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Coup d'oeil sur la dernière insurrection des Grecs, in Beautés de l'histoire de la Grèce moderne, et récits et faits mémorables des Hellènes, depuis 1770, de Mme Dufrénoy, 1825. (suite 7)

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Soumis par efthymiouthomas le

[i] [center] [u][b]Divers avantages remportés par les Grecs ;
Prise de Patras ; insurrection de Samos ; héroïsme de Bolbina.[/b][/u] [/center]

Tandis que les divisions des primats de la Grèce réunis à Argos, menaçaient de mettre en péril la chose publique, la Morée, l'Attique, la Macédoine, l'Épire, la Thessalie voyaient ses peuples combattre avec valeur pour la cause de l'indépendance. Ali Pacha servait l'insurrection dans le but d'affaiblir les Turcs et de conserver son propre pouvoir. Ali envoyait des émissaires et de l'argent en Servie, faisait en secret soulever les Souliotes, de manière que les troupes de Chourchid-pacha furent mises en déroute dans la Livadie et ne purent la Thessalie ou l'Albanie turque, et qu'elles périrent presque toutes sans que les Grecs essuyassent de grandes pertes. Une armée d'Étoliens commandée par un notable du pays, nommé Iorgos, remporta les mêmes succès, contre Assan-pacha, que les Souliotes contre les lieutenants de Chourchid; Assan avait envoyé la moitié de son armée, ayant à la tête Omer-pacha, contre l'armée grecque de Patras ; les deux corps se composaient de huit mille hommes : le premier corps fut taillé en pièces et Assan périt. La division d'Omer-pacha, harcelée par les partis ennemis, se trouvera détruite partiellement, et il sauva à peine cinq cents hommes qui se réfugièrent avec lui dans la place de Corinthe. Ainsi les Grecs anéantirent dans le même temps, et presque sans combattre, trois armées ottomanes.

Animés par leur succès, et forts de la justice de leur cause autant que de nombreux soldat qui leur arrivaient continuellement de tous les points de l'Archipel, ils résolurent d'assiéger Tripolitza, capitale de la Morée et résidence du pacha de la province. La garnison de Tripolitza était de quinze mille Turcs, tant de la Morée que d'Albanie. Ces troupes faisaient des excursions dans les pays voisins et nuisaient aux opérations des corps d'armées grecques ; un chef de ces corps, Colotroni [sic], donna un assaut général à la ville ; repoussé, il ne se découragea point et la bloqua de toutes parts. Les barbares se trouvèrent enfermés et ne purent nuire à ces Hellènes qui pressaient Malvoisie. Le bey de Corinthe, deux pachas, six agas, s'étaient enfermés avec leurs trésors à Tripolitza ; ils ne devaient plus en sortir. Une grande partie des côtes de l'ancienne Grèce, Coron, Modon en Messénie, tantôt prises et reprises, voyaient leurs citadelles servir toujours de refuge aux Turcs ; les deux Naples de Malvoisie et de Romanie résistaient toujours, quoi que assiégées depuis plusieurs mois ; Patras bravait les efforts de la population voisine et ne parut un moment accablée que pour se relever avec une plus vive ardeur. La garnison, de huit mille Turcs seulement, fit des prodiges de valeur et se conduisit avec une rare prudence. Elle résista aux troupes de Germano, chef grec, qui campait devant Patras, du côté de la mer, et à la division de la flotte d'Idras, qui vint attaquer les forts. Le gouverneur de Corinthe envoya quelques troupes au secours de Patras, mais Germano les attaqua et les tailla en pièces; il n'en échappa pas un seul homme. Le chef de Patras avait fait une sortie pour défendre les Corinthiens ; repoussés avec une perte considérable, il rentra précipitamment dans la ville. Quelques Grecs y entrèrent avec eux et payèrent de leur vie leur courage téméraire. Les Turcs demandaient à grands cris de faire une seconde sortie ; le commandant s'y refusa. La nuit vint au secours de sa prudence ; Germano l'employa à concerter avec ses lieutenants une attaque générale pour le lendemain.

Tandis que les Turcs transportaient les femmes, les enfants et les richesses dans la citadelle de Patras, les Hellènes se préparaient à marcher de nouveau à la victoire. Les colonnes chrétiennes s'avancent contre Patras, au son d'un grand nombre d'instruments, qui accompagnent les chants d'hymnes patriotiques. Le canon de l'ennemi porte la mort dans les rangs des Grecs, ils s'élancent avec rapidité contre les portes de Patras ; Germano, à la tête d'un corps d'Arcadiens, pénètre le premier dans la ville ; toute son armée le suit. Alors les Grecs et les Turcs se battent corps à corps dans les rues ; l'opiniâtreté des Turcs ne le cède point à la valeur de leurs ennemis ; chaque maison se transforme en une forteresse, d'où les Ottomans font pleuvoir sur les Grecs une grêle de balles ; enfin, forcés sur tous les points, les Turcs abandonnent une ville qui n'offre plus aux yeux qu'un cimetière immense. L'aga et le reste de la garnison se retranchent dans la citadelle, que les Grecs n'osent pas encore attaquer ; enthousiasmés de leur victoire, les Grecs passent la nuit dans la joie ; mais tandis qu'ils s'y livrent avec sécurité, les Turcs fondent sur eux et les mettent en déroute. Germano, ne pouvant rallier son armée, se retire après avoir fait mettre le feu à la ville ; la garnison renfermée dans la citadelle y brava encore longtemps des efforts des indépendants.

L'île de Samos, peuplée de Grecs cultivateurs, au nombre d'environ quarante mille, lève l'étendard de l'insurrection ; les excès commis sur les Grecs se renouvellent dans Constantinople et dans tout l'empire ; les Samiens proclament leur réunion à la cause commune ; le cadi de Samos et ses satellites sont mis en pièces ; le peuple, toujours aveugle et cruel dans sa vengeance, immole quelques Turcs, que des spéculations de commerce avaient amené dans l'île. Les Samiens, libres du joug, font retentir les action de grâces dans toutes leurs églises.

On établit un conseil d'anciens pour le gouvernement de l'île ; des députés sont envoyés à Ipsara, pour y faire part de la révolution opérée à Samos ; les agents européens, presque tous grecs, sacrifient leurs intérêts à ceux de la patrie. Deux jours suffisent pour former un corps de plus de six mille hommes, déterminés à vaincre ou à périr. Il manquait de munitions de guerre et d'artillerie ; mais sa position inaccessible la défendait contre les sièges et contre les invasions, et bientôt une flotte d'Ipsara la pourvut de canons, de poudre et de boulets. Un des chefs enseigna aux insulaires la tactique européenne, et dans un court espace de temps, la force armée de Samos s'éleva à dix mille hommes parfaitement instruits et disciplinés. Un nombreux considérable de proscrits de diverses provinces de la Grèce vint chercher un refuge à Samos ; la disette affligea cette terre de salut ; mais Ipsara, Hydra, vinrent à son secours. Les préparatifs formidables de la Porte contre Samos épouvantèrent un grand nombre de proscrits qui s'y étaient réfugiés ; on transporta dans les îles voisines les femmes, les enfants et les vieillards, et il ne resta plus dans l'île que ceux en état de la défendre. On entoura Vathi de fortifications propres à braver l'avantage des vaisseaux ottomans.

La sagesse et la modération de l'évêque, l'exemple de ses vertus empêchèrent que la discorde troubla l'île. Aucune violence ne s'y commit, à l'exception de celles qu'on ne put arrêter contre les Turcs. Les Samiens comptaient alors vingt mille hommes de troupe ; ils résolurent de ne point attendre les Ottomans, et d'aller les combattre chez eux. Une première expédition favorable les engagea à en préparer d'autres : mais il flétrirent leur victoire par leur barbarie. Un nombre considérable de troupes ottomanes s'arma tout à coup pour couper la retraite aux insulaires. Leur adresse et leur agilité les sauvèrent de leurs ennemis, qui se vengèrent de leur désastre sur les autres Grecs, principalement sur ceux d'Échelle-Neuve.

Vers ce même temps, les Samiens reçurent de l'Europe des munitions de guerre et des armes de toute espèce ; leurs vaisseaux couvrirent l'Archipel, et le pavillon ottoman n'osait plus paraître sur cette mer. Le grand-seigneur expédia une escadre considérable, avec laquelle il crut imposer aux Samiens ; mais elle se composait d'hommes inhabiles et de divers pays ; elle essuya les plus grands revers au moment même où chacun des barbares qui la formaient, calculait, avec une joie féroce, le nombre de têtes qu'il aurait le plaisir d'abattre. Toutefois, ils n'eurent pas doublé le cap Sigée, que la marche supérieure des petits navires samiens et leurs diverses évolutions les saisirent de terreur. Arrivée devant l'île de Mitéla, l'escadre turque, qui s'était montrée si orgueilleuse de sa force, entra précipitamment dans la rade, sans oser même tirer un seul coup sur l'ennemi qui les suivait.

Les Hydriotes, au contraire, résolurent avec leurs frêles navires de s'essayer contre les citadelles flottantes des Turcs. Ils comptaient sur leur adresse et sur leur courage, pour devoir le triomphe à la plus légère faute de l'ennemi, ou dans une occasion favorable présentée par la fortune. Les uns combattaient pour la liberté, les autres pour soutenir le pouvoir d'un despote : l'issue ne devait pas être incertaine ; l'enthousiasme des insulaires étaie porté au plus haut point. Une héroïne sortit de leur sein.

[center] [b][center]Bolbina [sic, en fait Bouboulína].[/center][/b] [/center]
Le grand-seigneur avait, sous de vains prétextes, fait immoler l'époux de Bolbina ; cette femme encore plus distinguée par son caractère que par sa noble naissance, nourrissait une juste haine contre le barbare sultan. Maîtresse d' fortune considérable, mère de plusieurs enfants, elle pleurait depuis neuf années la perte de son époux, lorsque la révolution éclata. L'espoir de la vengeance ranime son âme. Elle arme et équipe à ses frais trois vaisseaux, et va combattre parmi les capitaines de la flotte. Les périls de la guerre, ceux de la navigation, les fatigues inséparables de la campagne, rien ne l'arrête. Elle-même prend le commandement d'un de ses vaisseaux, emmène avec elle ses fils encore jeunes, et leur dit en s'embarquant : « Mes enfants, les barbares que nous allons combattre ont assassiné votre malheureux père ; vous devez, comme moi, venger sa mort. » Bolbina montra toujours la premier l'exemple de l'obéissance de l'intrépidité. La discipline la plus sévère régnait sur ses vaisseaux, que la belle tenue de l'équipage faisait remarquer. La Grèce admira son ressentiment généreux, et la postérité la passera sans doute au rang des actions sublimes. [/i]

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