1935, sur l'île de Lesbos
A côté de notre maison principale, une grande pièce construite uniquement avec des pierres nous servait de cuisine. N'ayant pas à l'époque de cuisinière, ma mère faisait la cuisine avec des sarments de vigne.
A côté de cette cuisine, nous avions notre four campagnard, que ma mère allumait une fois par semaine pour cuire le pain.
Dans le domaine, d'une vingtaine d'hectares environ, poussaient toutes sortes d'arbres fruitiers: poiriers, amandiers, noisetiers, un grand noyer, des oliviers et surtout des figuiers qui nous donnaient de si délicieuses figues de différentes variétés.
Evidemment, la grande pièce de notre maison ne pouvait pas nous contenir tous pour dormir le soir. Alors, on étalait des matelas sur la grande véranda et on dormait dehors avec le ciel étoilé pour spectacle.
J'ai toujours dormi en plein air à côté de ma mère. Les grillons chantaient leur gaie chanson, et quand j'étais toute petite, je croyais que c'était les étoiles qui chantaient.
Notre voisinage était des plus agréables, une amitié sincère et tendre nous unissait tous, et aujourd'hui encore, les enfants des personnes disparues m'offrent leur solide amitié.
Le soir, on se réunissait tantôt chez les uns, tantôt chez les autres. Les grandes personnes discutaient des problèmes du village ou encore de sujets philosophiques, malgré leur peu de culture.
Puis venait le moment où nous, les jeunes, sur leur demande, nous mettions à chanter et à danser. Les jeunes, doués pour le rythme musical, tapaient avec leurs mains sur des bidons vides et d'autres, encouragés par ce rythme, dansaient nos danses folkloriques grecques.
Voilà comment notre vie était: belle, simple, sans radio, ni télévision.
Notre puits avait une eau d'une étonnante fraîcheur. Il se trouvait au milieu du domaine, entre deux arbres superbes, un figuier et un noyer. Comme leurs racines plongeaient dans la source du puits sans en abîmer l'eau, ils étaient beaucoup plus épanouïs que les autres arbres.
Quand l'envie me prenait, j'allais puiser un plein seau d'eau, fraîche et délicieuse. Ensuite, j'allais choisir de beaux raisins muscat rouge ou de Soultami, ou bien des figues, je les jetais dans le seau pour les rafraîchir. Je m'asseyais sur la margelle et je mangeais jusqu'à satiété ces excellents fruits.
Re: Pour se détendre un peu
Merci TOULA pour ces lignes que j'ai lu avec plaisir.Je viens de recevoir une carte de mon amie Eléni qui vit à Athènes et cette carte représente un homme dans l'immensité de la mer et elle m'écrit ces quelques mots :"voila la simplicité grecque et je suis entrain de la rechercher" ....et je pense que la génération n'est pas la meme que la votre et pourtant on aspire parfois à des bonheurs simples!
En réponse à Re: Pour se détendre un peu par annie
La sérénade
Chère Annie, les doigts de Toula tremblent trop pour qu'elle puisse taper sur l'ordi, c'est pourquoi je le fais à sa place, ce qui l'amuse beaucoup. Je ne l'ai pas encore vue aujourd'hui mais je lui ferai part de ta gratitude. Dans les années 50 encore, existait en Grèce, une belle coutume: les admirateurs des jeunes filles leur chantaient la sérénade sous leur fenêtre. Voici ce que Toula raconte sur son premier amour, Christos.
"Soudain, comme dans un magnifique rêve, je me suis réveillée. Mais ce n'était pas un rêve. Christo avec sa guitare. Sa belle voix et la voix de ses amis qui l'accompagnaient, me faisait la sérénade. Je me suis levée et avec précaution, j'ai entrouvert nos volets. Il était debout avec sa guitare entre les mains, je distinguais sa haute et mince silhouette, près de la fontaine qu'il avait ouverte pour qu'elle aussi puisse chanter pour moi.
Je restais là tout le long de la chanson qui était très belle et que je n'avais jamais entendue, et plus tard, j'ai supposé qu'il l'avait composée pour moi.
Un autre garçon prenait la suite à l'harmonica. ô souvenirs si beaux de ma jeunesse, de mon inoubliable premier amour. ô comme je regrette aujourd'hui encore de ne pas m'être arrêtée dans le chemin où il m'attendait. "
En réponse à La sérénade par Toula Keramida…
Re: La sérénade
Un amour grec ne s'oublie pas...que Toula continue à nous relater ses souvenirs qui atténuent tout ce que l'on peut lire comme sujet de discorde mais c'est bien chacun s'exprime comme il l'entend sauf que la pensée ou l'analyse d'une femme sera toujours differente de celle de l'homme.pour toula et stella. annie
Re: Pour se détendre un peu
quel beau récit! On aimerait en lire plus sur ce site. Merci et bon courage pour supporter les douleurs liées à votre âge, Toula.
Pour se détendre un peu
Que ça fait du bien de lire des passages comme celui ci.....!
Dans ma maison des Cyclades, j'ai trouvé un pressoir dans la cave, un alambic à raki à l'extérieur avec son feu , sa cuve de refroidissement et son grand tube cuivré, et il y reste encore des cendres.
Et à côté de la maison voisine, il y a encore le vieux four y compris les pelles à enfourner......!
parfois je rêve devant en essayant de me représenter les gens occupés à distiller ou à fouler le raisin, car aux poutres de murier du plafond, il y a encore les cordes....!
Les vendanges d'antan
La terre était rouge et collante. Avant de reprendre la classe, vers mi-septembre environ, on faisait les vendanges.
Outre le raisin qui nous servait à faire le vin, nous avions du muscat et du raisin de Corinthe.
J'aimais ce travail de plein air. Depuis ma tendre enfance, j'aidais ma mère dans tous ses travaux agricoles. Quelques voisins qui n'avaient pas beaucoup de vignes, venaient nous aider.
Après, avec notre âne, nous apportions le raisin dans ces grands paniers en osier, au village, dans notre maison, en plusieurs voyages. Et par la suite, ma mère ou une de mes soeurs montait dans une grande caisse en bois, dans laquelle on avait jeté le raisin, et piétinait inlassablement pour faire sortir le jus.
J'aimais particulièrement voir couler le magnifique jus de raisin, car je savais qu'après fermentation dans nos fûts, il deviendrait notre vin.
Je pensais à mon père, car c'était lui qui, avec un goût et un soin exquis, avait planté la vigne, les arbres et construit la maison pour ma mère et pour nous.
Je grandissais au rythme des saison et toujours sous la tendre protection de ma mère.
aujourd'hui
La vigne, notre vigne si superbe, renommée dans tout le village, n'existe plus. Arrachée elle aussi par manque de mains ouvrières, pour travailler la terre. Quel gâchis! Sur les champs incultes, des herbes folles me narguent et me désolent.
La rentrée des classes, années 25
Le premier jour d'école dans un village, sur l'île de Lesbos.
Je me souviens comme dans un rêve de cette journée magique où je découvris l'école, devenue par la suite le grand amour de ma vie d'enfant.
Ma mère avait tissé pour moi, avec des laines chatoyantes et multicolores, un sac pour y ranger mon ardoise, mon premier livre et mon unique cahier.
Je me souviens encore de cette odeur de doux lainage que je serrais sur moi avec amour, car je savais que les mains valeureuses de ma mère l'avaient tissé. C'était pour moi un présent sans prix.
Tout de suite, j'ai aimé l'ambiance de ma première classe et je me suis attachée à ma maîtresse avec toute ma tendresse d'enfant.
Aujourd'hui, chaque fois que je reviens dans mon île, je retrouve avec émotion mon école. Elle est toujours la même, située à la même place, grande et imposante.