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Basterot, 27 septembre, Rhodes et au long des côtes d'Ionie-Asie mineure

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Soumis par Thomas Efthymiou le

[i] 27 SEPTEMBRE. Nous avons passé dans la nuit Samos. L'île consacrée à Junon, avec ses souvenirs de Pythagore et des conquêtes de Périclès, et Pathmos, où saint Jean exilé sur un rocher aride écrivit cette révélation qui respire une haine si ardente contre les cruautés et les lubricités de la grande et impitoyable Rome.

[center]1. Et un des sept anges qui portaient les sept coupes vint, et il me parla, disant Viens, je te montrerai la condamnation de la grande prostituée qui est assise sur les grandes eaux.
2. Avec laquelle les rois de la terre se sont corrompus, et les habitants de la terre se sont enivré du vin de sa prostitution.
3. Et il me transporta en esprit dans le désert, et je vis une femme assise sur une bête de couleur d'écarlate, pleine de noms de blasphèmes, laquelle avait sept têtes et dix cornes.
4. Et la femme était vêtue de pourpre et d'écarlate, parée d'or, de pierres précieuses et de perles, portant en sa main un vase d'or plein d'abominations et des impuretés de sa fornication.
5. Et ce nom était écrit sur son front; mystère la grande Babylone, la mère des fornications et des abominations de la terre.
5. Et je vis la femme enivrée du sang des saints et du sang des martyrs de Jésus, et, à son aspect, je fus rempli d'un grand étonnement.
7. Et l'ange me dit : Pourquoi t'étonner? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, et qui a sept têtes et dix cornes.
8. La bête que tu as vue était et n'est plus; elle s'élèvera de l'abîme et sera précipitée dans la perdition; et les habitants de la terre, dont les noms ne sont pas écrits au livre de vie dès la formation du monde, seront dans l'étonnement lorsqu'ils verront la bête qui était et qui n'est plus.
9. Et voici le sens plein de sagesse de cette vision Les sept têtes sont sept montagnes sur lesquelles la femme est assise.
10. Ce sont aussi sept rois dont cinq sont tombés; l'un est encore et l'autre n'est pas encore venu et quand il sera venu il faut qu'il reste peu de temps.
11. Et la bête qui était et qui n'est plus est la huitième; elle est une des sept et va dans la mort.
12. Les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n'ont pas encore reçu leur royaume; mais ils recevront comme Rois la: puissance a la même heure après la bête.
13. Ceux-ci ont un seul conseil et ils donneront leur force et leur puissance à la bête.
14. Ils combattront contre l'agneau, mais l'agneau les vaincra, parce qu'il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, et ceux qui sont avec lui sont les appelés, les élus et les fidèles.
15. Et il me dit Les eaux que tu as vues où la prostituée est assise sont les peuples, les nations et les langues.
16. Les dix cornes que tu as vues dans la bête sont ceux qui haïront la prostituée et ils la réduiront à la dernière désolation; ils la dépouilleront, ils dévoreront sa chair et ils la brûleront dans les flammes.
17. Car Dieu leur a mis dans le cœur d'exécuter ce qu'il lui plaît de donner leur royaume à la bête jusqu'à ce que les paroles de Dieu soient accomplies.
18. Et la femme que tu as vue est la grande ville qui règne sur les rois de la terre.
(Apocalypse, chap. XVIL)[/center]
Aux premières lueurs du jour nous nous trouvons entre Cos et le promontoire de Cnide. Une lumière froide éclaire d'abord des côtes profondément découpées, et des îles gracieuses, Nysiros, Télos; puis paraissent des teintes citron sur les montagnes, rosées sur les îles, nacrées sur la mer. Au lever du soleil nous passons le cap de Cnide qui a une ressemblance frappante avec le cap Misène, la même forme en hameçon avec deux petits ports de chaque côte. La ville de Cnide était au sud, mais plus de galères victorieuses, plus de temple de Vénus, plus de statues de Praxitèle, quelques pans de murailles et les fondations d'un théâtre sont seuls encore debout.
Quelques heures après nous entrons dans le port de Rhodes. Une rangée de petits moulins à vent sur des buttes de sable, voilà ce que l'on aperçoit d'abord de cette ville fameuse. –Nulle trace du colosse qui paraîtrait fabuleux si l'on ne se rendait pas compte de la petitesse des ports des anciens et de leurs navires qui n'étaient que des barques. Du reste on ne découvre rien de l'antique Rhodes; les tremblements de terre très-fréquents ici ont tout bouleversé.
Quant à la ville des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui y résistèrent si longtemps à la conquête musulmane, certaines parties restent dans l’état où elles étaient le jour où l'héroïque Villiers de l'Isle-Adam à bout de munitions et de vivres fut obligé de se rendre à Soliman le Magnifique (1522).
Le climat est favorable à la conservation des monuments, les Turcs n'ont pas la manie de destruction et de changement des démolisseurs français et l'on trouverait difficilement chez nous un lieu aussi franchement moyen âge que la rue dite des Chevaliers. L'architecture est du XVème siècle, les écussons qui surmontent les portes sont ceux de grandes familles françaises, allemandes et espagnoles. Quelques montants en marbre, quelques pilastres ont des ornements Renaissance dans le style de Sansovino.
Une explosion récente aura causé plus de dommages à ces vieilles maisons que trois siècles d'abandon. Elle fut produite par la foudre qui tomba sur une poudrière depuis longtemps oubliée, sauf par une famille, dit-on, qui en avait conservé la tradition secrète et faisait de temps en temps un commerce de contrebande. On a tout lieu de croire qu'en 1522 il y avait des traîtres dans le service de l'artillerie; ils cachèrent ces grandes quantités de poudre qui auraient permis au grand maître de continuer sa défense.
Dans d'autres parties de la ville, bien déchue aujourd'hui, existent d'autres débris du temps des chevaliers. Une porte surtout formée par les troncs de deux grenadiers en marbre dont les branches portent des écussons. Du haut des murs on aperçoit de beaux jardins de mûriers, de citronniers et de pêchers, dont l'ombre épaisse réjouit de loin les regards par ce brûlant soleil. L'île de Rhodes mériterait qu'on y fît séjour. On y trouve de hautes montagnes et de belles vallées, où les palmiers et les lauriers roses croissent en bas, et en haut les rhododendrons des Alpes.
C'est un vendredi -Les portes sont fermées à midi comme dans presque toutes les villes musulmanes; nous ne regagnons l'Eridan qu'au moment du départ, chargés des belles grenades de Rhodes qu'à l'aide d'un batelier turc, notre seul guide, nous avons payées cinq fois meilleur marché que ceux de nos compagnons qui ont pris des cicérones juifs.
Nous voguons sur une mer magnifique, ayant en vue les montagnes de la Lycie. Le pont du bateau à vapeur présente cet aspect pittoresque bien connu des voyageurs qui ont parcouru l'Orient. Ce sont des femmes turques avec leurs robes jaune- serin et leurs voiles blancs, des Grecs aux yeux et au nez d'oiseaux de proie, vêtus de leurs vestes courtes et de leurs larges pantalons de serge bleue, des hammals arméniens avec leurs grosses lèvres et leurs bonnes figures réjouies contrastant avec les Juifs insinuants et rusés, des soldats turcs et albanais, etc. Ces passagers du pont s'arrangent en petites sociétés et accroupis sur des tapis fort passables souvent, à côté de leurs raisins, de leurs pastèques, de leurs oignons et d'un bon pain blanc qui ferait envie à bien de nos paysans, ils jouissent du beau temps, ou se résignent à l’orage avec tout le fatalisme oriental.
Ils ne sont pas très-propres assurément, mais ils portent des vêtements aux couleurs vives et ils ont des attitudes artistiques. Nos basses classes sont à la fois sales et incolores. Peut-être un peu plus propres en France, elles le sont bien moins en Angleterre. Les Anglais ne devraient jamais parler de la malpropreté des autres pays. La propreté anglaise est un mythe, auquel le continent a cru, à force de l’entendre répéter. Qu'ils regardent chez eux la saleté sans nom de leurs pauvres, de leurs commis de magasin et, même dans de grands hôtels, les chambres qui fourmillent de punaises et sont à peine balayées par des housemaids paresseuses et sans soin.
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