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Anacharsis (suite,5)

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Soumis par Th. Efthymiou le

Après Cécrops, régnèrent, pendant l'espace d'environ cinq cent soixante-cinq ans, dix-sept princes, dont Codrus fut le dernier.
Les regards de la postérité ne doivent point s'arrêter sur la plupart d'entre eux ; et qu'importe en effet que quelques-uns aient été dépouillés par leurs successeurs du rang qu'ils avoient usurpé, et que les noms des autres se soient par hasard sauvés de l'oubli ? Cherchons, dans la suite de leurs règnes, les traits qui ont influé sur le caractère de la nation, ou qui devoient contribuer à son bonheur.
Sous les règnes de Cécrops et de Cranaüs son successeur, les habitans de l'Attique jouirent d'une paix assez constante. Accoutumés aux douceurs et à la servitude de la société, ils étudioient leurs devoirs dans leurs besoins, et les moeurs se formoient d'après les exemples.
Leurs connoissances, accrues par des liaisons si intimes, s'augmentèrent encore par le commerce des nations voisines. Quelques années après Cécrops, les lumières de l'orient pénétrèrent en Béotie. Cadmus, à la tête d'une colonie de Phéniciens, y porta le plus sublime de tous les arts, celui de retenir par de simples traits les sons fugitifs de la parole, et les plus fines opérations de l'esprit. Le secret de l'écriture, introduit en Attique, y fut destiné, quelque temps après, à conserver le souvenir des événemens remarquables.
Nous ne pouvons fixer d'une manière précise le temps où les autres arts y furent connus, et nous n'avons à cet égard que des traditions à rapporter. Sous le règne d'Erichtonius, la colonie de Cécrops accoutuma les chevaux, déja dociles au frein, à traîner péniblement un chariot, et profita du travail des abeilles dont elle perpétua la race sur le mont Hymète.
Sous Pandion, elle fit de nouveaux progrès dans l'agriculture ; mais une longue sécheresse ayant détruit les espérances du laboureur, les moissons de l'Egypte suppléèrent aux besoins de la colonie, et l'on prit une légère teinture de commerce. Erechthée, son successeur, illustra son règne par des établissemens utiles, et les Athéniens lui consacrèrent un temple après sa mort.
Ces découvertes successives redoubloient l'activité du peuple ; et en lui procurant l' abondance, le préparoient à la corruption : car, dès qu'on eut compris qu' il est dans la vie des biens que l'art ajoute à ceux de la nature, les passions réveillées se portèrent vers cette nouvelle image du bonheur. L'imitation aveugle,ce mobile puissant de la plupart des actions des hommes, et qui d'abord n'avoit excité qu'une émulation douce et bienfaisante, produisit bientôt l'amour des distinctions, le desir des préférences, la jalousie et la haîne. Les principaux citoyens, faisant mouvoir à leur gré ces différens ressorts, remplirent la société de troubles, et portèrent leurs regards sur le trône. Amphictyon obligea Cranaüs d'en descendre ; lui-même fut contraint de le céder à Erichthonius.
A mesure que le royaume d'Athènes prenoit de nouvelles forces, on voyoit ceux d'Argos, d'Arcadie, de Lacédémone, de Corinthe, de Sicyone, de Thèbes, de Thessalie et d'Epire,s'accroître par degrés, et continuer leur révolution sur la scène du monde.
Cependant l' ancienne barbarie reparoissoit, au mépris des lois et des moeurs ; il s'élevoit par intervalles des hommes robustes qui se tenoient sur les chemins pour attaquer les passans, ou des princes dont la cruauté froide infligeoit à des innocens des supplices lents et douloureux.

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