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Voyages en Orient, entrepris par ordre du gouvernement français, de 1821 à 1829, par Victor Fontanier (éd. 1829-1834).

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Soumis par efthymiouthomas le

[i] [b][u][center]PRÉFACE[/center][/u][/b]
C'EST à la fin de l'année 1821 que je me suis embarqué à Marseille pour voyager dans l'Orient. M. le comte Siméon m'avait envoyé en qualité de naturaliste attaché à l'ambassade de France à Constantinople. Je devais explorer la mer Noire et l'empire ottoman. A cette époque, la révolution grecque venait d'éclater, et M. le marquis de Latour-Maubourg, ambassadeur nouvellement nommé, pensa que les circonstances étaient peu favorables à une pareille expédition. Il connaissait la Turquie, non par le l'apport des voyageurs , mais par une longue résidence, pendant laquelle il avait su déployer un beau caractère et soutenir l'honneur du gouvernement qu'il représentait. Pour accommoder mes devoirs aux circonstances, je me décidai à me rendre directement à Odessa ; en route nous relâchâmes à Ténédos et aux Dardanelles, puis nous restâmes un mois à Constantinople. Je partis d'Odessa pour parcourir la Crimée et les provinces russes du Caucase. La guerre, qui avait éclaté entre la Perse et la Turquie, rendait impraticable la route d'Erzeroum par laquelle je voulais revenir ; je me décidai à passer en Perse. Alors je reçus quelques instructions de la Société de Géographie, et je me rendis à Bagdad, puis à Bassora ; revenant par le sud de la Perse, je la traversai de Bouchir à Tauris. Les fatigues et les contrariétés avaient altéré ma santé ; pour la rétablir, je revins en Géorgie, et j'en partis encore pour Constantinople en suivant la côte des Lazzes ; puis en gagnant Erzeroum, j'eus à traverser l'Arménie et l'Asie-Mineure, j'aurais désiré passer en Caramanie et en Syrie ; j'attendis inutilement à Smyrne la fin des événements politiques qui ne me permettaient pas d'entreprendre ce voyage. Je fis pendant ce temps une course dans la Grèce ; enfin je pris le parti de revenir par les îles Ioniennes et l'Italie.

Voilà le résumé des voyages que je me propose de publier ; les événements remarquables qui se sont passés en Orient pendant, mon séjour, et la situation avantageuse où j'étais pour les observer, pourront peut-être leur prêter de l'intérêt. J'ai vu naître et finir la révolution grecque ; je me trouvais au milieu de la Turquie lorsqu'à été frappé le plus grand coup d'état que l'histoire puisse rapporter, la destruction des janissaires. Un ouvrage purement scientifique aurait paru trop, aride et ne pouvait intéresser que peu de lecteurs ; j'ai cru que des détails sur les mœurs de l'Asie ne seraient pas sans quelque intérêt ; j'ai cru que cette partie des voyages, dans laquelle on examine les lois des peuples, leur état de civilisation, d'industrie, de commerce, était de toutes la plus utile et la plus féconde en applications ; aussi y ai-je attaché de l'importance. J'ai été
minutieux dans ce que j'ai supposé peu connu, mais je n'ai pas insisté sur les coutumes et les usages qui frappent tous les voyageurs, et que chacun d'eux a décrits. J'ai eu soin de rapporter des anecdotes telles qu'en changeant les acteurs, la scène eût été la même. Si je suis souvent obligé d'y figurer, on me rendra, j'espère, cette justice, que je n'ai été poussé ni par la vanité, ni par le désir de me rendre intéressant; mon but a été de donner une idée plus exacte de la manière de voir, de sentir, de s'exprimer des hommes avec lesquels je me trouvais en relation. En cela je me suis conformé à la marche de voyageurs célèbres, de Chardin , de Tournefort, des missionnaires, dont les ouvrages seront longtemps encore les meilleurs qu'on ait faits sur l'Asie ; cette marche m'a paru plus naturelle que la forme didactique que j'aurais pu employer.

Je ne sais que fort imparfaitement les langues des pays que j'ai parcourus ; cependant je les parle assez pour me passer d'interprète, et non-seulement je puis demander ce qui m'est nécessaire , mais encore me mêler à la conversation. Aussi, quand il se trouvera quelque dialogue, peut-on être sûr que j'ai cherché à rendre non-seulement la pensée , mais encore l'expression des interlocuteurs. Plusieurs de mes amis, auxquels j'ai montré mes notes, m'ont paru craindre que l'on n'ajoutât pas une foi entière à ce qu'elles contiennent ; c'est un malheur auquel tout voyageur doit se résigner. Je répondrai d'avance que si les faits que j'ai cités m'avaient paru conformes à nos idées, il était parfaitement inutile de les recueillir. J'ajouterai encore que je ne regarde comme juges compétents en pareille matière que les personnes qui non-seulement ont habité l'Orient, mais qui en possèdent les langues ; celles-là, et je les ai consultées, ne me démentiront pas.

J'aurais pu dans ma relation suivre Tordre qui a dirigé mon voyage ; j'y aurais trouvé l'avantage de passer de ce mélange de barbarie asiatique et de féodalité européenne qui distingue les Russes, à la civilisation toute asiatique des Persans ; puis j'aurais examiné le passage des mœurs originales de la Perse aux mœurs des parties moins policées de la Turquie, et ensuite à celles qui le sont davantage. C'est à ces transitions que je dois l'explication de beaucoup de faits et d'usages dont auparavant je ne pouvais me rendre raison. D'autres considérations ont prévalu ; je désirais ajouter quelques notions à celles que l'on a déjà sur un peuple qui attire aujourd'hui l'attention de l'Europe. Mon voyage devant d'ailleurs contenir des détails sur la géographie et sur la géologie , d'autres raisons que j'indiquerai m'ont porté à commencer par la Turquie. Pour la partie scientifique , on verra que j'ai insisté davantage sur ce qui était peu connu, sur la côte des Lazzes , sur Erzeroum et sur Divas ; j'ai passé plus rapidement sur ce qui était décrit.

La confiance que l'on accorde à un voyageur dépend de la position dans laquelle il s'est trouvé ; je dois expliquer quelle était la mienne. Mes appointements étaient de cinq mille francs sur les fonds généraux du ministère de l'intérieur, et je n'avais pas de fortune particulière pour ajouter à ce traitement. Cependant, avec de l'économie , il a pu me suffire, bien que les difficultés des lieux et des relations me missent souvent dans l'embarras. Aussi ai-je été obligé bien des fois de séjourner quand j'aurais voulu partir, et de voyager d'une manière qui s'accordait peu avec les observations. J'y ai trouvé en revanche l'avantage de me mêler avec toutes les classes de la société , et de connaître des détails qui autrement m'auraient échappé. Je n'insisterai aucunement sur les obstacles que j'ai eu à vaincre, car je sais que le mérite d'un livre est entièrement dans le livre même, et que l'on n'a jamais de bonnes raisons pour se justifier s'il est mauvais. Je ne dirai donc pas, comme un de nos voyageurs les plus consciencieux, que dans l'Asie on est obligé de traverser le pays comme si l'on fuyait, et que l'on est heureux de conserver sa vie au lieu de recueillir des observations. Bien que cet ouvrage ne soit pas consacré à la politique, je ne chercherai pointa éluder ce qui pourrait s'y rapporter. Je n'attache pas une telle importance à mes opinions , que je croie devoir les dissimuler, et comme elles ne sont que le résultat d'observations diverses, que par conséquent elles pourraient ne pas se montrer clairement dans la narration, je ne craindrai pas de faire immédiatement une profession de foi. Je suis d'autant plus ami des différents peuples, qu'ils sont plus civilisés et plus libres. Aussi je porte aux Turcs un plus vif intérêt qu'aux Russes; je leur préfère les Persans, et je m'intéresse vivement à la liberté des rayas de la Porte. Ces sentiments se retrouveront dans le cours de cet ouvrage, et je dirai avec franchise les raisons sur lesquelles ils reposent. C'est assez annoncer que je ne me crois pas obligé d'adopter telle devise, parce qu'elle sera inscrite sur telle bannière. L'opinion de la plupart des hommes est fondée sur les principes généraux qu'ils ont adoptés ; il en est autrement d'un voyageur qui ne voit que des faits, et doit toujours y conformer son opinion.

[b]Par rapport à la Grèce, par exemple , j'ai changé trois fois d'avis. A mon départ, je ne voyais pas, sans une grande satisfaction, les descendants de ces Grecs avec lesquels nous avions passé notre jeunesse, se lever et secouer leurs chaînes. Mais pendant mon séjour à Constantinople, je m'en rapportai au jugement des personnes qui habitent cette capitale ; je vis avec leurs yeux, j'entendis avec leurs oreilles. Les Grecs ne furent plus pour moi que des, esclaves révoltés, trop bien traités par la Porte, trop heureux de vivre sous sa domination. Il me fallut, pour revenir à mes premiers sentiments, descendre dans les détails de l'administration qui les régissait, entendre leurs plaintes, voir leurs infortunes , reconnaître l'état d'abrutissement et de misère dans lequel on les retenait. Je m'expliquai alors ce mélange de bassesse et d'orgueil, de lâcheté et décourage, d'avarice et de générosité , qui en fait un peuple plein de vices et de vertus. Les vices leur ont été imposés ; et comment n'en auraient-ils pas sous des maîtres chez lesquels les passions les plus viles et les plus brutales, le viol, le meurtre, la rapine , loin d'appeler la vengeance des lois, peuvent conduire aux honneurs et aux dignités ? Ce n'était pas chez les esclaves de Rome, ni chez les ilotes de Sparte que l'on cherchait de beaux caractères. Les vertus, ils les doivent à l'administration patriarcale qui dirige la société asiatique, mais plus encore à la religion chrétienne qui s'est glissée comme un puissant préservatif dans toutes les institutions qu'ils tiennent des Turcs. Affranchis du joug, ils feront partie des peuples civilisés, à moins qu'une nation voisine, profitant de la conformité de religion, de l'opinion exagérée qu'elle veut donner de son pouvoir, ne parvienne à exercer sur eux une trop facile influence, et qu'elle ne les entoure d'un cercle dont ils ne pourraient plus sortir, car ce serait la barbarie aidée des formes de la civilisation qui l'aurait tracé.[/b]

Un homme d'état, un voyageur célèbre , M. le comte de Laborde , donnera plus de poids encore à ces opinions. Il se trouvait en Turquie en même temps que moi, et, bien qu'il ait suivi une autre route, j'ai été assez heureux pour me trouver d'accord avec lui sur plusieurs points.

Je m'abstiendrais de nommer les personnes qui ont bien voulu prendre quelque intérêt à mon voyage , si ce n'était une occasion de leur témoigner ma reconnaissance. Je dois citer d'abord MM. les professeurs du muséum d'histoire naturelle, M. Jaubert, et M. Ternaux qui, pendant mon absence , a bien voulu se chaîner à Paris de mes intérêts. En Russie, je dois des remerciements à MM. Challaye et Gamba, consuls de France, à M. le comte de Langeron, à l'illustre général Iermoloff, arraché par une disgrâce récente aux vœux d'une population qu'il s’efforçait de civiliser ; en Turquie, à M. le général Guilleminot, qui m'a donné toutes les facilités possibles pour mon voyage. En Perse, je ne saurais trop me louer des agents et des officiers anglais et russes que j'ai rencontrés ; je ne puis m'empêcher de citer sir Henri Willock, chargé d'affaires de sa. majesté britannique, le colonel Stannus, les capitaines G. Willock, Monteith et Taylor; les docteurs Cormick et Mc Neil ; M. le colonel Mazarovitch et M. Amburger. [/i]

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