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Plan onusien sur Chypre: l'unité admise, les divisions préservées

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Par iNFO-GRECE,

Comme attendu depuis l'impasse des négociations directes sur Chypre, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a proposé lundi 11 novembre un plan de paix destiné à régler le sort de l'île divisée depuis l'invasion et l'occupation par l'armée turque de la partie nord-est en 1974. Selon les premières informations, le Plan de Kofi Annan, inspiré du modèle confédéral helvétique, préserve la division, recherchée par la Turquie et les dirigeants chyproturcs, et admet l'unité et la continuité de l'Etat de Chypre, défendue par la Grèce et les chypriotes. Un Etat qui sera présidé la moitié de l'année par les chypriotes-turcs (20% de la population).


C'est un document de 150 pages qui a été remis lundi matin simultanément à Nicosie au président chypriote grec Glafcos Cléridés et à New York à un émissaire du dirigeant chypriote turc Rauf Denktash, en soins depuis le mois d'octobre dans un hôpital américain. Dans l'après-midi un résumé de dix pages – d'où manquait la carte délimitant les futurs "Etats constituants" chypriote grec et chypriote turc - a été présenté aux membres du Conseil de sécurité convoqués à l'improviste.

M. Annan a donné une semaine aux deux parties pour lui faire connaître leur avis sur ce document qui "forme la base d'un règlement complet du problème chypriote". M. Annan a précisé avoir "un large soutien" du Conseil de sécurité. Il est moins certain qu'il obtiendra le même soutien du côté des Grecs et des Chypriotes. A Chypre le Président Clerides a dit qu'il étudiera le plan avec pour seule règle "l'intérêt du pays et du peuple" à qui le résultat des négociations lui sera soumis pour approbation lors d'un referendum. Malgré l'empressement du gouvernement grec d'aboutir à une solution de la question chypriote avant la signature de l'adhésion de l'île à l'Union Européenne et avant les prochaines élections législatives, Athènes a déjà pointé les "points difficiles" du plan tout en préparant l'opinion aux concessions jugées inévitables appelant tous les responsables politiques à évaluer la proposition dans sa "globalité".

Car ce sont justement les détails qui ont fait achopper les négociations jusqu'ici devant l'intransigeance turque, et ce sont les mêmes détails qui risquent de le faire échouer encore, si les chypriotes réalisent qu'ils ont été floués par le plan Annan. Car si la façade de l'unité et de la continuité de l'Etat de Chypre est formellement admise, la reconnaissance de deux Etats constitutifs donne aux dirigeants chyproturcs ce qu'ils réclamaient, forts du soutien de 35.000 militaires turcs arrivés sur l'île en 1974. M. Annan a choisi le terme ambiguë de "component states"; "états composants", que chacun pourra interpréter à sa convenance, pour désigner les deux zones dédiées aux chypriotes-grecs et aux chypriotes-turcs. Deux zones qui sont destinées à devenir les premières zones ethniquement garanties de l'Union européenne. L'installation des chypriotes grecs dans le "canton" turc ne pourra dépasser le tiers de la population "locale" au moins pendant 20 ans, tandis que seuls 10% des réfugiés (grecs) pourront revenir sur leurs terres. En contre partie les chypriotes-grecs récupèrent dans leur "canton", 10% des 37% du territoire occupé, dont une partie de la ville d'Amochostos et la ville de Morphos. Quant à l'installation d'autres citoyens de l'Union Européenne elle est limitée pour l'éternité au cinquième de la population. Deux entorses aux acquis communautaires que l'Union Européenne semble disposée à accepter. Bien entendu, il n'y a aucune clause sur la natalité de la population "locale", devenue majoritairement musulmane, qui pourra se multiplier à volonté !

Sur le plan constitutionnel, l'Etat de Chypre disposerait de deux parlements, la Chambre Haute composée à égalité par les représentants des deux communautés et la Chambre Basse composée proportionnellement à la population. Chacun aura sa police, mais une police fédérale veillera à la protection des frontières et aux trafics illégaux. Quant au gouvernement, il sera sous tutelle d'un Conseil ministériel composé de 4 chypriotes-grecs et de 2 chypriotes-turcs. En alternance, un des membres du Conseil Ministériel dirigera le pays, ce qui revient à une direction chyproturque sur 3 !

Peu de réactions officielles connus jusqu'ici, le Premier Ministre grec Costas Simitis qui a remis ce midi une copie de la proposition Annan au Président de la Grèce Costis Stephanopoulos, doit rencontrer le Président chypriote Glafkos Clerides samedi prochain. Le chef de l'opposition Costas Karamanlis a demandé la convocation du Conseil des Chefs des partis, mais le gouvernement sans exclure cette hypothèse semble vouloir attendre les résultats de la rencontre Clerides-Simitis pour clarifier ses intentions. Le Conseil National qui réuni les chefs des partis à Chypre doit ce réunir ce mardi après-midi. Sel le Parti Communiste Grec a annoncé pour l'instant dans un communiquée que "le plan Annan est inadmissible, injuste et dangereux", et appelle à un rassemblement à Thessalonique.

Quoi qu'il en soit par la suite, la lassitude de tous les négociateurs (exception faite des chyproturcs qui n'ont rien changé de leurs revendications) est telle, qu'au terme de 28 ans de statu quo et d'occupation, une solution même injuste pourrait l'emporter. "Ce n'est pas le moment d'être maximalistes", a averti le Président de Chypre, M. Clerides.

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