire en Egypte, alors qu’il travaille comme diplomate à la direction de l’Information du gouvernement grec en exil. Suite à la retraite de l’armée grecque face à l’avancée d’Hitler et l’occupation de la Grèce, le roi et le gouvernement s’exilent en Egypte et se mettent au service des Alliés dont les opérations au Moyen Orient sont dirigées par les Britanniques. L’armée grecque parvient à se recomposer rapidement dénombrant dans les différentes bases au Moyen Orient jusqu’à 30.300 hommes, mais ses rangs sont minés par les ambitions personnelles et partisanes de ses officiers divisés entre ceux fidèles au aux autorités officielles et ceux obéissant au parti communiste et les organisations de résistance que ce dernier contrôle en Grèce. Le roi et le gouvernement ne parviendront pas à dépasser le fanatisme partisan et à créer l’unité nationale. Le Moyen Orient devient le théâtre sur la scène duquel se reflètent et se préfigurent les conditions de la guerre civile qui éclatera en Grèce aussitôt le pays libéré de l’occupation allemande. Séféris suit les évènements avec amertume qui, dans la position où il se trouve, ne peut que lui inspirer de l’ironie pour les pantins impuissants qui animent la scène.
Γ. Σεφέρη, Ημερολόγιο Καταστρώματος Β'.