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Ça suffit !

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Par iNFO-GRECE,

La Grèce en faillite ! Allons, donc ! Un effet de la spéculation qui se dissiperait une fois que les spéculateurs auront empoché leurs bénéfices ? Une vraie situation déficitaire insurmontable, résultat d'années d'erreurs dans la gestion du pays ? Un jeu du Grand Satan, de l'Union européenne, du Capital que seule la grâce de Dieu ou la révolte du prolétariat pourrait stopper ? Crise de confiance ? Envers qui ? Papandréou ? La Grèce ? L'Euro ?

Une seule chose est certaine : on traite un pays pluri-millénaire, comme s’il s’agissait de l'épicerie du coin, et l’on affuble les Grecs, un peuple entier, d'un tas d'adjectifs peu glorieux, qui ne sont pas sans rappeler les soupçons qui pesèrent, jadis, avec la terrible suite que l'on connaît, sur les Juifs.

Il ne se passe pas un jour sans que la presse internationale, notamment allemande et anglo-saxonne, ne tire à boulets rouges sur la Grèce et sa gestion, sur les Grecs et leur mode de vie.

Indépendamment de cela, n’est-il pas affligeant de voir notre ministre de l'Economie M. Papaconstantinou errer, déboussolé, dans les couloirs de Bruxelles, se courbant un peu plus chaque jour et, de réunion en réunion, rentrant  encore plus la tête dans les épaules. Qu'il est triste de voir notre premier ministre courir la planète, Davos, Bruxelles, Londres, Moscou, pour quémander du secours ! Etait-ce le même Georges Papandréou, qui, il y a six mois, faisait campagne aux élections législatives, en Grèce, en clamant haut et fort : « de l'argent il y en a », « de l'argent nous en trouverons, si vous nous portez au pouvoir », « nous augmenterons les salaires de la fonction publique au-dessus de l'inflation », etc.

D'une gaffe à l'autre

Pourtant, ce Papandréou ne sortait pas de nulle part. Il était le chef du principal parti d’opposition et, donc, très au fait de l'état réel de l'économie de son pays. Une économie qui fait l’objet de débats, comme dans tout pays démocratique moderne, dans les enceintes du Parlement et dans les divers groupes parlementaires. Son parti non plus n'est pas un nouveau venu, ni dans le paysage grec, ni au… pouvoir. Le PASOK a gouverné la Grèce pendant plus de quinze ans, depuis 1981.

 La crise de confiance n'est pas une crise de confiance envers la Grèce et son économie chaotique, mais une crise de confiance en la capacité du premier ministre à gérer ce chaos. 

La légèreté avec laquelle Georges Papandréou dénonce son prédécesseur, à Bruxelles, dans la semaine suivant sa prise de fonctions, ne peut être prise au sérieux. Comme si les statistiques du pays étaient cachées dans les tiroirs du bureau de premier ministre de la Grèce ! Les bonnes, dans celui de gauche ; les truquées, dans celui de droite. Première gaffe.

La crise de confiance qui s'en suit n'est pas une crise de confiance envers la Grèce et son économie chaotique, mais une crise de confiance en la capacité du nouveau premier ministre à gérer ce chaos. Depuis un demi-siècle, c'est la même économie, les différents gouvernements ont réussi tant bien que mal à la gérer. Tel le cafteur qui veut jouer au bon élève devant son maître, la dénonciation des statistiques de la Grèce auprès des Maîtres de Bruxelles est plus qu'une gaffe, est plus qu'un acte de délation, c'est une véritable trahison envers la Grèce !

Papandréou aurait-il oublié que le gouvernement de la Grèce n'est pas un gouvernement du PASOK ou de Nea Dimokratia, mais tout simplement le gouvernement représentant le pays entier ? Lorsqu'un premier ministre signe les accords internationaux, ce n'est pas la responsabilité de son parti qu'il engage, mais la responsabilité du pays. Leçon élémentaire de Sciences politiques. Misérable ! Dans quel pays avancé a-t-on jamais vu un gouvernement dénoncer ses prédécesseurs sur la scène internationale ? Au contraire, partout, on lave son linge sale en famille. Simple question de bon sens !

On peut toujours croire un délateur, mais qui a jamais accordé sa confiance à un traître ? C'est exactement ce qui s'est passé avec la « crise grecque ». On a pris Papandréou au mot. Beaucoup n'attendaient même que cela. Croyez-vous que les Romains ne savaient où trouver Jésus et devaient payer les trente pièces d’argent à Judas ? Croyez-vous qu'en 1940, les Allemands, quand ils entreprenaient de brûler un village ou de lancer une rafle, attendaient un délateur pour les éclairer ? Non, bien sûr. Le délateur rend seulement l'attaque possible en déculpabilisant l'attaquant et en culpabilisant la victime.

Ensuite, comment faire confiance au gouvernement Papandréou quand, pendant trois mois, il reste sans secrétaire général, pierre angulaire des ministères. Papandréou crie « Il y a le feu à la maison » et, en même temps, il joue au directeur des ressources humaines avec une vaste campagne de recrutement de secrétaires généraux sur CV ! Quelle démagogie ! Qu'est-ce que ce PASOK, premier parti de Grèce, qui, je le rappelle, au gouvernement pendant plus de quinze ans, depuis 1981, n'a pas dans ses rangs le personnel qualifié pour encadrer les ministères ! Pendant trois mois, ces derniers tournent ainsi au ralenti et l'argent peine à rentrer dans les caisses déjà vides. Et, comment croire, qu'une personne recrutée sur CV, à priori un manager ou un technocrate non issu du sérail politique, va être opérationnel du jour au lendemain. Et, pourtant, Papandréou avait promis au cours de sa campagne qu'en cent jours, il remettrait le pays en marche. Deuxième gaffe.

Papandréou, président de l'Internationale socialiste, croit que les bonnes âmes, ses frères de la social-démocratie scandinave et ses compagnons de la péninsule Ibérique, se pencheront comme des fées sur le berceau de son bébé, la Grèce socialiste. En lieu et place de fées, ce sont les chacals de la finance internationale, les fameux hedge funds qui lui tombent dessus. Capables de mobiliser des milliards de dollars depuis leur paradis fiscaux, ils vont infliger une correction sévère à la prime dont bénéficiait la dette grecque grâce à son attelage à l'Euroland.

 En dénonçant les statistiques de son pays, Papandréou offre du pain béni à la spéculation qui va, ainsi, pouvoir s'adonner à son sport favori. 

Le déferlement des hedge funds sur les taux d'emprunt de la Grèce était prévisible. Pour des raisons de fond, d'abord. Ces fonds, dits alternatifs, interviennent là où un écart trop important entre la valeur réelle et la valeur cotée se fait sentir. Il y a là opportunité de bénéfice maximum. Raisonnement qu'on trouve dans les manuels de première année de Sciences économiques, cette fois. Les maisons internationales de notation, les unes après les autres, dégradent la note de la dette grecque, mais celle-ci continue à bénéficier du paratonnerre Euro alors même qu'aucune mesure sérieuse n'est annoncée pour redresser la situation. Pour des raisons conjoncturelles, ensuite. Les hedge funds ont été les acteurs principaux à chaque crise économique depuis les années 90 : au Mexique, en Asie, au Brésil, en Angleterre… Papandréou pensait-t-il que les milieux financiers n'allaient pas réagir à sa révision fracassante du niveau de la dette de la Grèce ? Alors même que ces milieux sont connus pour scruter le moindre mot d'un gouverneur de banque centrale ou d'un PDG d'entreprise dans l'espoir de détecter le signal précurseur d'un investissement fructueux.

En dénonçant les statistiques de son pays, Papandréou offre du pain béni à la spéculation qui va, ainsi, pouvoir s'adonner à son sport favori. « Le déficit public réel de la Grèce est le double de celui annoncé par la droite, qui vient de quitter le pouvoir », leur dit Papandréou. « Eh bien ! tu paieras désormais la prime de risque de tes emprunts au double », lui rétorquent en écho les milieux de la finance. Voici donc l'arroseur arrosé. Du jour au lendemain, la dette grecque se retrouve alourdie de plusieurs milliards supplémentaires. Papandréou émet un premier paquet d'obligations qui ne trouvent preneur qu'à 6,2 % (au lieu des 4,3% quelques mois plus tôt), soit plus que ce qu'un particulier paie pour financer sa voiture. « Victoire », crie pourtant Papandréou, y voyant que « les marchés nous font confiance ». A 6,2%, l'apprenti s'estime heureux ! En veux-tu, en revoilà : le lendemain, les taux d'intérêt des obligations du Trésor grec sur dix ans dépassent la barre des 7% ! En pleine rencontre de Davos, devant les puissants du monde, après avoir avalé sa langue, il ne fait plus le fier.

Certes, la dette souveraine grecque ne représente pas grande chose dans la finance internationale. Ce n'est que la moitié du bilan de Lehman Brothers, la multinationale new-yorkaise, première banque victime de la crise des subprimes de 2008. Mais les spéculateurs ont mis (et misé) le paquet : 76 milliards de dollars, soit l'équivalent du tiers de la dette ! De quoi faire plier la moindre résistance et racheter au rabais ce que l'on a survendu à découvert la veille. De plus, la Grèce entraînant dans sa chute l'euro, les traders auront fait d'une pierre deux coups.

 Papandréou demande des délais, des semestres, des années. Inconcevable quand l'argent de la finance fait le tour de la terre, suivant la course du soleil, d'une place boursière à l'autre. 

Il a fallu que l'écart entre le taux d'intérêt des emprunts grecs et leur équivalent allemand arrive au niveau d'avant l'entrée de la Grèce dans la zone Euro pour que Papandréou réalise qu'il ne pourra en aucun cas mettre en œuvre le programme économique qu'il avait prévu et encore moins celui qu'il avait promis durant sa campagne électorale. Un nouveau programme devait être inventé de toutes pièces et à la hâte. Les créanciers, dont la France et l'Allemagne notamment, exigent des résultats… ici et maintenant. Papandréou demande des délais, des semestres, des années. Inconcevable quand l'argent de la finance fait le tour de la terre, suivant la course du soleil, d'une place boursière à l'autre. Papandréou peine à réaliser le degré de l'urgence. Troisième gaffe.

Même en travaillant le dimanche –  désormais, des conseils de ministres ont souvent lieu le dimanche –  Papandréou n'y arrive pas. Il n'y était pas préparé. Ce n'était pas son rêve de tailler dans le salaire et les privilèges des fonctionnaires, son « grenier » électoral.

Les Grecs n'ont jamais aimé l'Etat. Ils se sont toujours méfiés des hommes du pouvoir. Un comportement nourri par le souvenir de l'occupation turque ottomane et par la révolte contre le haraçi, l'impôt que les non-ottomans devaient verser au sultan. Un des premiers actes de bravoure de la guerre d'Indépendance de 1821 fut de s'attaquer, dans la région de Kalavryta, aux haratzides, les percepteurs de l'impôt ottoman.

Il n'y a jamais eu d'Etat social en Grèce et les Grecs ont appris à vivre sans. C'est le père de Georges Papandréou, Andréas, fondateur du parti socialiste grec, qui inaugura l'Etat providence à l'européenne, en 1981. Pour cela, il a fallu embaucher en masse dans les services publics. La « modernisation » et la convergence vers la « moyenne européenne » passaient par là. Et du coup, le clientélisme politique, pratiqué jusque-là en amateur, comme partout dans le monde, s’est professionnalisé. Dans un pays de la taille de la Grèce, quelques dizaines de milliers de voix redevables peuvent faire la différence lors des élections. A chaque alternance politique, on réembauche, donc, pour rétablir l'équilibre politique au sein des entreprises et services publics. Les privilèges des fonctionnaires se cumulent d'élection en élection au point où le salaire moyen de la fonction publique avoisine les 3.000 euros, trois fois celui du privé (chiffres officiels du ministère des Finances, publiés dernièrement dans le journal Oikonomia). Dans ces conditions, le rêve de tout Grec ne peut être que devenir fonctionnaire.

Molon labé / Μολών λαβέ

Sacrés Grecs ! Pilleurs de fonds européens ! Rois du farniente ! Pas un sou en poche, mais les cafétérias vendant le café glacé – frappé à 4 euros la tasse – ne désemplissent pas. Menteurs ! Fainéants ! C'est avec l'argent de l'Europe que vous cassez les assiettes toute la nuit sur les pistes des bouzoukia. Remboursez !

 Le dédain de Zorbas pour l'argent, qui, hier, rendait admirative et envieuse la terre entière, ne passe plus. 

Que n'a-t-on pas entendu, et ce n'est pas fini ! Le dédain de Zorbas pour l'argent, qui, hier, rendait admirative et envieuse la terre entière, ne passe plus. Un Onassis, capable de s'enivrer aussi bien avec un sirtaki qu'avec la danse des milliards n'est plus là pour contrebalancer. Alors, le Grec fait le dos rond et attend que ça passe. Il en a vu d'autres.

Au deuxième boulot au noir, il en adjoindra sans doute un troisième. Et que les Allemands, avec leurs 39 heures hebdomadaires montre (suisse) en main continuent à le traiter de fainéant. Il s'en fiche (sta arx... dira-t-il). Aux 1.900 heures annuelles – un champion du travail en Europe  –, il en rajoutera quelques-unes de plus pour servir la bière à l'Allemand et au Hollandais qui dépenseront, comme chaque été, les doigts de pieds en éventail, le restant de leurs 1.500 heures annuelles de travail dans les tavernes grecques (données 1995-2005, Growth & Development Centre et Eurostat).

Il déclarait un euro à l'Etat ? Il en déclarera désormais la moitié. Et que le Français le traite de tricheur ! Le Grec n’en a cure. Lui qui n'a jamais lu le Guide du routard pour trouver la taverne la moins chère ou pour apprendre comment marchander le prix de l'origan vendu par la grand-mère au bord des routes de Taygète. Non, il ira noyer son chagrin avec panache dans les tavernes, au rythme d'un zeïbekiko, flamber l'argent de son labeur dans la sueur des bouzoukia, plutôt que de le donner au Fonds monétaire international. Et quand le Grec viendra à Paris, c'est au Lido qu’il ira s’amuser et boira du champagne, après avoir craqué pour un millefeuille à 11 euros au Café de la Paix. Pas avec du gros rouge vautré devant sa télé, enfermé dans un camping car ! Une vie sans rêves – fussent-ils futiles – n’est pas une vie ! Au moins, pourra-t-il s'écrier : j'en ai rêvé, JE l'ai fait !

Molon labe, s’exclame-t-il, déjà, reprenant la fameuse phrase des Spartiates aux Thermopyles. Venez prendre ! Inconscient ? Pas tant que ça. Car, il sait que si l'Etat c'est la Grèce, inversement, la Grèce ce n'et pas que l'Etat. Le Grec ne se sent pas concerné par la volatilisation des subsides européens. Certes, il a vu les routes se construire, les aéroports se moderniser, son système de santé s'améliorer. Mais, pour lui, l'essentiel est ailleurs : pour financer les études de ses enfants, il doit se saigner ; pour payer son logement, il doit cumuler les emplois et les crédits.

La modernisation ? Oui. Ce n'est plus l'épicier qui tient l'ardoise, mais la banque, filiale d'un Crédit agricole ou d'une Société générale. La seule différence est que maintenant il doit s'essuyer les pieds sur le paillasson et pousser la porte dorée du banquier. On a appris au Grec à vivre à crédit. Et, qui distribue les cartes de crédit dans les pochettes surprises ? Les banques grecques, toutes contrôlées par des groupes français, suisses, allemands ou américains. Ces mêmes banques, qui ont prêté sans compter au consommateur grec, ont prêté de la même façon à l'Etat. Un quart des emprunts de l'Etat grec – 75 sur 302 milliards d'euros – est détenu par les banques françaises, selon un rapport de la BNP Paribas, 64 milliards par les banques suisses et 43 autres par les banques allemandes.

La compétitivité ? Certes. Pour quelques centaines d'emplois crées par les Carrefour, Ikea, Leroy Merlin et autres grandes surfaces, autant d'emplois, si ce n’est plus, sont détruits dans le petit commerce et l'artisanat. Bien sûr, les multinationales sont plus compétitives, mais les bénéfices filent à l'étranger. Les marchandises entrent dans le pays sans taxes – Europe oblige – et l'Etat grec doit attendre la fin du cycle de consommation pour encaisser la TVA, payée par le consommateur grec. Des emplois créés au smic – qui vont, donc, échapper à l'impôt sur le revenu – et vont nourrir les hauts salaires des PDG et autres membres des directoires des multinationales qui, eux, ne seront taxés que dans leur pays d'origine, c'est-à-dire à l'étranger ! Comment voulez-vous dans ces conditions remplir les caisses de l’Etat grec ?

Ces mêmes bénéfices vont ensuite revenir au pays sous forme de pots de vin. Combien de millions dépensés par Siemens pour acheter la préférence des partis politiques grecs dans les marchés publics des Telecoms grecs et des systèmes de sécurité des Jeux olympiques d'Athènes ? Avec comme principal témoin, l'ancien directeur de Siemens Hellas, toujours protégé par la justice allemande. Tricheurs les Grecs ! Corrompus les Grecs ! Mais par qui ?

Les aéroports qui devaient permettre aux hordes des touristes européens de vider leur porte-monnaie estival sur les plages grecques ? Concession allemande : l'aéroport d'Athènes est parmi les plus chers d'Europe. Quant il vous est possible de trouver un billet low-cost pour 60 euros, vous devez payer autant en taxes d'aéroport. Pour se rattraper les voyagistes européens pressent pour que la chambre d'hôtel soit à 10 euros la nuitée pour parvenir à une semaine en Crète « all inclusive » à moins de 500 euros, vol compris et bénéfice de l'opérateur empoché. La faute aux Grecs s'ils ne sont pas assez compétitifs ? On confond souvent compétitivité et prix bon marché ; or, en termes de finances publiques, compétitivité signifie des entreprises qui dégagent des marges confortables et des bénéfices élevés afin de permettre à l'Etat de prélever un impôt en conséquence.

 On ne peut reprocher à l'Union européenne d'avoir été trop tolérante au moment même où on lui demande à nouveau compréhension et tolérance. 

Alors, a-t-il raison Papandréou lorsqu'il renvoie la faute à l'Union européenne et demande une reconnaissance de torts partagés ? Oh que non malheureusement ! On ne peut reprocher à la France ou à l'Allemagne d'avoir défendu leurs intérêts. Etats ou multinationales, c'est du pareil au même, cela va de soi. Certes la France et l'Allemagne vont intervenir en dernier ressort pour éviter la faillite de la Grèce. Mais ils le feront d'abord pour éviter la dévaluation de leurs propres actifs. Papandréou le sait très bien, lui qui s'est empressé de confirmer la commande des frégates françaises pour l'armée grecque, la veille de sa venue à Paris pour rencontrer Sarkozy, et des chars allemands, avant sa rencontre le lendemain avec Merkel à Bruxelles. L'Allemagne ne s'est pas séparée de son marc fort pour un euro vacillant. Elle défendra SON euro quel qu'en soit le coût, surtout s'il est payé par les Grecs !

On ne peut reprocher à l'Union européenne de ne pas avoir fait assez pour la Grèce. Et, surtout on ne peut lui reprocher d'avoir été trop tolérante au moment même où on lui demande à nouveau compréhension et tolérance. Un minimum de cohérence s'impose. Visiblement notre premier ministre a perdu le contrôle de la situation. Il cherche à donner l’impression de la dominer, il se démène, s’agite dans tous les sens, mais en réalité, il est tétanisé.

On ne peut faire appel à la solidarité européenne et, en même temps, se tourner vers la Chine, la Russie, ou, pire encore, menacer de recourir à l'aide du Fonds monétaire international. Quel est ce joueur de poker aux cartes ouvertes ! On ne peut se plaindre des taux d'intérêts élevés et se réjouir en même temps d'avoir réussi à louer de l'argent à ces mêmes taux, surtout lorsqu'on est la cause même de ce niveau des taux. On ne peut prétendre manoeuvrer avec finesse le navire de son pays et comparer la Grèce à la lourdeur d'un Titanic. On ne peut reconnaître à la fois l'urgence de la situation et demander des semestres et des années de délais, surtout lorsqu’au bout d'un semestre de gouvernement aucune mesure probante n'a encore été mise en œuvre !

On ne peut demander le consensus de l'opposition et, en même temps, mettre en place des Commissions destinées à enquêter sur des périodes prédéterminées dans le seul but de charger ses adversaires. On ne peut dénoncer la manipulation des statistiques par ses prédécesseurs, quand soi-même on omet de préciser que le niveau extraordinaire du déficit grec était conjoncturel et passager, lié à un cycle politique plus qu'économique : outre 2004 et le coût des JO d'Athènes, 2007 et 2009 étaient tout simplement des années électorales et les déficits pour les années électorales ont toujours été de 50% supérieurs à la moyenne des déficits pour les années non électorales (cf. S.B. Thomadakis, 1996, « The Greek Economy and European Integration »). L'arrosage préélectoral ça existe. Tout le monde le sait, et il n'y avait vraiment pas de quoi semer la panique…

Papandréou doit démissionner

Oui, la Grèce a subi un coup d'Etat ! Un coup d'Etat fomenté par les fonds spéculatifs à qui Papandréou avec sa légèreté et son amateurisme a donné le prétexte et l'opportunité de sévir. Avec la complicité des agences de notation, certes. Celles-là même qui durant des années distribuaient les triples A aux banques américaines, avant que ces dernières ne s'écroulent, sans rien voir des actifs pourris qu'elles détenaient. Elles notent entreprises ou Etats avec les mêmes critères. Un plus ou un moins, un A ou un B et c'est tout un peuple qui doit s'endetter à des taux exorbitants. D'où provient l'argent des spéculateurs ? Avec un ticket d'entrée à plus de 100.000 dollars, l'expertise des hedge funds n'est pas accessible au boursicoteur du dimanche. Les banques, les fonds de pension et quelques milliardaires sont leurs principaux mandataires. Ceux-là même qui ont été sauvés, à peine hier, de la crise financière de 2008, à coups d'injection de milliards de deniers publics, reviennent déjà aujourd'hui en spéculant sur leurs sauveurs, sur les Etats.

Sauf que si l’on peut tirer des leçons de l'Histoire, on ne la refait pas. Et la leçon est que si l'Europe était plus forte, les hedge funds n'auraient pu agir avec la même violence et aussi facilement. L'autre leçon est que Papandréou ne dirige désormais plus la politique économique de la Grèce. Et qui n'a plus la maîtrise du budget, ne dirige plus rien. Depuis novembre, le même scénario se répète. Avant chaque réunion à Bruxelles, le gouvernement grec annonce, la veille, les mesures soufflées par la Commission et le FMI à la seule fin d'éviter que ces mesures ne lui soient dictées en public le lendemain. A l'issue des réunions bruxelloises, on tient conférence de presse et on affiche satisfaction : « Notre plan a été accepté par nos partenaires européens ! »

La comédie a assez duré. Papandréou a perdu la partie. Personne ne lui fait confiance. Pas même pour l'application des mesures annoncées. Ce lundi, 22 février, le Comité mixte de contrôle (Commission, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) effectue son premier déplacement en Grèce pour vérifier la mise en place du plan. La honte !

De toute façon, il est trop tard pour imaginer un autre plan. Le pire est que ce plan dicté par la Commission est indispensable pour sortir de l'impasse. Or, même surveillé de près, Papandréou n'est pas en mesure de l'appliquer. On ne peut exiger d’un peuple le chapelet de sacrifices annoncés (coupes dans les salaires, gel des embauches, augmentation de la tva, renforcement des contrôles fiscaux, etc.), sans s'attendre à une grogne sociale. Les agriculteurs ont tenu quatre semaines sur les barrages des routes nationales. La grève des fonctionnaires a été massivement suivie début février et la mobilisation pour la grève nationale du 24 février s'annonce importante. Or, le plan de redressement de l'économie en question ne prend pas en compte le coût des mouvements sociaux. Papandréou malgré le contrôle partiel des appareils syndicaux par le PASOK ne pourra contenir la révolte sociale.

Puis, l'économie ce n'est pas tout. La perte de la souveraineté économique ne sera pas sans effet sur le reste des intérêts nationaux. Le poids de la Grèce dans le règlement de l'occupation turque de Chypre s'en trouvera diminué. Le règlement de la question du nom définitif de l'ancienne république yougoslave de Macédoine s'en trouvera affecté. Que vaut d'être premier investisseur à Skopje, quand sa propre économie est pilotée par un triumvirat international ? Notre Défense s'en trouvera affectée. La Grèce consacre au budget Défense la part du PIB la plus élevée au sein de l'Union européenne. Mais ce budget est nécessaire tant que la Turquie en face entretient par la menace des zones grises hors de toute règle internationale. Les créanciers de la Grèce ne feront-ils pas pression pour que, parmi les autres points du Plan de stabilité, la Grèce accepte de faire quelques concessions à la Turquie afin de la rendre moins agressive et permettre ainsi la diminution des dépenses militaires ?

 On ne tirera jamais rien d'un Grec en le traitant comme un esclave. 

L'effort qui est aujourd'hui demandé au peuple grec est tel que, sans lui inspirer une dimension symbolique, il lui sera impossible d'en accepter les sacrifices. On ne tirera jamais rien d'un Grec en le traitant comme un esclave. Seul un gouvernement d'Union nationale pourra incarner cette dimension symbolique et restaurer la confiance des Grecs en leur Etat. Seul un gouvernement d'Union nationale pourra contenir la révolte sociale qui se profile et permettre à la Grèce de retrouver rapidement la confiance internationale, politique et financière. Voilà pourquoi le premier ministre doit démissionner le plus rapidement possible afin de permettre au président de la République de nommer un nouveau gouvernement composé par au moins les deux grands partis, la ND et le PASOK, et pourquoi pas avec le KKE (communistes). Que Papandréou ait le courage de démissionner, et, les Grecs retrouveront toute la fierté nécessaire pour accomplir des nouveaux miracles.

i-GR/AE

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