Bruxelles : de notre correspondante Alexandrine Bouilhet
[19 juillet 2005]
La présidence britannique de l'Union prépare avec grande habileté l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, le 3 octobre. Consciente des risques de dérapage sur la ligne d'arrivée, elle slalome entre les piquets plantés par la France, l'Allemagne et l'Autriche, les trois Etats membres les plus hostiles à l'élargissement d'après un sondage Eurobaromètre publié hier.
Favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Europe, Jack Straw, le chef de la diplomatie britannique, a coupé court, hier, à toute polémique, à l'occasion d'une réunion des ministres des Affaires des Vingt-Cinq à Bruxelles. Le sujet était inscrit à l'ordre du jour. Le commissaire à l'Elargissement, le Finlandais Oli Rhen, présentait aux ministres le cadre des négociations, adopté début juillet par la Commission pour débuter ses pourparlers «d'adhésion» avec la Turquie. «Adhésion» : le mot fatidique a été prononcé plusieurs fois au grand dam des délégations française, allemande et autrichienne, de plus en plus embarrassées par les promesses faites à Ankara. «L'élargissement ne relève pas seulement de la politique étrangère», insistait hier le ministre français, Philippe Douste-Blazy. «c'est aussi et surtout, pour de nombreux citoyens, de la politique intérieure», a ajouté le ministre, confirmant le virage de la diplomatie française sur la Turquie depuis le non au référendum. Deux autres ministres européens ont pris la parole, hier, contre la Turquie : l'Autrichienne, Ursula Plasnik, et son homologue chypriote, tous deux interrompus par Jack Straw. Le chef de la diplomatie chypriote a eu le temps de répéter son opposition à tout progrès tant qu'Ankara n'aura pas reconnu officiellement la République de Chypre, seule précondition restante pour l'ouverture des négociations le 3 octobre. Devancé par le ministre autrichien des Finances, qui a réclamé hier un «ajournement des pourparlers» avec la Turquie, le chef de la diplomatie autrichienne, Ursula Plasnik, a répété les réticences de Vienne.
Prétextant un ordre du jour chargé concernant le Proche-Orient et l'Afrique, Straw a invité les ministres à reparler de tout cela le 3 septembre. Les Britanniques jouent la montre. Alors que le 3 octobre approche, ils refusent d'entrer dans une discussion de fond sur «l'avantage stratégique» de faire entrer la Turquie dans l'Union. Il fut un temps où le terrorisme islamique était un argument en faveur de l'intégration de cet immense pays musulman mais laïque, en proie lui aussi aux attentats kamikazes. Straw s'en est tenu à la procédure sans aborder le fond du sujet. «L'intérêt stratégique de l'Europe, c'est d'avoir la Turquie dans l'Union, a-t-il indiqué. Mais nous sommes conscients des problèmes d'opinion publique dans plusieurs Etats membres.»