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Les maires de France votent… grec !

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Par iNFO-GRECE,

Si les Grecs vivant en France sont plutôt discrets dans les élections municipales ce week-end, les maires de France, eux, ne se font pas prier pour afficher leur philhellénisme ; à l'exemple de Jean Tiberi, député-maire du 5e arrondissement qui est impressionné par Nikos Kazantzaki et "la lutte entre la chair et l'esprit" qui parcourt l'œuvre de l'écrivain grec, tandis que le maire du 11e et ancien ministre, Georges Sarre, reprend à son compte la phrase de Furio Durando "l’Occident doit tout aux Grecs", rien de moins. Et que dire de Christian Petchot-Bacqué, maire de la petite commune de Lagos dans les Pyrénées, qui provoque une rencontre de toutes les communes homonymes d'Europe, dont un Lagos grec.

Il est vrai que, au contraire de la Belgique où l'origine éthique des candidats s'affiche en grand, en France le vote citoyen l'emporte sur le vote communautaire, ainsi on en sait peu des citoyens français d'origine grecque qui se présentent dans les élections de ce dimanche. Il semble qu'il y ait une candidate dans une liste du 9e arrondissement de Paris, un ou deux en banlieue, une autre au Mans, et certainement beaucoup plus ailleurs. Mais ils sont tellement bien intégrés au paysage local qu'on les distingue à peine si on ne prête pas attentions à la consonance du nom de famille.

Puis en France, notre orgueil national peut-être comblé par le… Grec qui préside aux destinées de la France, même si Nicolas Sarkozy décline plus volontiers la carte de la noblesse hongroise de son père, que celle de sa mère originaire de la communauté juive de Thessalonique.

Le maire du Ve arrondissement de Paris, Jean Tiberi (à g.), et l'ambassadeur de la Grèce en France Dimitris Paraskevopoulos, lors de la pose de la plaque commémorative devant l'ancien domicile de Nikos Kazantzaki.

Tiberi, Parasevopoulos et Lecoq

Les mêmes auxquels s'est joint en voisin et philhellène, le maire du VIe arrondissement, Jean-Pierre Lecoq (à dr.), qui a accueilli dans sa mairie plusieurs expositions ayant pour thème la Grèce..

M. Paraskevopoulos et l'ancien ministre et maire du XIe arrondissement de Paris, Georges Sarre (à dr.)

M. Paraskevopoulos et l'ancien ministre et maire du XIe arrondissement de Paris, Georges Sarre (à dr.), lors de la soirée de solidarité après les incendies de l'été 2007 en Grèce.

Christian Petchot-Bacqué et les maires des Lagos d'Europe.

Christian Petchot-Bacqué, le maire de Lagos Pyrenéen, (2e à dr.) avec la maire du Lagos grec (à dr.) et les maires des homonymes espagnol et portugais.

Jeunes grecs à Lagos

A 15 km de Pau, dans les Pyrénées, la commune de Lagos accueille un groupe de jeunes grecs venant du village homonyme dans la Thrace grecque.

En revanche, nombreux sont les maires de France qui rivalisent de philhellénisme, un amour pour la Grèce d'autant plus méritoire qu'il est dépourvu d'arrières pensées électorales, puisque nous sommes tellement peu nombreux en France que aucune communauté grecque ne peut prétendre peser de manière décisive sur le résultat du vote. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis avec ses 2-3 millions de Grecs, ni en Allemagne où les Grecs se comptent en centaines de milliers.

On était donc à peine une trentaine, délégations officielles incluses, ce mercredi devant l'hôtel du 13, rue du Sommerard derrière la rue des Ecoles dans le quartier de la Sorbonne à Paris, et où aurait séjourné l'écrivain Nikos Kazantzaki. Mission : apposer une plaque commémorative du passage en ce lieu du célèbre crétois et père de Zorbas. Mais, ni notre faible nombre, ni la crachin automnal, ni une célébrité qui, cinquante ans après la mort de l'écrivain, commence à s'estomper des mémoires, n'ont découragé le maire du 5e arrondissement, Jean Tiberi, à venir en personne honorer de sa présence notre modeste cérémonie.

Et pour le maire de nous impressionner par un discours qui sonnait si juste et lu avec une telle sincérité et émotion qui témoignait que M. Tiberi et son conseiller aux affaires culturelles ne faisaient pas que passer, mais ont pris le temps qu'il fallait pour préparer et s'imprégner de l'ouvre de Kazantzaki.

Et, tant qu'à faire, ce seront finalement deux maires qui auront honoré la mémoire de Kazantzaki, puisque Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement voisin, s'est joint spontanément conviviale compagnie qui s'y est formé. Il retrouvait ainsi la chaleur grecque pour la deuxième fois puisque quelques semaines plutôt il accueillait dans sa mairie une exposition de gravures à l'au forte de Christos Santamouris.

Nous étions à peine plus nombreux fin septembre à nous retrouver, cette fois, salle Olympe - cela ne s'invente pas - de la mairie du 11e arrondissement. La Grèce sortait d'un mois d'incendies dévastateurs, des villages entiers réduits en cendres dans le Péloponnèse, une cinquantaine de vies perdues. Les images font le tour du monde et on commence à prendre conscience de l'ampleur des dégâts. La solidarité internationale commence à se mettre en place. L'ambassade de Grèce et la mairie du 11e arrondissement espèrent sensibiliser le public parisien. Organisée à la hâte, l'opération sera un échec, mais le discours du maire et ancien ministre, Georges Sarre, n'en restera pas moins dans les mémoires. Le maire remonte les 4.000 ans d'histoire, évoque le "miracle grec", la "culture-mère de l’Occident","les mers magiques" et de "coucher de soleil sur le temple de Poséidon" pour expliquer le devoir de solidarité et de fraternité avec une Grèce en souffrance.

A côté de ces manifestations de philhellénisme, il serait injuste d'oublier les actions au quotidien qui se mènent un peu partout en France, où les maires accueillent avec bienveillance les association philhellènes, encouragent les échanges scolaires, voire sont eux-mêmes à l'initiative de rapprochements, parois inattendus.

C'est ainsi qu'en août dernier, une quinzaine de jeunes d'un petit village près d'Evros, à l'extrémité Nord-Est de la Grèce se sont retrouvés dans les Pyrénées. Leur… péché ? habiter un village qui s'appelle Lagos. Or, un autre Lagos près de Pau, a commencé depuis quelques années à réunir ses homonymes d'Europe. Il y a déjà un Portugais, bien connu ; un autre, Espagnol. Christian Petchot-Bacqué, le maire, apprend l'existence d'un Lagos en Grèce dans les forums d'iNFO-GRECE, puis se lie d'amitié avec les animateurs du site. Nous passons quelques coups de fil ensemble pour localiser et établir le contact avec le maire grec, une femme, Eleni Dragozi. Ensuite les choses sont d'autant plus faciles que la maire grecque s'avère être parfaitement francophone, c'est une grecque rapatriée de… Belgique !

i-GR

Allocution de Monsieur Jean TIBERI

Député de Paris
Maire du 5e arrondissement
A l'occasion du dévoilement de la plaque Nikos Kazantzaki le 10 octobre 2007.

"Depuis ma jeunesse, mon angoisse première, la source de toutes mes joies et de toutes mes amertumes a été celle-ci: la lutte incessante et impitoyable entre la chair et l'esprit."

De ce conflit, paradigme entre Dieu et le Malin, Nikos Kazantzaki en fait le ferment de son œuvre. Un ensemble de romans, essais, récits, poèmes et pièces de théâtre dont les thèmes principaux sont la religion, la Bible, le Christ et, bien sûr, comme tous les écrivains, la nature humaine.

Nikos Kazantzaki est aussi inspiré de la mythologie grecque et des vers épiques de la poésie d'Homère.

Il a laissé une œuvre mystique, métaphysique et mystérieuse dont le sens a parfois échappé à ses détracteurs.

Pour cet ancien élève de Bergson qui a étudié le droit et la philosophie à Paris, la religion et la relation au divin est la source fondamentale d'une inspiration que l'on pet qualifier de poétique au ses de l'étymologie grecque du mot.

Ses textes ont certes suscité des controverses, mais nous ne pouvons pas douter en les lisant qu'ils ont été écrits avec une grande piété : "Lutte entre la chair et l'esprit, rébellion et résistance, réconciliation et soumission et enfin, ce qui est le but suprême de la lutte, union avec Dieu - voilà le chemin qu'a pris le Christ", écrit Kazantzaki, "et qu'il nous invite à prendre à notre tour."

Nikos Kazantzaki est né en 1883 à Héraclion en Crète. A cette époque l'île est une province de l'Empire ottoman. L'enfance de l'écrivain est parquée par les insurrections crétoises qui font de la Grèce un pays provisoirement autonome avant de rejoindre la Grèce en 1913.

L'auteur évoque ces insurrections dans un passage de son livre "La liberté ou la mort".

Alors que nous célébrons les cinquante ans de la mort de l'écrivain grec, il était tout à fait naturel de lui rendre hommage dans ce quartier où il a vécu. Puisse la plaque que nous dévoilons aujourd'hui conserver sa mémoire au sein de notre arrondissement.

Je vous remercie.

Allocution de M. Georges SARRE

Ancien ministre
Maire du XIe arrondissement de Paris
Soirée de solidarité aux régions incendiées en Grèce - 29 septembre 2007

Monsieur l’ambassadeur,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

C’est un bonheur et un honneur pour nous de partager ce soir, avec le peuple grec et ses représentants, l’espoir et la volonté de contribuer à ramener la vie, là où le feu l’a détruite cet été.

Nous avons tous été choqués et émus par les images des incendies, par les drames humains et matériels. Nous avons partagé l’angoisse, les deuils, la désolation, et nous mesurons notre impuissance.

Je sais, nous savons tous, que les Grecs sauront rebondir après ce coup dur. Car, comme le disait déjà à Solon le prêtre égyptien du Timée de Platon, « Vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants : un Grec n’est jamais vieux. Vous êtes toujours jeunes par l’âme »… Et ce dynamisme vous permettra de dépasser cette épreuve. Oui, depuis l’arrivée des Achéens, voici 4 millénaires, dans cette avancée extrême des Balkans en Méditerranée, c’est ce dynamisme essentiel, cette énergie, ce courage, qui ont permis à ce peuple d’élaborer la culture-mère de l’Occident, « le miracle grec », selon le mot de Renan…

N’ayez crainte : je vous épargnerai l’inventaire de l’héritage ; des historiens plus compétents que moi, l’ont établi souvent. L’archéologue Furio Durando résume sans ambages : « L’Occident doit tout aux Grecs ». Comment ne pas souhaiter dès lors dire au peuple grec notre fraternité dans l’épreuve ? Nous sommes solidaires, aussi, de l’émotion, du surcroît de nostalgie, des quelques six millions de Grecs de la diaspora.

C’est devenu un lieu commun, et même un slogan publicitaire des voyagistes, que d’affirmer la séduction de ce pays, de votre pays, Monsieur l’ambassadeur. Michel Déon évoque « sa splendeur si souvent intimidante », « sa réalité de lumière, de chaude beauté, de mers magiques » ; au point qu’il dit encore : « l’homme qui a découvert la Grèce et l’a aimée, ne revient pas chez lui tout à fait pareil. Il lui faudra longtemps pour réhabituer ses yeux et son esprit à l’ombre… »

Ceux qui ont eu la chance, de voir le soleil se coucher sur le temple de Poséïdon au cap Sounion, de contempler, du centre de l’orchestre, les gradins du théâtre d’Epidaure, adossés à la colline, ou de se reposer à l’ombre de la palestre d’Olympie, ces voyageurs chanceux ont connu là une plénitude rare. Oui, de ce pays, parfois rude pour ses habitants, émane une beauté extraordinaire, faite des couleurs et de la précision des paysages montagneux et marins, dans l’éclat de la lumière.

Cette beauté naturelle a sans doute prédisposé les Grecs à tendre vers la perfection leur architecture, leur philosophie, leur dramaturgie, leur sculpture, leur poésie…

Nous sommes tous dépositaires de cette beauté, la valeur suprême pour les Grecs, déifiée par Platon. Et nous en avons besoin, plus que jamais, dans un monde où les préoccupations matérielles relèguent toute spiritualité à la marge.

La séduction s’exerce aussi sur ceux qui n’ont pas pu faire ce voyage, mais qui ont écouté, par exemple, Manos Hadjidakis ou Mikis Theodorakis, et leurs mises en musique des poèmes de Georges Seferis ou Odysseys Elytis. La beauté grecque, dans toutes nos consciences, c’est aussi celle de Katina Paxinou, superbe tragédienne qui a été dirigée par les plus grands, Lucino Visconti et Orson Welles… C’est aussi Iréne Pappas, Melina Mercouri, et bien sûr Maria Callas…

Dès le plus jeune âge, nous avons, souvent sur les bancs de l’école, vibré, rêvé au récit des aventures d’Ulysse, de Thésée, d’Œdipe. La sensibilité, l’imaginaire du peuple français, et de ses voisins, sont nourris de mythes grecs : le courage de ces héros qui ne se soumettent pas à leur destin, mais aussi l’espoir obstiné, et finalement récompensé, de Pénélope… Autant de valeurs, transmises à travers de belles histoires, de générations en générations, à tout l’Occident.

Sans doute, la nécessité de trouver des débouchés économiques a-t-elle poussé les Grecs à braver les brusques colères de la mer Egée, parsemée d’écueils. A travers le monde entier, l’audace, l’intelligence et le travail des hommes d’affaires grecs connaissent les succès que l’on sait. Aux Grecs, l’étranger, qui porte le même nom que l’hôte, celui auquel on ouvre sa porte : xénos, ne fait pas peur. Encore un état d’esprit à méditer, des réponses peut-être à certaines tentations de repli et d’exclusion de nos sociétés nanties contemporaines.

Cette prise de risque, cette générosité, vont de pair avec une autre forme de courage. Quand, par exemple, Léonidas et ses 300 Spartiates se sacrifient aux Thermopyles, avant que Thémistocle ne mette en fuite ce qui restait de la flotte de Xerxès à Salamine, quelles leçons ils laissent à la postérité ! Vaillance d’un peuple qui se bat pour sa liberté, comme il le fera dans sa résistance héroïque en 1940. Après avoir refusé l’occupation, et avec un équipement nettement inférieur, les Grecs (un sixième de la population italienne) repoussèrent les légions italiennes, et les chassèrent même d’une partie du sud de l’Albanie. Les combats furent rudes, à la fois contre Mussolini, et contre Hitler… La mobilisation de l’Allemagne nazie contre la résistance grecque ralentit son entrée en Russie.

Ainsi la Grèce, maintes fois dominée, occupée, a-t-elle mené des luttes héroïques pour se libérer. C’est une très ancienne tradition grecque, que la conquête du droit imprescriptible qu’a chaque homme d’user comme il l’entend de sa personne ! Et André-Jean Festugières analyse clairement comment cette belle conquête commence par la liberté politique, au sein de la « polis », la cité démocratique : le Grec n’obéit pas à un homme, mais il obéit à la loi, parce que celle-ci est l’expression de la volonté du peuple, et que le peuple, c’est lui-même. Il cite Aristote : « le fond du régime démocratique, c’est la liberté ».

Sans doute devrions-nous retenir cette association des notions de liberté et de démocratie, ce besoin de citoyenneté. Comme les artisans de la Renaissance, ne craignons pas de nous tourner vers l’hellénisme pour remettre l’homme au cœur du système ! Réconcilions l’individu et l’animal politique ; l’humanisme, menacé par de nouveaux obscurantismes, est à ce prix. Face aux menaces et aux malheurs des hommes, il n’est de réponses que citoyennes.

Travaillons-y, ensemble, pour que « la terre [reste] douce aux vœux des naufragés, dont Poséidon en mer, sous l’assaut de la vague et du vent, a brisé le solide navire »… Et pour qu’un jour, des hommes puissent encore s’écrier, avec Homère, « Bonheur ! ils prennent pied ! Ils ont fui le désastre ».

Je vous remercie.

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