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Dans "Le Point", cette semaine: Chypre, perle d'Aphrodite

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ypre, perle d'Aphrodite

Entre Europe et Asie, Chypre regorge de trésors archéologiques et de villages d'un autre temps.

Claire Meynial

Sacrée Aphrodite ! D'après la légende, la déesse de l'Amour naquit de l'écume de la Méditerranée, près des côtes chypriotes. Cette croqueuse d'amants avait du goût : des plages, des vignes, des oliviers, 25 °C jusqu'en novembre... Chypre était un joli berceau. La belle ne fut pas la seule à convoiter cette perle : Grecs, Egyptiens, Perses, Romains, Byzantins, Francs, Vénitiens, Anglais, Turcs... se succédèrent pour l'envahir. De quoi s'étonner que les Chypriotes soient si accueillants. A moins que la présence des étrangers ne leur soit devenue familière ? Aux confins de l'Europe et du Proche-Orient, l'île cultive ses origines complexes.

Grecque, elle l'est sans doute : à Nicosie, la capitale, les hommes, attablés aux terrasses, tripotent leur kumboloi, ce curieux chapelet qui n'en est pas un, en jouant au jacquet. Comme dans un village du Péloponnèse. Mais soudain retentit le muezzin. L'appel à la prière s'enfle, de l'autre côté de la ligne verte, qui délimite la « partie occupée » par la Turquie, dans l'indifférence générale. Pourtant, le sujet est délicat. « Si vous demandez un café turc, ici, on vous donnera un verre d'eau froide », plaisante à moitié Rolande, la guide. Ce café serré, cuit sur du sable, est un café grec, qu'on se le dise. Du onzième étage de la tour de Ledra, on aperçoit les remparts en étoile de la vieille ville et, au-delà des miradors, la cathédrale gothique Sainte-Sophie. Affublée de deux minarets, elle a été transformée en mosquée où trônent les drapeaux turc et chypriote turc.

Ainsi va Chypre, double et cosmopolite, à l'image de sa capitale que les touristes visitent à la journée. Ils dorment sur la côte, à Limassol ou à Paphos. C'est là, près d'un rocher, qu'Aphrodite émergea des flots, suscitant un culte fervent... et un puissant argument marketing. Boîtes de loukoums, rallyes motos au profit des orphelins, route culturelle thématique... elle est partout. Posé dans l'eau turquoise, le roc mythique surveille les touristes qui se baignent à ses pieds.

Au bout de la route côtière, sur le port de Paphos, on s'offre la merveille archéologique de l'île : les mosaïques de trois villas romaines. Où l'on découvre, dans la maison de Dionysos, que Shakespeare n'avait rien inventé : bien avant Roméo et Juliette, Pyrame et Thisbé, à Babylone, s'aimèrent contre la volonté de leurs parents. On s'en doute, l'histoire finit mal. Scènes mythologiques de banquet sont si bien conservées qu'avec un peu d'imagination on se projette au IV e siècle av. J.-C. Pour un peu, on ferait un tour au tepidarium, au caldarium puis au frigidarium, les bains dont les canalisations ont résisté au temps. Les Romains, avant les resorts, avaient imaginé le spa. A Kourion, site gréco-romain perché au-dessus de la mer, un certain Eustolios fit même construire des bains pour son village. L'emplacement du site, sur sa falaise, semble choisi pour que la pierre dorée se détache sur le fond bleu marine de la Méditerranée.

La comparaison entre ces constructions raffinées et, à quelques kilomètres, un donjon de chevaliers ne joue pas en faveur du second. Murs épais, lignes austères. Mais Kolossi est le lieu de naissance de la commandaria, ce vin rouge doux et sucré dont les Chypriotes sont si fiers. « En 1223, le roi de France organisa une dégustation et élut le vin de Chypre le meilleur de tous », souligne, narquois, Pambos Papadopoulos, directeur du musée du Vin de Chypre. Avant d'ajouter, triomphant : « On a la preuve que les premiers ceps de vigne qui donnèrent du champagne, en France, provenaient de pieds chypriotes. » On sourit poliment, en sirotant le verre offert.

La vigne gravit les pentes du massif du Troodos, dont le sommet - l'Olympe, pourquoi faire compliqué ? - culmine à 1 950 mètres. Sur les versants escarpés, ce sont des ânes qui portent les grappes. « Cela fait cinq ans que je ne travaille plus à la vigne », explique Georgia Despina. Georgia a 84 ans. Assise à l'ombre des arcades qui bordent l'église du village d'Omodos, elle brode des napperons. « Ma tante m'a appris la dentelle à 8 ans », dit-elle. A-t-elle modifié les patrons ? « Non, ils sont bien ainsi. Je suis bien ainsi, d'ailleurs, c'est ma vie », répond-elle, faisant allusion au rythme du village, fait de labeur et de simplicité. C'est ici, dans les hauteurs de Chypre, que l'on déguste les meilleurs plats, que l'on rencontre les habitants et artisans.Comme Theofanis Pilavakis, au village de Fini, dont la famille a toujours fabriqué des jarres. On s'en servait pour stocker le vin et... comme sauna. La femme, après l'accouchement, s'asseyait dans une jarre où l'on avait fait un feu, recouvert d'eau. On la baignait, avant de l'enrouler dans des linges. « En quarante jours, les muscles se rétablissaient », assure Theophanis qui, à 70 ans, a l'air de s'y connaître.

On fera aussi dans le Troodos de belles excursions, comme celle des chutes Kaledonia, à 3 kilomètres à peine de Platres. Surtout, le massif est truffé de chapelles byzantines ornées de fresques. Ainsi Saint-Nicolas-du-Toit offre-t-elle une représentation inédite de la Vierge allaitant l'Enfant. Plus loin, au monastère de Kykkos, les pèlerins se recueillent devant une Vierge, attribuée à saint Luc. Comment en être sûr ? L'icône, depuis le XIe siècle, est cachée par un drap de velours. On suppose qu'elle ressemble à une autre, à Saint-Pétersbourg.

Les amateurs de plage se dirigeront vers le nord-ouest de l'île, à Polis, une côte restée sauvage. La péninsule d'Akamas y plonge dans l'eau, pleine de promesses de randonnées. La plus connue part d'une grotte, les Bains d'Aphrodite. Son nom ? Le Chemin d'Aphrodite...

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