[i] [b][u][center]Athéna ou Minerve[/center][/u][/b]
Fille puissante d'un père tout-puissant, Athéna était l'enfant privilégiée du grand maître du monde. Sa mère, la plus sage de toutes les filles des hommes et des Dieux, était Métis ou la Sagesse. Or, comme Zeus était un dieu souverainement parfait, les poètes, pour signifier que la puissance était en lui unie à la sagesse, contèrent qu'il enferma Métis dans son sein et se l'assimila. De cette union naquit la Déesse invincible.
Zeus aux conseils prudents la portait en sa tête robuste. Quand arriva l'heure de la délivrance, le majestueux souverain de l'Olympe fit appeler Héphaestos, le dieu du feu qui forgeait sur l'enclume des armes redoutables.
« Héphaestos, lui dit-il, un mal étrange me tourmente. Frappe dur, frappe mon front d'un coup tranchant de ta hache effilée ; ouvre-le moi ; ne crains rien, car je sais ce qui va m'arriver, et de grandes douleurs me déchirent la tête ! »
Sur l'ordre impérieux du souverain auquel nul ne peut résister, la hache s'abattit sur son auguste front. À peine ouvert, il en sortit, en poussant un long cri de victoire, une vierge éclatante qui se prit à danser. Un casque d'or étincelait sur sa tête ; une armure splendide recouvrait tous ses membres, et sa main valeureuse brandissait une lance rutilante. À cette vue, tous les Immortels furent saisis d'étonnement, d'admiration, de respect. Le soleil surpris arrêta ses coursiers et son char, et le vaste Olympe fut ébranlé tout entier sous l'élan vigoureux de sa danse guerrière.
Comme son père était le plus puissant des Dieux, et sa mère la plus sage des Déesses, Athéna hérita des qualités de l'un et des vertus de l'autre ; la sagesse en elle équilibra la force. Mais que signifiait cette surprenante naissance ? Voici. Zeus était regardé, nous l'avons dit, comme le ciel lui-même et le père des orages. Or, quand sa divine main dardait la foudre, les nuées qui recouvraient l'immense front du ciel semblaient s'ouvrir et se fendre pour livrer passage au jaillissement de l'éclair. Athéna aux yeux étincelants ne serait donc que la lueur terrible qui, fondant en eau les nuages, traversait les nuées, illuminait leur sombre confusion et donnait la victoire, par le feu de sa lance, au roi de la lumière. Déesse de l'éclair, vierge née au milieu du fracas des orages, Athéna demeura une déesse guerrière. Toujours ardente à exciter le tumulte des armes et les clameurs des batailles, elle était, pour les Grecs, la combattante invincible. Sa bravoure était incomparable. Néanmoins, parce qu'elle était la fille de Métis, la souveraine Sagesse, la force et la bravoure qu'elle tenait de son père étaient toujours empreintes de bienveillance, de loyauté prudente et de magnanimité. Elle répugnait à toute cruauté, et son cœur généreux contenait, en de justes limites, l'activité guerrière de son âme intrépide. Un jour qu'un de ses protégés, Tydée aux maintes prouesses gisait étendu, grièvement atteint au cours d'un long combat, Athéna, la Déesse indomptable, implora Zeus en sa faveur. Elle obtint de sa toute-puissance d'apporter à ce courageux blessé un remède qui devait le guérir, le sauver et le rendre immortel. Elle descendit donc sur le champ de bataille. Mais elle trouva Tydée en train d'assouvir inhumainement sa vengeance. On lui avait apporté la tête de son ennemi, et Tydée, dans sa fureur, après avoir brisé les os de ce crâne comme un barbare en dévorait la cervelle ! Ce hideux spectacle fit horreur à la Déesse aux multiples conseils. Ce désistant du bien qu'elle venait accomplir, elle tourna le dos et, sans plus songer à secourir ce sauvage soldat, porta plus loin la trace de ses pas.
Loin de ne s'intéresser que du haut du ciel aux querelles des hommes, Athéna, armée de pied en cap, descendait parfois dans la mêlée bruyante, et combattait dans les rangs des héros. Elle avait pris part, avec sa lance acérée, au combat des Dieu et des Titans. Et, pour célébrer la victoire de Zeus, elle avait inventé une danse guerrière, sonné de la trompette pour la première fois. Déesse des armes et des armées, si Athéna faisait pencher le sort indécis des batailles et assurait le triomphe, elle était aussi la protectrice des villes, la vigilante gardienne qui, tout en veillant sur la prospérité des cités qu'elle aimait, les défendait du haut des citadelles contre les entreprises et les assauts de l'ennemi. Par une conséquence naturelle, la Déesse qui ratifiait le succès des combats devint aussi celle qui concédait aux peuples victorieux les bienfaits de la paix et la sagesse civique. C'est à ce titre qu'elle protégeait tous les travaux de l'industrie et de l'art. Le potier l'invoquait comme sa protectrice, car c'était elle, disait-on, qui avait inventé le tour dont il usait pour façonner ces vases. Le charpentier lui devait son équerre et sa règle ; le matelot, l'art de carguer les voiles et de sculpter les proues ; l'agriculteur, la charrue, le râteau et le chariot que traînaient les grands bœufs, soumis au joug par sa force prudente.
Un jour, pour imiter les sifflements et les plaintes qu'on entendait dans l'orage, la Déesse au cœur infatigable perça de trous un fragment d'os de cerf. Elle ne se rendit alors dans l'Olympe, et joua, devant tous les Dieux réunis, de l'instrument qu'elle venait d'inventer. Mais Aphrodite et Héra se moquèrent d'elle, car elle était obligée, pour souffler dans le corps de la flûte, d'enfler les joues et de déformer les traits de son divin visage. Dépitée, la Déesse au casque d'or alla se mirer dans une source claire. Elle se rendit compte qu'on ne l'avait point injustement raillée, et elle jeta loin de l'instrument dont nul homme ne peut tirer des leçons sans altérer la ligne de ses joues.
Ce fut aussi cette vierge redoutable, que réjouissait le tumulte des guerres, qui enseigna aux hommes à cultiver l'olivier et à planter le figuier. Deux Dieux, racontait-on, se disputèrent autrefois la possession du sol de l'Attique. Les Immortels, pris pour arbitre de cette querelle, décidèrent entre eux d'attribuer la propriété de cette terre à celle des deux Divinité qui ferait aux hommes le présent le plus utile. L'enjeu accepté, le Dieu de la mer, Poséidon, fit jaillir du rocher, d'un coup de son trident, un coursier frémissant. Athéna, frappant ensuite le sol de sa longue lance dorée, en fit pousser un olivier au feuillage d'argent. Les Dieux jugèrent alors que l'arbre, dont les rameaux devaient être le symbole de la paix bienfaisante, était aux hommes un présent plus utile que le coursier destiné à conduire les chars d'assaut de la guerre meurtrière.
Toutefois, si Athéna, la divine artisane, fut l'inspiratrice de tous les arts et la protectrice de tous les métiers que les hommes exerçaient, elle était surtout la Déesse qui présidait aux travaux délicats des doigts menus des femmes. Industrieuse et active, elle avait de ses mains tissé ses propres voiles, et brodé pour Héra une robe nuptiale. Aussi les femmes grecques, si habiles à tisser et à broder la toile, se vantaient-elles d'avoir appris à filer en voyant travailler la Déesse et en écoutant docilement ses leçons. Toutes donc la reconnaissaient, l'honoraient comme une artiste incomparable et divine. Un nom fit exception ; ce fut celui d'une malheureuse Lydienne, qui osa un jour disputer d'habileté avec la fille même de Zeus. Cette jeune vierge, Arachné, excellait, disait-on, dans l'art d'ourdir les laines en tissus. Elle ne devait sa renommée ni à sa naissance et sa patrie, mais à son seul talent. Pour admirer ces ouvrages, souvent les Nymphes descendaient de leurs coteaux verdoyants, tant était fine la trame de ses toiles et tant son aiguille savait bien les broder. Frappées d'admiration, ces Nymphes lui demandèrent un jour si ce n'était point Athéna elle-même qui lui avait enseigné son métier merveilleux. Arachné se défendit, comme d'une honte, d'avoir appris quoi que ce fut de là à Déesse, puis ajouta :
« Qu'elle vienne donc se mesurer avec moi ! Vaincue, je me soumets à tout. »
Athéna, qui avait tout entendu, emprunta alors les traits fanés d'une vieille, couvrit son front de cheveux blancs, et, appuyant sur un bâton ses membres affaiblis, elle s'approcha d'Arachné et lui dit :
« La vieillesse, enfant, n'amène pas seulement que des maux à sa suite : l'expérience est le fruit tardif du grand âge. Ne dédaigne pas mes avis. Tu peux prétendre à la gloire de surpasser tous les mortels, mais tu ne saurais, comme tu le soutiens, éclipser les travaux d'une main immortelle …
Je le puis, s'écria Arachné. Qu'elles vienne donc, la Déesse, se mesurer avec moi !
Elle est venue », répondit Athéna, en se dépouillant les traits de la vieillesse.
Prenant place aussitôt l'une à côté de l'autre, elles se mirent à tisser, et le désir de vaincre les rendait infatigables. Athéna représenta sur sa toile le vaste Olympe et ses Divinités ; l'orgueilleuse Lydienne, les principaux épisodes des amours des Dieux. Quand les deux toiles furent achevées, Athéna ne trouva rien à reprendre dans l’œuvre d'Arachné : son magnifique travail était sans le moindre défaut. Saisie de dépit, la Déesse de l'éclair empoigna, froissa et mit en pièces l'ouvrage d'Arachné. L'infortunée Lydienne, ne pouvant supporter un si cruel affront, essaya de se pendre. Mais, touchée de compassion, Athéna aux yeux pers adoucit son destin et l'arracha à la mort.
« Tu vivras, lui dit-elle, malheureuse ! Mais ta vie désormais sera toujours suspendue à un fil. »
Arachné fut dès lors changée en araignée ; et, depuis ce jour, cette fileuse aux tissus aériens, ne cesse pas de se suspendre aux fils de sa toile ténue.
Vierge au chaste regard, Athéna ne se maria jamais. Sans cesse préoccupée d'organiser des cités et de favoriser l'activité des hommes, son cœur restera toujours insensible à l'hymen. Sa pudeur virginale était soupçonneuse et farouche. Un jour, fatiguée d'une lutte opiniâtre, il lui arriva de se baigner dans l'eau courante d'une source. C'était l'heure de midi, et un silence brûlant régnait sur les collines où chantaient les cigales. Seul avec ses chiens, le jeune Tirésias errait aux alentours de cette source sacrée. Attiré par la soif, il s'approcha des eaux fraîches, et surprit Athéna se délassant au bain. Indignée, la Déesse au cœur pur s'élança sur l'intrus ; elle posa ses deux mains sur les yeux de l'indiscret, et Tirésias, aveuglé, ne fut plus qu'un devin.
Déesse auguste du travail réfléchi de l'esprit et de l'activité de l'intelligence inventive, Athéna était le plus souvent représentée avec les armes qu'elle portait en naissant. Phidias en avait fait une statue merveilleuse, tout en ivoire et en or. Il avait sculpté cette Déesse debout. Une longue tunique plissée lui tombait jusqu'aux pieds. Sa poitrine était couverte de l'égide, ou peau de chèvre frangée d'or, au milieu de laquelle était suspendue, entourée de serpents, la tête de Méduse. Sur le haut de son casque se dressait un sphinx. Sa main droite portait une victoire ailée, et sa gauche s'appuyait sur un bouclier ovale. Cette statue colossale ornait le Parthénon, le plus beau des temples qu'Athènes eût jamais édifié à sa divine protectrice. Les Athéniens l'honoraient par des solennités magnifiques. Pour parer la statue de leur auguste reine, les dames athéniennes brodaient un merveilleux péplum. Au jour de sa fête, on lui portait sur un navire ce voile en grande pompe. Un somptueux cortège se déroulait alors sur les pentes sacrées de l'Acropole, et des concours de poésie, des représentations dramatiques ajoutaient encore à la splendeur de cette fête qui attirait à Athènes tous les peuples de Grèce, et qu'on appelait les Panathénées.
La chouette, dont l’œil brillant éclate dans la nuit, était, avec le coq et le serpent, particulièrement consacré à la Déesse qu'au regard éclatant. [/i]