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Zeus, suite, de Mario Meunier, (3).

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[i] Un jour qu'il folâtrait avec la chèvre Amalthée, sa mère nourricière, et qu'il essayait de la jeter à terre, il lui arriva de la faire buter contre un arbre, et lui casser une de ses belles cornes. La Nymphe Mélissa soigna alors et pansa à la tête meurtrie de la nourrice divine. Pour le récompenser, le fils de Cronos ramassa cette corne, lui conféra des vertus merveilleuses, et en fit don à la Nymphe au cœur compatissant. Depuis ce temps, cette corne fut appelée la Corne d'Abondance, car, sur un simple désir, elle se remplissait de toutes sortes de biens.

Lorsqu'un tendre duvet eut fleuri d'un collier d'or bruni les joues du fils de Rhéa, et que l'âge en eut fait un bel adolescent, Zeus détrôna son père et régna désormais sur le monde a sa place. Cependant certains monstres orgueilleux, enchaînés dans le sein de la Terre, ne voulaient pas se soumettre au nouveau roi de l'Olympe. Zeus, croyant mettre fin aux tremblements dont ils agitaient la surface du globe, aux bouleversements qu'ils causaient en ébranlant les montagnes et en disloquant l'écorce de la terre, les délivra. Mais, à peine sortis de leur prison souterraine, ces redoutables Titans partirent en guerre contre lui. Pour atteindre l'Olympe, ils entassèrent des montagnes les unes sur les autres, et lancèrent des rochers contre Zeus. Les uns, tombant dans la mer, la parsemèrent d'îles, et les autres, retombant sur la terre, y formèrent des collines. Durant plus de dix ans se poursuivit cette monstrueuse révolte. Enfin, lassé de tant d'audaces, Zeus voulut mettre fin à leur rage insensée. Pour gagner la victoire qui devait assurer le triomphe de l'ordre, le fils de Cronos descendit d'abord dans les entrailles du globe, là où s'étend le ténébreux Tartare. C'était, bien au-dessous des fonds les plus bas de la mer, une région humide et désolée, remplie d'épaisses vapeurs et entourée d'une nuit éternelle. Là étaient enfermés les Cyclopes. Ces farouches créatures, d'une taille colossale et d'une force prodigieuse, n'avaient qu'un œil au milieu de leur front. De leurs bras robustes, ils forgeaient, sur des enclumes d'airain, les foudres que lançait le souverain du ciel. Là aussi se trouvaient enfermés, pour garder les Cyclopes, trois Géants à cent bras et à cinquante têtes.
« - J'ai besoin, leur dit Zeus, pour mettre fin aux maux qui désolent la terre, du « secours de vos bras et de l'aide que peuvent me forger vos enclumes. Prêtez-les « moi, et je vous délivrerai. Suivez-moi.
« - nous te les prêterons », répondirent à la fois les Géants aux cent bras et les intrépides Cyclopes.

Dès qu'ils parvinrent à la clarté du jour, Cyclopes et Géants se trouvèrent en face des Titans révoltés. Les Cyclopes brandissaient des piques étincelantes et les Géants aux cent bras étaient armés de rochers. Alors, un cri de guerre effroyable s'éleva tout à coup, et un horrible fracas éclata sur la mer : l'écho en retentit dans les palais de l'Olympe jusqu'aux abîmes ténébreux du Tartare. Les deux armées lançaient l’une sur l'autre mille traits douloureux; mille rochers détachés des montagnes s'abattaient sur l'un et l'autre camp. De grands cris retentissaient dans la mêlée terrible, et une clameur inhumaine et sauvage montait jusqu'aux étoiles. Comme la victoire était encore indécise, Zeus, au plus fort du combat, apparut sur un char. Messagère ardente d'une main victorieuse, la foudre, du haut du ciel, sur les Titans tout à coup s'abattit. Le tonnerre fendit en deux des montagnes, et les traits vengeurs des éclairs dévorants firent flamber des forêts. Alors une épaisse fumée, rabattue par le vent sur leurs lignes, étouffa les Titans et les paralysa. Profitant de ce tumultueux désarroi, Trois cents rochers, lancé à la fois par les trois cents mains des trois Géants aux cent mains les engloutirent sous une grande avalanche de roches. Vainqueur de ces puissants adversaires, Zeus les précipita dans le sombre Tartare, et le ciel et la terre n'obéirent plus dès lors qu'à un chef unique.

Une fois son pouvoir fermement établi, Zeus s'associa pour épouse Héra au trône d'or. Douée d'une beauté radieuse et magnifique, les habitants de l'Olympe accueillirent avec joie cette reine aux bras blancs et l'honorèrent à l'égal du maître du tonnerre. Zeus pourtant ne connut pas qu'une femme, et les poètes nous le représentent souvent descendant sur la terre pour y choisir et il y aimer des Nymphes. Or, ces Nymphes qu'il aima ne sont rien autre que les images gracieuses des forces diverses en jeu dans la Nature ; et, quand on dit que Zeus venait les épouser, il faut entendre qu'il venait les unir par son intervention à la loi qui préside à l'harmonie du monde. Les plus célèbres de ces Nymphes aux pieds blancs furent Europe, Danaé et et Léda.

Europe, vierge aux larges regards, était une jeune Syrienne dont la beauté s'accompagnait d'un teint ainsi éclatant, qu'on la soupçonnait d'avoir dérobé le fard dont se servait l'épouse même de Zeus. Dès son lever, elle appelait ses compagnes. Bien vite, elles apparaissaient ; et, portant chacune une corbeille, elles se rendaient là où les attendait le murmure des flots et le charme des roses. Or, un jour qu'elles se trouvaient, suivant leur habitude, près du rivages de la mer, occupées dans les prés à cueillir des fleurs et à tresser des couronnes, Zeus aperçut Europe. La rayonnante blancheur de cette vierge aux grands aux yeux émut le cœur du maître de l'Olympe. Alors, voulant à la fois éviter la colère de la jalouse Héra et s'approcher de l'objet de ses vœux sans effaroucher la timide Syrienne, Zeus revêtit la forme d'un taureau, et vint rôder ensuite autour de la prairie dans laquelle se jouaient les compagnes d'Europe. La présence de ce bel animal n'effraya point ces vierges aux longues tresses. Ce taureau, en effet, n'était point semblable à celui que l'on parque, pour contenir sa fureur, dans un enclos solide et bien fermé. Son pelage était d'un ravissant jaune d'or ; un disque argenté brillait au milieu de son front ; ses yeux couvaient la douceur verte d'une mer accalmée, et ses deux cornes, également recourbées, élevaient sur son front comme un croissant de lune. Toutes voulaient approcher et toucher cet inoffensif et splendide animal.

Quand Europe se trouva près de lui, ce taureau divin s'arrêta. Il fléchit les genoux devant elle, mugit avec tendresse et lui lécha les pieds. Europe, de son côté, caressa de ses mains délicates les flancs dorés de cette bête et suspendit des guirlandes à ses cornes d'ivoire.

« - Approchez, approchez, ô mes chères compagnes, s'écria-t-elle alors ; venez
« toutes vous asseoir sur le large dos de ce paisible taureau ; nous y serons comme « sur un navire ! »

À ces mots, la première, elle sauta en riant sur le dos de la bête, et s'y assit. Ses compagnes se disposaient à la suivre. Mais, dès que l'animal eut senti sur ses reins le poids léger de ses amours ; il s'élança d'un bond en une course rapide et arriva bientôt sur le bord de la mer. À son approche, les flots agités s'apaisèrent, et les compagnes d'Europe virent alors le taureau s'engager dans les ondes, galoper sur les vagues et courir sur les eaux comme sur une plaine de sable. Assise sur le dos de son fougueux ravisseur, Europe se tenait d'une main à l'une des cornes de ce divin taureau,et retenait de l'autre les plis ondoyants de ses voiles. Les rivages battus par la tempête, les hautes montagnes eurent bientôt disparu ; et, pendant de longues heures, la vierge syrienne ne vit au-dessus de sa tête que l'infini de l'azur, et sous ses pieds effleurés par l'écume salée, que l'immensité profonde de la mer. (à suivre) [/i]

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