Il fut un temps où l'on voyageait par nécessité. Pour fuir la famine, la guerre, la peste, prêt à se faire dévorer par les bêtes pour tenter de survivre. Il suffit de prendre un ferry à Patras et voir des jeunes garçons au regard triste errer derrière les grilles du port, en attente d'un passeur qui les cachera au fond d'une cale brûlante, pour constater que ces déplacements douloureux existent encore.
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Entre-temps, la bourgeoisie a inventé le voyage d'agrément, une aventure sensuelle qui doit combler tous ses sens, raconte l'anthropologue Jean-Didier Urbain dans son dernier essai, Une histoire érotique du voyage. Pas question d'oisiveté dans l'ailleurs. Le touriste se cherche des mobiles: culture, nature, passion; il doit revenir nourri, instruit, rempli de nouvelles expériences. En Orient, Flaubert n'a pas manqué de visiter les pyramides, une léproserie et des bordels, avant d'écrire avec fougue tous ses dépaysements.
Le syndrome Instagram
Maintenant, les gens documentent leurs extases sur Instagram. Regardez, j'y étais; au Taj Mahal, au MoMA, au temple de Tirta Empul, à Bali… Il paraît que l'on retient mieux une visite quand on...