Enquête: [b]Chypre, terminus européen pour migrants[/b]
Ni John le Nigérian, ni Léon le Malien, pas plus que Natalia et Elena, venues d'Ukraine, ne s'attendaient à cela. "Ce n'est pas l'Europe qu'on imaginait", lâche Léon, attablé au fond d'un café, dans la partie sud de la vieille ville de Nicosie. Comme beaucoup, Léon s'est trompé. En arrivant ici, il pensait trouver portes ouvertes dans le reste de l'Union européenne. Mais si la partie grecque de l'île divisée de Chypre est effectivement entrée dans l'Europe en 2004, ce n'est qu'en 2008 qu'elle signera son entrée dans l'espace ouvert, dit "de Schengen". En attendant que les frontières s'ouvrent, Chypre est devenu le cul-de-sac de l'immigration dans l'Union.
Ce matin, depuis 6 heures, John et Léon font le pied de grue à un carrefour, près du boulevard Salaminos. D'autres Africains et trois ou quatre Asiatiques font de même. Tous attendent qu'une fourgonnette s'arrête et les embarque pour la journée. Chantier, peinture, déchargement de camion : tout job est bon à prendre. "On ne pensait pas que ce serait si dur", dit John. Pour manger, les deux demandeurs d'asile font les fins de marché. Avant de s'installer en ville, le Nigérian a essayé de faire son trou à la campagne, en vain. "Hé Mavro, go ! go ! (Hé le Noir, va-t'en ! va-t'en !) C'est tout ce qu'ils savent dire. Pour travailler aux champs, ils préfèrent les Turcs ou les Indiens des gens à la peau claire, soupire-t-il. Nous, les Noirs, on nous repère de loin."
Natalia et Elena (prénoms d'emprunt) ont eu moins de chance encore. A 22 ans, elles aussi, avec leurs cheveux blonds et leurs yeux bleu glacier sont vite remarquées. Engagées sous contrat comme "artistes de cabaret", permis de travail et visa à la clé, elles se sont réveillées un soir, prostituées dans un dancing de Limassol, sur la côte Sud. Une nuit, les deux filles se sont échappées. Leur rêve d'Europe est mort ici, mais elles vont rester : pas question de regagner l'Ukraine.
Pas question non plus pour John et Léon, de retourner en Afrique. Lenteur des procédures oblige, les deux ex-clandestins, dotés de permis de séjour, ont quelques mois devant eux avant que leur demande d'asile soit probablement rejetée. Leur hantise ? Etre renvoyés côté turc, au-delà de la "ligne verte", la ligne de démarcation qui coupe l'île de Chypre (et Nicosie) en deux depuis 1974.
Comme l'immense majorité des irréguliers, John et Léon sont arrivés par le Nord. Là-bas, en République turque de Chypre du Nord (reconnue comme telle par la seule Turquie), les hors-la-loi ne risquent rien. Jusqu'à un certain point. Bordels et casinos fleurissent, mais le droit d'asile n'existe pas. "S'il se fait prendre, le sans-papiers passe trois à six mois en prison, avant d'être expulsé", explique Mete Hatay, chercheur-consultant auprès de l'ONG norvégienne Peace research institute, Oslo (PRIO). A l'évocation des bordels du Nord, les visages d'Elena et de Natalia se figent.
Membre de l'Union européenne depuis mai 2004, la république de Chypre, celle du Sud, attire un flot d'étrangers travailleurs turcs de Chypre Nord, entrepreneurs européens, mais aussi émigrés de Syrie, d'Iran ou d'Irak, des Philippines, d'Inde, de Chine ou du Sri Lanka, sans oublier les pays musulmans d'Afrique, dont les ressortissants, peu nombreux, obtiennent un visa turc à Tripoli (Libye), ce qui leur permet de gagner légalement Ankara, puis Chypre Nord, avant de franchir la "ligne verte" et d'entrer en Europe. "Sur une population de 740 000 habitants, résume le ministre chypriote de la justice, Doros Theodorou, nous comptons environ 150 000 étrangers : un gros tiers est ici légalement, un autre tiers illégalement, le dernier est constitué de gens des autres pays de l'UE. Au total, les étrangers représentent un cinquième de la population et presque un quart des actifs." A l'instar de ses homologues maltais, le ministre se plaint de la montée en flèche du nombre des demandeurs d'asile. Ils n'étaient pas plus de 200 en 2002. En 2004, ils étaient 9 300, chiffre à peine stabilisé en 2005, avec une estimation à 8 000. En proportion des habitants, c'est le nombre de demandeurs d'asile le plus haut d'Europe.
A peine 2 % parviennent à obtenir un statut de réfugiés (contre 5 % à Malte). Les autres peuvent faire appel. "Si leur appel est rejeté, on les chasse", affirme Doros Theodorou. En 2004, 2 800 étrangers ont ainsi été expulsés. Il devrait en être de même en 2005, si l'on en croit les projections de fin octobre. En 2006, les choses iront probablement plus vite : un projet de loi du ministère de la justice va être soumis au Parlement pour réduire drastiquement les délais de procédure pour les demandes d'asile, estimés aujourd'hui à deux ans et huit mois en moyenne. "L'idéal serait de ramener l'examen du dossier en première instance à une ou deux semaines", estime M. Theodorou.
Selon lui, "98 % des demandes d'asile sont dénuées de fondement". En clair, Léon et John ont très peu de chance de passer à travers les mailles du filet. A moins qu'ils réussissent, comme tant d'autres, à disparaître dans la nature.
"Contrairement à Malte, l'économie de Chypre est en pleine expansion, estime le rédacteur en chef du quotidien anglophone Cyprus Mail, Kosta Pavlowitch. Le pays a besoin de main-d'oeuvre et reste capable d'absorber au moins une partie des nouveaux arrivants." Le développement des compagnies offshore, l'explosion du bâtiment et de l'industrie touristique ont marqué, au lendemain de la guerre de 1974 et de la partition, le décollage économique fulgurant de la partie sud de l'île.
Pour les Chypriotes grecs, qui, il y a vingt ans encore, vivaient quasiment à huis clos et émigraient en masse, cet afflux de sang neuf "est une révolution", souligne le journaliste, lui-même émigré de Serbie. Une "révolution" avec ses limites, ses clivages et ses paradoxes. "Les Chypriotes ont réussi à avoir la plus forte concentration de travailleurs étrangers en Europe, sans jamais se poser la question de l'intégration. Comme s'ils avaient exclu dès le départ, l'idée que ces étrangers puissent avoir envie de s'établir", constate-t-il encore.
Ainsi les milliers de Chypriotes turcs qui, chaque matin, passent la "ligne verte" pour travailler au Sud, reprennent chaque soir le chemin du Nord. Le permis de travail pour les étrangers hors UE est renouvelable chaque année, mais il a une durée maximale de quatre ans. "Ce qui prive les travailleurs étrangers de l'accès à la citoyenneté [possible après cinq ans de résidence] et permet de reproduire à leur encontre un schéma de précarité et d'exclusion", relève la juriste Corina Demetriou. "Chypre commence à ressembler aux pays du Golfe", remarque Mete Hatay, évoquant ces Etats arabes où les immigrés sont souvent seuls, ou presque, à travailler les riches autochtones empochant les dividendes.
Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06
quand ils dit "Ainsi les milliers de Chypriotes turcs qui, chaque matin, passent la "ligne verte" pour travailler au Sud, reprennent chaque soir le chemin du Nord. Le permis de travail pour les étrangers hors UE est renouvelable chaque année, mais il a une durée maximale de quatre ans." ca n'a rien à vir avec l'mmigration
les chypriotes turcs ont parfaitement le droit de s'établir dans le sud
ET ILS SONT CITOYENS CHYPRIOTES!!!!!!
ils n'ont besoin d'aucun permis!!
c'est incroyable l'ignorence crasse d'un journaliste censé informer les gens!
En réponse à Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06 par ak
Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06
as tu écrit au Monde à ce sujet ? ça peut leur faire du bien qu'on leur redresse les bretelles de temps en temps ..
En réponse à Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06 par ak
Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06
Es que dans les mots riches autoctonnes sont copris les armateurs etrangées et la mafia Russe qu'ils blanchissent l'argent dans ce beau pays d'Aphrodite sans controlle d'aucune sorte des autoritées qu'au passage touchent un petit poucentage sans vergogne aucune???.Mais un journaliste d'origine serbe sait il cela? Ou fait il semblant de ne rien savoir comme tout les chypriottes???
En réponse à Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06 par DALI
Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06
Ce journal n'est pas neutre et honnête envers l'hellénisme. Son philoturquisme est perçu par la plupart des lecteurs ayant un fond de sensibilité ou de mémoire de ce qui s'est passé là-bas.
Une des petites vilenies de la page rapportée: la légende de la photographie montrant la statue en pieds de Makarios. On écrit le "héros national" (pourquoi mettre entre guillemets le nom de cet ethnarque, qui subit l'exil, le retour dans son île, une tentative de renversement et d'assassinat? Et dire qu'à l'époque des colonels, il était le seul homme politique de l'hellénisme élu démocratiquement et de stature internationale...
En réponse à Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06 par gisèle
réponse à gisele : l'idéologie du monde
http://actuchypre.blogspot.com
le monde se fiche totalement des opinions divergentes sur chypre, pour l'instant en tout cas
ce qui compte aujourd'hui pour le monde c'est l'idéologie du mondialisme et du laicisme, qui doit conduire à favoriser l'image de la turquie en tant que pays msulman frappant aux portes de l'europe (peu importe si seul l'islam sunnite est enseigné à l'école, si la religion est sur les cartes d'identité turques ce pour quoi la grèce avait été si critiquée quand c'était le cas en grèce, peu importe si des pays musulmans pourtnt dictatoriaux comme la Syrie ont encore 10% de crhétiens quand la turquie soit disant laique n'en a plus qu'une poignée, peu importe si les turcs ont transformé en mosquées la plupart des églises du nord de chypre, peu importe si c'est le militarisme kémaliste qui domine dans les élites turques); ce qui compte ce n'est pas que la turquie soit laique mais qu'elle se proclame laique; les mots, les idées, c'est ce qui compte pour le monde plus que la réalité tangible
tout doit tendre à justifier cette idéologie : l'analyse de l'histoire, l'analyse de l'actualité, le choix des sujets
En réponse à Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06 par Th. Efthymiou
Re: Chypre, article dans "le Monde", daté du 13 I 06
à l'époque des colonels, Makarios étit le seul chef politique grec capable d'aider efficacement les opposants à la dictature
il faut rappeler que ce sont les chypriotes qui ont fourni à l'opposant Panagoulis les explosifs avec lesqels il a commis l'attentat manqué contre les colonels
les politiques grecs de grèce exilés à paris n'apportaient qu'un soutien verbal, certes important
mais l'histoire récente de chypre est foulée aux pieds
il ne faut pas s'étonner