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Propos de Chateaubriand...

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Submitted by Th. Efthymiou on

Lorsque je parcourus la Grèce, elle était triste, mais paisible : le silence de la servitude régnait sur ses monuments détruits ; la liberté n'avait point encore fait entendre le cri de sa renaissance du fond du tombeau d'Harmodius et d'Aristogiton, et les hurlements des esclaves noirs de l'Abyssinie n'avaient point répondu à ce cri. Le jour je n'entendais, dans mes longues marches, que la longue chanson de mon pauvre guide ; la nuit je dormais tranquillement à l'abri de quelques lauriers-roses, au bord de l'Eurotas. Les ruines de Sparte se taisaient autour de moi ; la gloire même était muette : épuisé par les chaleurs de l'été, l'Eurotas versait à peine un peu d'eau pure entre ses deux rivages, comme pour laisser plus d'espace au sang qui allait bientôt remplir son lit. Modon, où je foulai pour la première fois la terre sacrée des Hellènes, n'était pas l'arsenal des hordes d'Ibrahim ; Navarin ne rappelait que Nestor et Pylos ; Tripolizza, où je reçus les firmans pour passer l'isthme de Corinthe, n'était pas un amas de décombres noircis par les flammes, et dans lesquels tremble une garnison de bourreaux mahométans, disciplinée par des renégats chrétiens. Athènes était un joli village, qui mêlait les arbres verts de ses jardins aux colonnes du Parthénon. Les restes des sculptures de Phidias n'avaient point encore été entassés pour servir d'abri à un peuple redevenu digne de camper dans ces remparts immortels. Et où sont mes hôtes de Mégare ? Ont-ils été massacrés ? Des vaisseaux chrétiens ont-ils transporté leurs enfants aux marchés d'Alexandrie ? Des bâtiments de guerre construits à Marseille pour le pacha d'Egypte, contre les vrais principes de la neutralité [N V 1 17] , ont-ils escorté ces convois de chair humaine vivante, ou ces cargaisons de mutilations triomphales qui vont décorer les portes du sérail ?

Chose déplorable ! j'ai cru peindre la désolation en peignant les ruines d'Argos, de Mycènes, de Lacédémone ; et si l'on compare mes récits à ceux qui nous viennent aujourd'hui de la Morée, il semble que j'aie voyagé en Grèce au temps de sa prospérité et de sa splendeur !

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