Magazine LE POINT
L'éditorial de Claude Imbert
Le lion, la chèvre et le dragon
La Turquie dans l'Union européenne ? Cette fantasmagorique suggestion
brave la géographie, l'histoire et cet ensemble de savoirs, coutumes et
croyances communs à un groupe de sociétés, en l'occurrence les nôtres. Une telle extravagance a du moins le mérite de dévoiler quelle Europe elle
profile : celle d'une simple zone de libre-échange. Celle où l'organisation économique se satisferait de ses succès et refuserait l'ambition politique et stratégique d'une Europe-puissance. Valéry Giscard d'Estaing, président d'une Convention chargée de donner à l'ectoplasme européen une « architecture » constitutionnelle (1), a fort bien vu que cette hypothèse insultait l'avenir. Au moment idoine - entre les récentes élections turques et le prochain sommet européen de décembre -, il a donc rappelé cette évidence : l'entrée de la Turquie sonnerait le glas d'une certaine idée de l'Europe.
- Comment expliquer que de bons esprits politiques ou intellectuels
l'envisagent de gaieté de coeur ? Soit ils ont déjà fait leur deuil de
l'Europe-puissance. Soit ils imaginent - avec l'angélisme oecuménique à la
mode - que le rayonnement de notre Europe pourrait s'étendre jusqu'à
l'Euphrate. Et englober un pays de 70 millions d'habitants si dépareillé
des nôtres par sa démographie, son statut économique (2), et par son
appartenance culturelle. Cette appartenance-là est un composé à la fois
puissant et subtil, fait de mémoire collective et de rêves partagés.
C'est, dans chaque nation, un principe spirituel pour lequel la légende et
les mythes, la langue et l'héritage religieux, les lieux de mémoire et les
héros nationaux, le décor et le folklore, tout un patrimoine physique et
immatériel, ont au fil des siècles concouru.
Il ne sera déjà pas si simple de faire dire « mon pays, l'Europe » aux 500
millions d'hommes de notre continent. Comment y songer si l'on trouble ce
sentiment encore dans les limbes et qui se forme lentement dans le foyer
continental ? Le dédain de nos élites pour le patrimoine culturel des
peuples est gros de catastrophes. Ce fut, en son temps, l'ignorance
pathétique de l'Algérie française pour la réalité musulmane algérienne. De
même, dans les années 70-80, lorsque ici l'on criait casse-cou devant
l'anarchie d'une immigration maghrébine incontrôlée, les mêmes rêvasseurs nous assuraient que le creuset français intégrerait des Marocains ou des Maliens aussi bien que les Espagnols ou les Italiens des années 30... On voit ce qu'il en est ! L'Europe de ces songes creux a, comme la Chimère antique, une tête de lion (les six), un ventre de chèvre (les vingt-cinq) et une queue de dragon (la Turquie). Une chimère, quoi !
- La Turquie, on le sait bien, est le pays du Levant que les principes
d'Occident ont le mieux pénétré : laïcité, démocratie garanties par la
meilleure armée de la région. Que ce pilier pro-occidental soit caressé
par l'Amérique, aidé et ménagé par l'Europe, cela va de soi. Qu'il nous
devienne associé par tous les partenariats possibles, très bien ! Mais
rien ne justifie d'en faire, pour autant, le membre le plus lourd du «
Club européen ». Et Bruxelles se déconsidère à lui présenter hypocritement un cahier des charges en espérant sous cape qu'il n'y satisfera pas.
Questionnez, là-dessus, les peuples européens et leur refus assuré serait
dommageable à tous ! Non que nos opinions gardent rancune de la séculaire adversité de la Croix et du Croissant. Encore - par exemple - que, pour dire « aïe, aïe, les ennuis arrivent ... », l'idiome italien conserve cette expression populaire : « Mamma, li Turchi... » («Maman, v'là les Turcs...») (3). Mais on a oublié les batailles de Lépante ou de Navarin et la libération de la Grèce qui enflammait nos romantiques. Cela dit, il reste cette évidence que, dans notre patrimoine, c'est Charlemagne que l'on rencontre et non Soliman le Magnifique. Chez nous, un logiciel chrétien court sur vingt siècles et se retrouve jusque dans les valeurs laïques. Là un logiciel musulman s'ouvre difficilement, depuis Atatürk, à une laïcité sous protection militaire.
Quant aux islamistes, aussi « modérés » soient-ils, qui viennent de
prendre le pouvoir à Ankara, il est clair qu'à l'aune de nos convictions
leur retour en fanfare altère la révolution laïque et le dévoilement des
femmes que Mustafa Kemal imposait dans les années 20.
Au demeurant, ce n'est pas le fond de l'affaire ! Nous ne demandons qu'à
respecter chez eux une appartenance qui n'est pas la nôtre. Ainsi
pratiquons-nous, depuis des lustres, avec maints pays amis d'Afrique ou
d'Asie. Alors, trinquer avec les Turcs ? Bien volontiers ! Mais chacun
avec son propre verre !
1. Voir en page 60 l'entretien avec VGE.
2. Le produit national brut turc par habitant est de 3 370 dollars. Celui
du plus faible des Quinze, le Portugal, est de 10 090 dollars.
3. « Mamma, li Turchi », plaisant roman de Gabriel Matzneff (La Table
ronde).
© le point 15/11/02 - N°1574 - Page 3 - 785 mots
Re: « Mamma, li Turchi... » («Maman, v'là les Turcs...»)
si je ne me trompe VGE a été au début contre maastrich!!!!!,???,l'avis du point n'est pas l'avis de tous les français!!
En réponse à Re: « Mamma, li Turchi... » («Maman, v'là les Turcs...») par elpiniki
Re: « Mamma, li Turchi... » («Maman, v'là les Turcs...»)
L'avis du point est celui de tous les français libres
et ça n'est pas celui des français qui ont peur de dire ce qu'ils pensent vraiment parce qu'ils ont peur qu'on les traite de racistes
En réponse à Re: « Mamma, li Turchi... » («Maman, v'là les Turcs...») par CHRIS
encore un autre christos??
Il faudrait qu'on fasse un recensement des Christos à info -grece
les turcs toujours eux
franchement si on faisait un referundum je suis sur que la majorité des francais serait contre l'entrée de la turquie dans l'UE.
En réponse à les turcs toujours eux par Arnaud
Re: les turcs toujours eux
Vu hier un reportage télé sur la 5 s^^urement racheté à la chaine "voyage" sur la Turquie. Eh bien mes amis, Istambul, ce n'est pas la Turquie, le reportage montrait des paysans du fin fond du pays, avec au passage un mariage arrangé, islamique, ils n'ont rien à voir avec les européens. Meme si le pays a accordé le droit de vote aux femmes avant la France, croyez moi, elles ne votent s^^urement pas ce qu'elles veulent. Les hommes non plus, j'ai l'impression! Les kurdes de Turquie ont le droit de se servir de leur langue comme langue officielle. Comment voulez vous qu'un pays qui n'a aucune unité nationale puisse adhérer à l'Uuropéenne sans problème?????????????????????????
En réponse à les turcs toujours eux par Arnaud
A Arnaud
Personnellement, je suis pour associer les gens aux décisions qui les concernent. Au niveau du pays, de la région ou de la ville.
Sais-tu qui est contre l'idée de référendum ou de pétition, en France? Eh, bien, la gauche.
Les référendum et les pétitions y sont considérés comme "populistes" et des hommes de gauche déclarent se méfier de ces "dérives populistes". Un peu étonnant pour des gens qui se prétendent de gauche cette manière de considérer que le peuple, ma foi, il est tellement lourd...
En réponse à Re: les turcs toujours eux par Aude
Le grand sac mondial
Il existe une volonté délibérée de détruire les pays d'Europe. Les hexagons risquent de devenir des étrangers dans leur propre pays, les Grecs des étrangers dans leur propre pays, les italiens, des étrangers dans leur pays.
En 1968, beaucoup de gens ses sont insurgés contre la société de consommation, la marchandisation de toutes les valeurs. Ils se rendaient compte mais ils n'ont pas pu faire grand chose. Aujourd'hui, c'est un peu la même chose, beaucoup d'entre nous voient que la mondialisation risque de broyer toutes les structures communautaires et ressenties comme telles mais pourra-t-on faire quelque chose?
En réponse à Re: les turcs toujours eux par Aude
Re: les turcs toujours eux
c'est marrant on ne regarde pas les memes reportages,moi j'ai regardé dimanche sur Arte un reportage sur l'empire Otoman qui était très bien et qui montrait les splendeurs de cet empire qui a eu ses mauvais cotés et qui avait un coté très belliqueux mais qui a été une belle civilisation!on ne regarde et ne retient que ce que l'on veut regarder et retenir......il faudrait etre plus ouvert et ne pas chercher systèmatiquement les justifications de son point de vue ,acte très difficile pour certains...................................
En réponse à Re: les turcs toujours eux par elpiniki
Gisèle
Où as-tu vu que je n'aime pas la Turquie? Je te redis qu'un pays qui n'a pas d'unité nationale ne peut intégrer l'urope. Qu'il soit musulman, chrétien ou boudiste, n'a rien à voir. Quant à la qualité de tes arguments par rapport à la "médiocrité" des autres intervenants, excuse-moi, mais nous, on n'a pas été entra^^inés dans tes camps de green peace qui soit dit en passant sont sponsorisés par les pétroliers surtout américains, c pourquoi ils sont à fond anti nucléaire. Donc nous, personne ne nous a appris l'art de polémiquer et de titiller les gens sur tous les fronts, y compris le plan personnel, comme j'ai vu que tu attaquais Stella sur sa vie de couple l'autre jour.
En réponse à Re: les turcs toujours eux par elpiniki
L'empire ottoman
L'empire ottoman a été une belle civilisation oui mais comme toutes les belles civilisations, il avait des multitudes de larbins. Toutes les énergies, tous les talents étaient utilisés au profit d'une seule oligarchie. Ceux qui n'étaient pas d'accord avaient la tête coupée. Soit, c'est le passé et il est partout sanglant.
Nous avons dans nos constitutions l'énoncé des droits fondamentaux. La Turquie respecte-t-elle ces droits fondamentaux?
Un femme qui ne sort de chez elle qu'avec l'autorisation de son mari, sinon elle risque être battue, cela correspond-il au droit de circulation des personnes de nos constitutions?
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