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La Grèce en conflit ouvert avec la Commission européenne au sujet de l'actionnaire principal des médias

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Par iNFO-GRECE,

L'avis motivé publié mardi par l'exécutif européen et demandant des explications aux autorités grecques a propos de la loi sur l'actionnaire principal des médias tourne en conflit ouvert, la Grèce n'entendant pas céder sous la pression de la Commission. Alors que dans la presse grecque les rumeurs vont bon train sur les démissions des ministres concernées, le gouvernement est décidé à défendre une loi inscrite dans la Constitution, a affirmé hier le Premier ministre, Costas Caramanlis.


Le gouvernement exprime "la volonté politique d'instaurer la transparence et de combattre les collusions d'intérêt dans les affaires économiques, et à la fois de défendre la Constitution grecque et l'intérêt national", a dit le Premier ministre, Costas Caramanlis, en commentaire de la décision de la Commission européenne d'adresser à la Grèce un avis motive sur l'art. 14 par. 9 de la Constitution et la loi exécutoire sur "l'actionnaire principal".

Dans son avis motivé publié mardi, l'exécutif européen a demandé des explications aux autorités grecques, considérant que "l'art. 14 et la loi 3310/2005 instaurent une incompatibilité quasiment intégrale et absolue, entre d'une part tout exercice ou participation à un certain degré dans les sociétés propriétaires de Médias, et d'autre part l'exécution de contrats publics".

Longuement interrogé par les journalistes sur cette question, M. Caramanlis a dûment rappelé que des désaccords entre instances européennes et autorités gouvernementales sont "des faits courants dans une Europe à 25 Etats, et que ce n'est ni le premier ni le dernier cas", notant d'abord que si la presse grecque publie copie de l'avis ce mercredi, le gouvernement n'a toujours pas accuse officiellement réception de ce document. Réfutant catégoriquement que le gouvernement ait mal géré ce dossier, cette affaire, a-t-il dit, dure depuis longtemps et est passée par différentes phases ces deux dernières années, à la fois sous l'actuel et le précédent gouvernement, insistant qu'au-delà de sa dimension juridique, il existe de plus un aspect politique.

Jugeant par ailleurs les réactions en Grèce "ultra dramatisantes", M. Caramanlis s'est voulu rassurant en insistant sur le dialogue en cours avec la Commission européenne - "nous continuerons sans peur et sans passion" -, mais se refusant de prévoir l'issue à venir et de se prononcer sur d'éventuels changements. "Toute la question", a-t-il répété plusieurs fois, "est la Constitution".

Et alors que la presse s'interrogeait en outre sur l'éventualité de la perte de fonds communautaires suite à ce dossier, le Premier ministre a estimé pour sa part que le principal danger venait du fait que la Commission avait pointé des gaspillages dans les subventions allouées et des problèmes dans l'adjudication des contrats entre 2001-2004. "Ce problème", a ajouté M. Caramanlis, "est urgent et grave, et on fait actuellement de très grands efforts pour aboutir à un compromis".

Enfin, réfutant que la loi sur l'"actionnaire principal" décourage le développement économique, M. Caramanlis a déclaré que chacun a le droit d'avoir son avis sur les initiatives de son gouvernement en vue du renforcement des activités d'affaires, mais que ce qui prévaut est "de respecter la loi, de garantir une concurrence loyale et qu'il n'y ait pas un environnement criblé de phénomènes de distorsion de la concurrence et d'influence d'intérêts".

L'échec du gouvernement à faire passer à ce stade la loi aux barrages de la Commission a largement nourri les rumeurs de démission des ministres concernées, voir d'un large remaniement gouvernemental à cette occasion. La première chaîne télévisée en Grèce, Mega TV, a diffusé dans son journal du soir que les ministres de la Justice, M. Papaligouras, de l'Intérieur, M. Pavlopoulos, et le ministre d'Etat en charge des Secrétariats à l'Information et à la Communication et porte-parole du gouvernement, Théodoros Rousopoulos, auraient proposé leur démission au Premier ministre mais que celui-ci ne les aurait pas acceptées.

Rumeurs que M. Roussopoulos, a aussitôt catégoriquement démenties. "Les informations sur le limogeage ou la démission de membres du gouvernement, ainsi que les soi-disant confidences du Premier ministre à de proches collaborateurs qui ont été diffusées ce soir (mercredi) sur deux chaînes télévisées, sont absolument inexactes", a-t-il déclaré.

En coulisses, au sein du gouvernement et parmi les députés Nea Dimocratia de la majorité gouvernementale, la position de la Commission a eu pour effet d'exacerber le sentiment national et de diviser entre "pragmatiques" qui seraient disposés à une révision de la loi suivant les desiderata de Bruxelles et les tenants de la ligne dure. "Pitié, si on arrive à ce que les étrangers nous dictent notre Constitution", a dit l'ancien président du parti et plusieurs fois ministre, Miltiadis Evert, ajoutant notamment que "en ce cas, même moi, un supporteur fanatique de l'Union Européenne, je dirais sortons de là !".

Pour sa part, le PASOK, principal parti de l'opposition qui avait voté la loi en question, a propose mercredi le retrait pur et simple du projet de loi sur "l'actionnaire principal", tout en se déclarant prêt à un débat au Parlement.

Il n'empêche que les options dont dispose le gouvernement grec sont peu nombreuses : retrait de la loi, mise en veilleuse en prolongeant la période transitoire avant application et recours devant la Cour de Justice européenne. La fermeté du Premier ministre grec à ne pas transiger sur le poids juridique d'une loi inscrite dans la Constitution, pourrait bien faire que le différent se règle devant le Tribunal, quitte en parallèle à amadouer l'agressivité de la Commission en proposant quelques modifications sur les modalités d'application.

i-GR/ANA

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