(AFP - 24/06/2008)
La Turquie, jugée responsable de la mort de deux manifestants chypriotes-grecs, tués à Nicosie par des contre-manifestants et des policiers chypriotes-turcs, a été sévèrement condamnée mardi par la Cour européenne des droits de l'Homme.
Les 12 membres de la famille proche de ces deux manifestants, décédés en août 1996, recevront un total de 315.000 euros pour dommage moral, a décidé la Cour.
Le 11 août 1996, Anastasios Isaak, qui participait à une manifestation organisée par l'Automobile Club chypriote contre l'occupation du nord de l'île par les forces turques, se trouvait dans le "no man's land" séparant les parties grecque et turque de Nicosie lorsqu'il a été pris à partie par un groupe d'une vingtaine de contre-manifestants chypriotes turcs qui l'ont bourré de coups de pied et frappé à coups de bâton en bois et en métal.
Des photos et enregistrements vidéo d'une grande agence internationale ont prouvé la véracité de la version des familles plaignantes, contestée par la Turquie.
Ces documents ont montré que huit policiers chypriotes-turcs avaient observé ce passage à tabac sans intervenir. Lorsque des forces de l'ONU sont finalement intervenues, Anastasios Isaak gisait sur le sol et n'a pu être ranimé.
Solomos Solomou est mort trois jours plus tard, alors qu'il était venu assister aux obsèques organisées pour Isaak. Il pénétra dans le no man's land, grimpa sur un mât où flottait le drapeau turc, et fut alors abattu par cinq balles tirées par les forces turques.
La Turquie, encore une fois, invoqua des affrontements entre manifestants et contre-manifestants, mais les plaignants, le gouvernement chypriote-grec et les forces de l'ONU sur place indiquèrent que les cinq balles avaient été tirées par deux hommes en uniformes turcs.
Dans son arrêt, la Cour européenne estime qu'"il n'y a aucune raison de douter de l'indépendance ni de la fiabilité" des sources qui accusent les autorités turques, d'autant plus qu'il existe des preuves photographiées et filmées des homicides.
La mort de ces deux personnes était d'autant moins justifiable que ni l'une ni l'autre n'était armée, elles n'attaquaient personne et il n'y avait aucun risque qu'elles prennent la fuite, soulignent encore les juges.
Dans ce même arrêt, la Turquie est jugée coupable de ne pas avoir diligenté une enquête efficace pour punir les coupables. "Plus de 11 ans après les faits, les autorités n'ont pas indiqué qu'elles avaient identifié et jugé les responsables des décès", déplorent les juges de Strasbourg.