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Lettre de Papagos à Métaxas, 13 janvier 1940

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[i] État-Major général
A. P. 115078
Très confidentielle-personnelle
Athènes, 13 janvier 1940

[center]Le Chef de l'État Major Général de l'Armée, général A Papagos
à
M; le Président du Conseil et Ministre de la Guerre[/center]

[b]Objet : Mon entretien avec l'Attaché Militaire Allemand.[/b]

J'ai l'honneur de vous faire savoir que l'Attaché Militaire Allemand qui vient de rentrer d'Allemagne s'est présenté et a été reçu par mois aujourd'hui.
Nous avons tenu la conversation suivante :
il m'a d'abord transmis les salutations personnelles du Général Bauschitz et des autres officiers allemands que j'avais connu lors de mon voyage en Allemagne en septembre 1938. Il m'annonça ensuite que :
a) l'Allemagne désire exécuter les commandes que nous avons passées à l'industrie allemande et continuer ses échanges commerciaux avec nous. Les retards qui ont eu lieu ne sont pas dûs à des raisons politiques ni au fait que les matières premières aient été gardées pour les besoins de l'Allemagne. Ce ne sont ni le Ministère des Affaires Étrangères ni le Ministère de la Guerre qui sont responsables de ces retards mais le Ministère des Finances qui avance des raisons financières et surtout de change. C'est la question du transport de ces marchandises qui présente des difficultés à cause du blocus maritime de l'Allemagne et de l'emploi du matériel roulant pour les besoins de l'armée allemande ; le matériel roulant conquis sur la Pologne est presque complètement détruit.
b) il est autorisé à me donner l'assurance qu'une extension de la guerre aux Balkans, due à une initiative allemande, est absolument exclue. L'Allemagne n'a aucun intérêt à se priver des sources de ravitaillement que lui offrent les Balkans et tient par conséquent à conserver la paix dans la péninsule.
Il ajouta aussi, confidentiellement, qu'il tenait du Ministère des Affaires Étrangères que les relations entre l'Allemagne et la Hongrie s'étaient quelque peu tendue ces derniers temps parce que l'Allemagne refusait à soutenir les revendications hongroises sur la Transylvanie.
Je répondis qu'il nous semble en effet que l'Allemagne n'ait aucun intérêt à étendre la guerre aux Balkans, mais qu'on ne peut dire la même chose de la Russie. En tout cas personne ne peut savoir ce qui peut arriver, étant donné que des Anglo-Français interviendront pour soutenir la Roumanie et il se peut que la Bulgarie se mêle aussi aux conflits dans l'espoir de reprendre la Dobroudja. Il me répondit qu'une telle éventualité était considérée comme un probable est que l'Allemagne exercerait toute son influence sur les Soviets pour les en empêcher. Il ajouta que, d'après lui, une telle initiative des Russes étaie exclue surtout après le tour qu'avaient pris les choses en Finlande. Continuant, l'attaché militaire ne cache pas qu'on était inquiet en Allemagne au sujet des concentrations anglo-françaises de Syrie, Palestine, etc. et qu'on y craignait la répétition d'événements semblables à ceux de 1915, c'est-à-dire du débarquement de troupes anglo-françaises soit à Salonique soit en Turquie d'Europe.
Je lui répondis que ces craintes ne se justifiaient pas et que la situation actuelle était complètement différente de celle de 1915. Les Puissances Balkaniques ont annoncé qu'elles suivraient une politique de neutralité tandis qu'en 1915 la Serbie d'abord, puis la Roumanie, étaient avec les Anglo-Français. Les garanties anglo-françaises ne joueraient que si la Roumanie ou la Grèce étaient attaquées et le Traité anglo-franco-turc n'est applicable qu'en cas de conflit en Méditerranée. Il est par conséquent exclu que les Anglo-Français prennent l'initiative d'étendre le conflit au Balkans. Parlant des concentrations de Français en Syrie et ailleurs, je lui ai expliqué que celles-ci ne pouvait pas les inquiéter, car ce ne pouvaient être que des mesures de prévoyance qui leur permettraient de donner à temps l'aide qu'ils avaient promise, si jamais ces garanties étaient appelées à jouer.
Je répétais que les états balkaniques désiraient rester neutres et ne pas être mêlés à la guerre, qui aujourd'hui ne peut être étendue aux Balkans que par le fait de la Russie, du moment qu'il m'assure que l'Allemagne ne disait-il pas prendre une telle initiative.
Il me répéta que nous ne devions pas craindre une agression russe, que l'Allemagne exercerait toute son influence sur les Soviets pour les en détourner et qu'enfin les résultats de la campagne de Finlande rendaient une nouvelle action russe plutôt improbable.
Je lui demandai enfin pourquoi les Allemands, qui n'ont pas de vue sur les Balkans, arment-ils la Bulgarie et surtout en aviation.
Il me répondit que la Bulgarie donne du blé à l'Allemagne et qui reçoit en échange de matériel de guerre parce que c'est tout ce dont l'Allemagne peut disposer en ce moment. L'Allemagne est disposée à agir de même avec nous si la question des échanges commerciaux peut être résolue et surtout si nous pouvons exporter du minerai en Allemagne. Il ajouta que les renseignements que nous avons peut-être, selon lesquelles l'Allemagne aurait cédé récemment 350 avions à la Bulgarie, sont exagérées.
Je lui répondis que les Allemands n'avaient peut-être pas donné 350 avions mais qu'un nombre important d'avions, dépassant la centaine, avait sûrement été donné. Il me dit qu'il s'agissait d'un nombre plus petit encore et d'avions tchèques usagers. J'assistais que les avions étaient plus de 100 et que même si ce n'était pas des avions du dernier type, l'aviation bulgare donnait sensiblement plus forte qu'avant.
Notre entretien se termina sur l'assurance de l'attaché militaire allemand qu'il était autorisé à me déclarer qu'il était de l'intérêt de l'Allemagne d'éviter avec soin toute action qui pourrait avoir comme effet d'étendre la guerre aux Balkans.

Alexandre Papagos
Général de corps d'armée [/i]

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