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Voyage du jeune Anacharsis (4)

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[i] Après des combats et des succès multipliés, il arriva à la cour de son père, violemment agitée par des dissensions qui menaçaient le souverain. Les Pallantides, famille puissante d'Athènes, voyaient à regret le sceptre entre les mains d'un vieillard qui, suivant eux, n'avaient ni le droit ni la force de le porter : ils laissaient éclater, avec leur mépris, l'espoir de sa mort prochaine, et le désir de partager sa dépouille. La présence de Thésée déconcerte leurs projets ; et dans la crainte qu'Égée, en adoptant cet étranger, ne trouve un vengeur et un héritier légitime, il ne le remplisse de toutes les défiances dont une âme faible est susceptible : mais, sur le point d'immoler son fils, Égée le reconnaît, et le fait connaîtra son peuple. Les Pallantides se révoltes, Thésée les dissipe, et vole soudain au champ de marathon, qu'un taureau furieux ravageait depuis quelques années ; il l'attaque, le saisit, et l'expose, chargé de chaînes, aux yeux des athéniens, non moins étonnés de la victoire qu'effrayés du combat.

Un autre très épuisa bientôt leur admiration. Minos, roi de Crète, les accusés d'avoir fait périr son fils Androgée, et les avait contraints, par la force des armes, à lui livrer, à des intervalles marqués, un certain nombre de jeunes garçons et de jeunes filles. Le sort devait choisir ; l'esclavage ou la mort, devenait leur partage. C'était pour la troisième fois qu'on venait arracher à de malheureux parents les gages de leur tendresse. Athènes était en pleurs ; mais Thésée la rassure : il se propose de l'affranchir de ce tribut odieux ; et, pour remplir ainsi noble projet, il se met lui-même au nombre des victimes, et s'embarque pour la Crète.

Les Athéniens disent qu'en arrivant dans cette île, leurs enfants étaient renfermés dans un labyrinthe, et bientôt après dévorés par le Minotaure, monstre moitié homme, moitié taureau, issu des amours infâmes de Pasiphaé, reine de Crète : ils ajoutent que Thésée, ayant tué le Minotaure, ramena les jeunes Athéniens, et fut accompagnée, à son retour, par Ariadne, fille de Minos, qui l'avait aidé à sortir du labyrinthe, et qu'il abandonna sur les rives de Naxos. Les Crétois disent au contraire que les otages athéniens étaient destinés aux vainqueurs dans les jeux célébrés en l'honneur d'Androgée ; que Thésée, ayant obtenu la permission d'entrer en lice, vainquit Taurus, général des troupes de Minos, et que ce prince fut assez généreux pour rendre justice à sa valeur, et pardonner aux Athéniens.

Le témoignage des Crétois est plus conforme au caractère d'un prince renommé pour sa justice et sa sagesse : celui des Athéniens n'est peut-être que l'effet de leur haine éternelle pour les vainqueurs qui les ont humiliés ; mais de ces deux opinions il résulte également, que Thésée délivra sa nation d'une servitude honteuse, et qu'en exposant ces jours il acheva de mériter le trône, qui restait vacant par la mort d'Égée.

Athènes et futile ainsi qu'il voulut mettre des bornes à son autorité, et donner au gouvernement une forme plus stable et plus régulière. Les douze villes de l'Attique, fondées par Cécrops, étaient devenus autant de républiques, qui toutes avaient des magistrats particuliers, et des chefs presque indépendants : leurs intérêts se croisaient sans cesse, et produisaient entre elles des guerres fréquentes. Si des périls pressants les obligeaient quelquefois de recourir à la protection du souverain, local qui succédait à l'ouvrage réveillait bientôt les anciennes jalousies : l'autorité royale, flottant entre le despotisme et l'avilissement, inspirait la terreur ou le mépris ; et le peuple, par le vice d'une constitution dont la nature n'était exactement connue ni du prince ni des sujets, n'avait aucun moyen pour se défendre contre l'extrême servitude, ou contre l'extrême liberté.

Thésée forma son plan ; et, supérieur même aux petits obstacles, il se chargea des détails de l'exécution, parcouru les divers cantons de l'Attique, et cherchera partout à s'insinuer dans les esprits. Le peuple reçut avec ardeur un projet qui semblait le ramener à sa liberté primitive ; mais les plus riches, consternés de perdre la portion d'autorité qu'ils avaient usurpée, et de voir s'établir une espèce d'égalité entre tous les citoyens, murmuraient d'une innovation que diminuait la prérogative royale : cependant il n'osèrent s'opposer ouvertement à la volonté d'un prince qui cachait d'obtenir par la persuasion ce qu'il pouvait exiger par la force, et donnèrent un consentement contre lequel ils se promirent de protester dans des circonstances plus favorables.

Alors il fut réglé qu'Athènes deviendrait la métropole et le centre de l'empire ; que les sénats des villes seraient abolis ; que la puissance législative résiderait dans l'assemblée générale de la nation, distribuée en trois classes, celle des notables, celle des agriculteurs, et celle des artisans ; que les principaux magistrats, choisis dans la première, seraient chargé du dépôt des choses saintes, et de l'interprétation des lois ; que les différents aux ordres de citoyens se balanceraient mutuellement, parce que le premier aurait pour lui l'éclat des dignités, le second l'importance des services, le troisième, la supériorité du nombre : il fut réglé enfin que Thésée, placé à la tête de la république, serait le défenseur des lois qu'elle promulguerait, et le général des troupes destinées à la défendre.

Par ces dispositions, le gouvernement d'Athènes devint essentiellement démocratique ; et, comme il se trouvait assorti au génie des Athéniens, il s'est soutenu dans cet état, malgré les altérations qu'il éprouva du temps de Pisistrate. Thésée institua une fête solennelle, dont les cérémonies rappellent encore aujourd'hui la réunion des différents peuples de l'Attique ; il fit construire des tribunaux pour les magistrats ; il agrandit la capitale, et l'embellit autant que l'imperfection des arts pouvait le permettre. Les étrangers, invités à s'y rendre, y accoururent de toutes parts, et furent confondus avec les anciens habitants ; il ajouta le territoire de Mégare à l'empire ; il plaça sur l'isthme de Corinthe une colonne qui séparait l'Attique du Péloponnèse, et renouvela, près de ce monument, les jeux isthmiques, à l'imitation de ceux d'Olympie, qu'Hercule venait d'établir.

Tout semblait alors favoriser ses vœux. Il commandait des peuples libres, que sa modération et ses bienfaits retenaient dans la dépendance. Il dictait des lois de paix et d'humanité aux peuples voisins, et jouissait d'avance de cette vénération profonde que les siècles attachent par degrés à la mémoire des grands hommes.

Cependant il ne le fut pas assez lui-même pour achever l'ouvrage de sa gloire. Il se lassa des hommages paisibles qu'il recevait, et des vertus faciles qui en étaient la source. Deux circonstances fomentèrent encore ce dégoût. Son âme, qui veillait sans cesse sur les démarches d'Hercule, étaient importunée des nouveaux exploits dans ce prince marquait son retour dans la Grèce. D'un autre côté, soit pour éprouver le courage de Thésée, soit pour l'arracher au repos, Pirithoüs, fils d'Ixion, et roi d'une partie de la Thessalie, conçut un projet conforme au génie des anciens héros. Il vint enlever dans les champs de marathon les troupeaux du roi d'Athènes ; et quand Thésée se présenta pour venger cet affront, Pirithoüs parut saisi d'une admiration secrète ; et, lui tendant la main en signe de paix, « soyez mon juge, lui dit-il : quelle satisfaction exigez-vous ? Celle répondit Thésée, de vous unir à moi par la confraternité des armes. » À ces mots, ils se jurent une alliance indissoluble, et méditent ensemble de grandes entreprises. [/i]

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