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Anacharsis (suite,7)

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Soumis par Th. Efthymiou le

A peine y fut-il assis, qu'il voulut mettre des bornes à son autorité, et donner au gouvernement une forme plus stable et plus régulière. Les douze villes de l'Attique, fondées par Cécrops, étoient devenues autant de républiques, qui toutes avoient des magistrats particuliers, et des chefs presque indépendans: leurs intérêts se croisoient sans cesse, et produisoient entre elles des guerres fréquentes. Si des périls pressans les obligeoient quelquefois de recourir à la protection du souverain, le calme qui succédoit à l'orage, réveilloit bientôt les anciennes jalousies; l'autorité royale flottant entre le despotisme et l'avilissement, inspiroit la terreur ou le mépris; et le peuple, par le vice d'une constitution dont la nature n'étoit exactement connue ni du prince, ni des sujets, n'avoit aucun moyen pour se défendre contre l'extrême servitude, ou contre l'extrême liberté. Thésée forma son plan; et supérieur même aux petits obstacles, il se chargea des détails de l'exécution, parcourut les divers cantons de l'Attique, et chercha par-tout à s'insinuer dans les esprits. Le peuple reçut avec ardeur un projet qui sembloit le ramener à sa liberté primitive; mais les plus riches, consternés de perdre la portion d'autorité qu'ils avoient usurpée, et de voir s'établir une espèce d'égalité entre tous les citoyens, murmuroient d'une innovation qui diminuoit la prérogative royale: cependant ils n'osèrent s'opposer ouvertement aux volontés d'un prince, qui tâchoit d'obtenir, par la persuasion, ce qu'il pouvoit exiger par la force, et donnèrent un consentement, contre lequel ils se promirent de protester dans des circonstances plus favorables.
Alors il fut réglé qu'Athènes deviendroit la métropole et le centre de l'empire; que les sénats des villes seroient abolis; que la puissance législative résideroit dans l'assemblée générale de la nation, distribuée en trois classes, celle des notables, celle des agriculteurs, et celle des artisans; que les principaux magistrats, choisis dans la première, seroient chargés du dépôt des choses saintes, et de l'interprétation des lois; que les différens ordres de citoyens se balanceroient mutuellement, parce que le premier auroit pour lui l'éclat des dignités; le second, l'importance des services; le troisième, la supériorité du nombre: il fut réglé, enfin, que Thésée, placé à la tête de la république, seroit le défenseur des lois qu'elle promulgueroit, et le général des troupes destinées à la défendre.
Par ces dispositions, le gouvernement d'Athènes devint essentiellement démocratique; et comme il se trouvoit assorti au génie des athéniens, il s'est soutenu dans cet état, malgré les altérations qu'il éprouva du temps de Pisistrate. Thésée institua une fête solennelle, dont les cérémonies rappellent encore aujourd'hui la réunion des différens peuples de l'Attique; il fit construire des tribunaux pour les magistrats; il agrandit la capitale, et l'embellit autant que l'imperfection des arts pouvoit le permettre. Les étrangers, invités à s'y rendre, y accoururent de toutes parts, et furent confondus avec les anciens habitans; il ajouta le territoire de Mégare à l'empire; il plaça sur l'isthme de Corinthe, une colonne qui séparoit l'Attique du Péloponèse, et renouvela, près de ce monument, les jeux isthmiques, à l'imitation de ceux d'Olympie, qu'Hercule venoit de rétablir.
Tout sembloit alors favoriser ses voeux. Il commandoit à des peuples libres, que sa modération et ses bienfaits retenoient dans la dépendance. Il dictoit des lois de paix et d'humanité aux peuples voisins, et jouissoit d'avance de cette vénération profonde, que les siècles attachent par degrés à la mémoire des grands hommes.
Cependant il ne le fut pas assez lui-même, pour achever l'ouvrage de sa gloire. Il se lassa des hommages paisibles qu'il recevoit, et des vertus faciles qui en étoient la source.
Deux circonstances fomentèrent encore ce dégoût. Son ame qui veilloit sans cesse sur les démarches d'Hercule, étoit importunée des nouveaux exploits dont ce prince marquoit son retour dans la Grèce. D'un autre côté, soit pour éprouver le courage de Thésée, soit pour l'arracher au repos, Pirithoüs, fils d'Ixion, et roi d'une partie de la Thessalie, conçut un projet conforme au génie des anciens héros.
Il vint enlever dans les champs de Marathon, les troupeaux du roi d'Athènes; et quand Thésée se présenta pour venger cet affront, Pirithoüs parut saisi d'une admiration secrète; et lui tendant la main en signe de paix: " soyez" mon juge, lui dit-il: quelle satisfaction "exigez-vous? Celle, répond Thésée, de vous "unir à moi par la confraternité des armes." à ces mots, ils se jurent une alliance indissoluble, et méditent ensemble de grandes entreprises.
Hercule, Thésée, Pirithoüs, amis et rivaux généreux, déchaînés tous trois dans la carrière, ne respirant que les dangers et la victoire, faisant pâlir le crime et trembler l'innocence, fixoient alors les regards de la Grèce entière.
Tantôt à la suite du premier, tantôt suivi du second, quelquefois se mêlant dans la foule des héros, Thésée étoit appelé à toutes les expéditions éclatantes. Il triompha, dit-on, des amazones, et sur les bords du Thermodon en Asie, et dans les plaines de l'Attique; il parut à la chasse de cet énorme sanglier

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