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Anacharsis (suite,4)

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Soumis par Th. Efthymiou le

Tous les réglemens de Cécrops respiroient la sagesse et l'humanité. Il en fit pour procurer à ses sujets une vie tranquille, et leur attirer des respects au-delà même du trépas. Il voulut qu'on déposât leurs dépouilles mortelles dans le sein de la mère commune des hommes, et qu'on ensemençât aussitôt la terre qui les couvroit, afin que cette portion de terrain ne fût point enlevée au cultivateur. Les parens, la tête ornée d'une couronne, donnoient un repas funèbre ; et c'est-là que, sans écouter la voix de la flatterie ou de l'amitié, on honoroit la mémoire de l'homme vertueux, on flétrissoit celle du méchant. Par ces pratiques touchantes, les peuples entrevirent que l'homme, peu jaloux de conserver après sa mort une seconde vie dans l'estime publique, doit du moins laisser une réputation dont ses enfans n'aient pas à rougir.
La même sagesse brilloit dans l'établissement d'un tribunal qui paroît s'être formé vers les premières années de ce prince, ou au commencement du règne de son successeur : c'est celui de l'Aréopage qui, depuis son origine, n'a jamais prononcé un jugement dont on ait pu se plaindre, et qui contribua le plus à donner aux Grecs les premières notions de la justice.
Si Cécrops avoit été l'auteur de ces mémorables institutions, et de tant d'autres qu'il employa pour éclairer les Athéniens, il auroit été le premier des législateurs, et le plus grand des mortels ; mais elles étoient l'ouvrage de toute une nation attentive à les perfectionner pendant une longue suite de siècles. Il les avoit apportées d' Egypte ; et l'effet qu'elles produisirent fut si prompt, que l'Attique se trouva bientôt peuplée de vingt mille habitans, qui furent divisés en quatre tribus.
Des progrès si rapides attirèrent l'attention des peuples qui ne vivoient que de rapines.
Des corsaires descendirent sur les côtes de l'Attique ; des Béotiens en ravagèrent les frontières ; ils répandirent la terreur de tous côtés. Cécrops en profita pour persuader à ses sujets de rapprocher leurs demeures alors éparses dans la campagne, et de les garantir, par une enceinte, des insultes qu'ils venoient d'éprouver. Les fondemens d'Athènes furent jetés sur la colline où l'on voit aujourd'hui la citadelle. Onze autres villes s'élevèrent en différens endroits ; et les habitans, saisis de frayeur, firent sans peine le sacrifice qui devoit leur coûter le plus. Ils renoncèrent à la liberté de la vie champêtre, et se renfermèrent dans des murs, qu'ils auroient regardés comme le séjour de l'esclavage, s'il n'avoit fallu les regarder comme l'asile de la foiblesse. A l'abri de leurs remparts, ils furent les premiers des Grecs à déposer, pendant la paix, ces armes meurtrières, qu'auparavant ils ne quittoient jamais.
Cécrops mourut après un règne de cinquante ans.
Il avoit épousé la fille d'un des principaux habitans de l'Attique. Il en eut un fils dont il vit finir les jours, et trois filles à qui les Athéniens décernèrent depuis les honneurs divins. Ils conservent encore son tombeau dans le temple de Minerve ; et son souvenir est gravé, en caractères ineffaçables, dans la constellation du Verseau qu'ils lui ont consacrée.

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