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De Syra à Smyrne, suite du voyage de Basterot.

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Soumis par Thomas Efthymiou le

[i] A trois heures, nous sommes en route et nous laissons bientôt derrière nous les côtes jaunes et brûlées de Syra. La mer est admirable, et rien ne peut égaler la splendeur lumineuse du ciel. Dans cette belle soirée d'automne, j'éprouve le même sentiment que le jour déjà lointain où je voguais sous le Sunium.

[center]Tu les as traversés, ô jeune Alcibiades,
Ces flots de l'Archipel que couronne Naxos,
Tu les as traversés au bruit des .sérénades,
De tes bruns mariniers fascinés par Éros.
Au printemps de ta vie, au milieu des Cyclades,
Tu suivais les exploits des antiques héros,
Dont les traits vénérés ornent ces colonnades,
Où brillent dans la nuit les marbres de Paros.
Et la mer tressaillait comme aujourd'hui; le monde
Saluait la beauté, cette essence de Dieu;
La jeunesse et l'amour soufflaient dans le ciel bleu
Le Triton reposait dans la grotte profonde,
Et la nymphe au sein nu, pensive près du bord,
Secouait au soleil, sa chevelure d'or.[/center]

23 mai 1867
Quand on voit la pureté de ce ciel, la limpidité de ces flots, l'harmonie générale des contours, le mythe de la Vénus Anadyomëne se dévoile aux regards charmés, et l'on comprend que c'est ici, sur ces vagues brillantes, que devait naître la beauté. Tinos est à notre gauche, douce, gracieuse, beaucoup moins stérile que les autres Cyclades. Ses riants villages, entourés de bois, blanchissent sur les flancs de l'île.

[center]Étincelle de cette flamme divine
Qui éclaire, mais ne chauffe plus la terre qu'elle aimait.
Patrie de ces héros éternrllement présents à notre mémoire
Dont le souvenir est indélébile,
Dont le sol, depuis la plaine jusqu'aux cavernes de la montagne,
Etait l'asile de la liberté ou le tombeau de la gloire
Sanctuaire de la grandeur humaine, se peut-il
Que voici tout ce qui reste de toi?[/center]

Près de la mer est la capitale, avec les coupoles de sa vaste église, sous le vocable de la Reine des Evangélistes. C'est le sanctuaire le plus vénéré de l’Archipel. Les malades y accourent de toutes les parties de la Grèce. Nous avons à bord une pauvre femme qui vient de le visiter. Elle est devenue folle de terreur pendant le dernier incendie de Smyrne.
A notre droite est l’ile basse de Délos, puis Myconie; plus loin on aperçoit Paros et la silhouette rosée de Naxos où le jeune Bacchus consola Ariane abandonnée.
Que de souvenirs! Chaque rocher de ces mers soleilleuses retrace à l'esprit mille songes charmants. Que d'espaces énormes, au contraire, qui ne laissent aucune trace dans l'histoire! Un îlot des Cyclades a eu plus d'importance dans l'humanité que les immensités de l'Afrique australe et que tout ce vaste pays abruti par le despotisme russe qui va de la Vistule au détroit de Behring

CHAPITRE II.
SMYRNE. ALEXANDRETTE. BEYROUTH.
Smyrne.– La ville turque. -Le peuple turc. Pathmos. Rhodes. La propreté anglaise. Les voyageurs romains. Germanicus. La Cilicie. Sardanapale.- Bataille d'Issus.- Le patriarche du Liban.- Latakyeh. Tripoli. Beyrouth. La veuve de Sarepta. Hérode et ses fils. Drogman et hamma!s. Deir el Kamar.

24 SEPTEMBRE. A la pointe du jour nous arrivons à Smyrne, où l’Eridan va s'arrêter quarante-huit heures. Nous descendons immédiatement à terre et nous sommes bientôt en route pour le pont des Caravanes, montés sur de petits ânes qui sont loin d'égaler les baudets fringants du Caire.
Le pont des Caravanes est un site trop vanté mais c'était le premier point de l'Orient que voyaient jadis les voyageurs, et ce premier regard est toujours féerique. En outre le commerce de Smyrne avait beaucoup plus d'importance autrefois; cependant il y a en ce moment une reprise dans les affaires, et la ville me paraît bien plus riche et bien plus vivante qu'en 1861.
Ce matin le pont des Caravanes est très-animé et présente les types variés, les couleurs éclatantes de l'Orient. Les longues files de chameaux bien harnachés avec leurs conducteurs, grands gaillards aux figures énergiques, bronzées par le soleil, les hammals turcs beaux et vigoureux, portant sans sourciller des poids énormes, les cafés grecs avec leurs jeunes musiciens vêtus d'étoffes brillantes, et passant à âne, silencieuses et voilées, les femmes musulmanes suivies de leurs esclaves noirs.
Dans l’après-midi nous montons au Pagus, haute colline qui domine Smyrne et sur laquelle s'élevait probablement la cité antique; elle est maintenant couronnée par les murailles et les tours d'un vieux château génois élevé à l’époque de l'empire latin de Constantinople. La vue est vaste, les horizons lointains se fondent insensiblement dans le ciel. Il y a dans la nature une sorte de mollesse perfide. On devine l'Ionie. Sur les pentes du mont Pagus est le quartier des courtisanes; ce sont de petites maisons carrées avec des terrasses, les portes sont ouvertes, et il en sort les sons bizarres et pénétrants de la musique orientale on aperçoit quelque jeune Lévantin vêtu de soie, à la démarche indolente ou quelque soldat albanais avec son arsenal de pistolets et de poignards à la ceinture. Plus loin un cimetière, de grands cyprès, puis la ville turque avec ses platanes, ses cafés sous les treilles d'où pendent dé belles grappes, ses maisons sans bruit, hermétiquement fermées aux regards curieux. C'est bien ce pays de beauté et d'enivrements, de mystère et de crimes que d'autres ont mieux décrit..

[center]Know ye the land where the cypress and myrtie
Are emblems of deeds that are done in their clime,
Where the rage of the vulture, the love of the turtle,
Now melt into sorrow, now madden to crime?
Know ye theland of the cedar and vine,
Where the flowers ever blossom, the beams ever shine;
Where the tints of the earth, and the hues of the sky,
In colour though varîed, in beauty may vie,
Where thé virgins are soft as tbe roses they twine,
And ait, save the spirit of man, is divine?
'Tis the clime of the East; 'tis the land of the sun.
Byron.[/center] [/i]

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