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4 juin 1878, "l'échange" de Chypre...entre la Turquie et la Grande-Bretagne

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Soumis par Th. Efthymiou le

Le 4 VI 1878, Disraëli, pour contrarier l'influence croissante de la Russie depuis le traité d'Hagios Stéphanos-San Stéfano (3 III 1878), signe avec la sultan 'Abdül-Hamîd II la "[i]protection de l'intégrité de l'Empire ottoman[/i]". En échange, l'Angleterre reçoit Chypre...Elle devra verser un "tribut": 92.799 £ 11 shillings et 3 pence (!!!) chaque année. Cette somme sera par la suite prélevée par l'Anglais sur les Chypriotes...
La GB, pour le Proche-Orient, voulait une base maritime. Chypre fut un triomphe pour Disraeli, ( "[i]celui qui voulait dominer l’Asie devait d’abord posséder Chypre[/i]" avait-il dit). L'île contrôlerait la Syrie et l’Egypte. C'était une garantie pour la voie maritime des Indes. Elle comblait le "vide" de Malte à Aden. Il fallait protéger la route méditerranéenne avec Gibraltar, les îles Ioniennes (jusqu’en 1864), Malte, Chypre, le canal de Suez, Aden, Socotra. Et pour la marine à vapeur, avoir des dépôts de charbon.
Disraeli y parvint: achat des actions du Canal, prise de Chypre. Avec le Canal, la route des Indes était plus rapide et nécessitait des bases anglaises en Méditerranée orientale. La GB voulait aussi contrôler les provinces arabes de l’Empire ottoman.. Le Ministère de la Guerre fit étudier la Thrace, les mers Noire et de Marmara, la Crète et Suez.
En III 1877, Layard, ambassadeur de GB à Constantinople, savait l’intérêt du gouvernement pour la route des Indes via l’Anatolie. Il pensait que la GB devait aider la Turquie et, l’obliger à des réformes. La GB, en soutenant l’autorité du Sultan 'Abdül-Hâmit II, pourrait contrôler la route des Indes, les Détroits et l’Arménie. La GB estimait que le territoire à prendre devrait être ottoman et qu'elle devrait garantir l’intégrité de l’Empire ottoman. Elle examina pour cela la Crète, les Dardanelles, Limnos, Lesvos, Alexandrette, Acre, Haïfa, Alexandrie, Karpathos, Symi, Astypalaia, Kallipolis, Batoum...
La base serait un poste-clef pour contrôler l’Anatolie où la GB pourrait s'opposer à un ennemi venant du Caucase, des sources du Tigre et de l’Euphrate. Il faudrait un bon port, facilement défendable, entreposant du charbon pour les navires. L'industrie anglaise aurait une étape entre l’Orient et l’Europe, d'autant que se construisait la voie ferrée de la Vallée de l’Euphrate vers Alexandrette.
La GB avait exclu l’une après l’autre les régions proposées. Kallipolis (trop loin de la route des Indes) ne permettait pas de contrôler la Syrie et la Mésopotamie. Mêmes raisons pour Limnos et Mytilini, vigies des Dardanelles. Astypaléa, proche de la route des Indes, n’était qu’une étape pour le charbon. La Crète avait une population trop nombreuse et indocile. Alexandrette était sur le continent, sans frontières naturelles. Acre et Haïfa n’étaient pas de bons ports et ne permettaient un contrôle que jusqu’au désert oriental de Jordanie. Alexandrie, aux nombreux avantages, fut écartée: son occupation signifiait occuper l’Egypte.
Chypre fut la seule à réunir les qualités voulues, par ses dimension, population, position défensive et perspectives commerciales. Disraeli la choisit, décrite à Victoria comme "la clef de l’Asie de l’ouest". C'était dû au voisinage avec le Canal et les côtes de Syrie. On pourrait protéger de là, si besoin, une voie ferrée qui aboutirait au golfe persique.
Comme base maritime, Chypre complétait le rôle de Gibraltar et de Malte et elle pouvait le être dernier bastion européen.
Les conditions de transfert de Chypre furent définies par trois conventions [u]secrètes[/u] préparées à Constantinople entre l’Empire ottoman et la GB. Signées les 4 VI, 1er VII et 1er VIII 1878.
Le 10 V 1878, un projet fut envoyé à Layard, chargé, le 23 V, de le soumettre à 'Abdul-Hämid II, en [u]ultimatum[/u]. Layard le rencontra le 25 V et lui dit le projet , avec 48 h. de délai. Il prévoyait que la GB défendrait la Turquie contre une attaque de la Russie. En échange, 'Abdûl-Amide ferait des réformes et garantirait la protection des Chrétiens.
La condition importante de la Convention était la prise de Chypre par la GB.
La convention fut conclue et signée, sans être communiquée, le 4 VI, au palais de Yildiz. Elle était intitulée "[u][i]Convention of Defensive Alliance between Great Britain and Turkey[/i][/u]". Elle ne fut communiquée au Congrès de Berlin que le 9 VII 1878. L’annonce provoqua une réaction, menant à la dissolution du Congrès sans Bismarck. La GB fit intégrer la Convention dans le texte final du Congrès.
Le 7 VII 1878, Salisbury adressa à Waddington, représentant la France à Berlin, un document [i]justifiant[/i] la prise de Chypre. Il allégua qu'"[i]avec la conquête de l’Arménie par la Russie, la GB était menacée d’isolement[/i]".
La Russie occuperait la région entre le golfe Persique et l’Océan Indien au sud et la Perse au nord. La GB soutenait le statu quo. Elle avait conclut son alliance avec la Turquie. 'Abdül-Hamîd avait cédé Chypre à l’Angleterre pour qu’elle l’administre le temps de la Convention. Salisbury informa aussi la France d'un second accord entre la Turquie et la GB: "si la Russie se retirait d’Arménie, la GB quitterait Chypre". L’idée de conquérir un port des côtes de Syrie, en particulier Alexandrette, ne s’était pas concrétisée: la GB ne voulait pas faire croire qu’elle voulait occuper un territoire asiatique occidental. Elle s’était contentée de Chypre, moins propice, mais qui servait ce but. La prise de Chypre fut présentée comme de peu de conséquences pour la France. Gambetta, déclara que la GB avait déclenché un tir qui mettrait le feu au monde entier. Il était suffisant que l’Angleterre contrôle Gibraltar et Malte, il était exagéré de vouloir contrôler directement l’avenir de l’Anatolie depuis Chypre. La France ne devrait pas ratifier et, si la Convention elle n’était pas soumise au Congrès, il faudrait réfléchir avant de signer. Certains trouvaient préférable de laisser la Russie affronter la GB en Anatolie.
Waddington dit que si les Chambres étaient en session en appenant cette Convention, cela pourrait conduire à la guerre entre la GB et la France. Il heureux qu’il n’y ait pas de session dans les trois mois. Les esprits se calmeraient avec une éventuelle cession de la Tunisie et des garanties sur la Syrie et l’Egypte.
C’est lors du ministère de Sadry Pacha que Layard avait introduit l'affaire. 'Abdül-Hâmid savait Constantinople menacée par la Russie.
Sadry pacha bon négociateur fut déchu le 28 V. Mehemet Ruschdi lui succéda et devint Grand Vizir jusqu’au 4 VI.
8 VI 1878, lorsque Layard s’était vu demander par Fournier, ambassadeur de France, pour Chypre "[i]combien cela vous a-t-il coûté ?" [/i]La réponse fut: « [u]Je puis vous dire maintenant que c’est une affaire terminée [/u]». Des maisons de commerce de Constantinople achetaient des bâtiments et des terrains à Chypre pour le compte de la GB. Le 10 VII, les clauses de la Convention, furent connues . On se demandait comment la négociation avait été si secrète. «[i] La réflexion n’a pa été au profit de l’Angleterre ; et sa conduite a été appréciée comme peu loyale vis-à-vis de la Turquie [/i]».
A Paris, on ressentit que les interêts de la France au Moyen-Orient étaient menacés. C’est pourquoi Waddington n’avait pas accepté de discuter à Berlin. Il avait exclu toute discussion sur le Liban, les Lieux saints et l’Egypte, ce que respectèrent les gouvernements. L’occupation de Chypre provoqua surprise et inquiétude à la France, car l’île contrôlait les côtes de Syrie et d’Egypte. La GB acquérait le droit de s’immiscer dans des affaires de l’administration de Turquie d'Asie. Lobanow, ambassadeur russe à Constantinople admit en présence de Fournier que la France avait été le pays le plus lésé par cette Convention anglo-turque.
La GB évinça l’influence française, et s’octroya le contrôle de la mer Méditerranée.
En 2006, Chypre pâtit encore de cette "diplomatie"...
C'était dû au voisinage avec le Canal et les côtes de Syrie. On pourrait protéger, si besoin, une voie ferrée qui aboutirait au golfe Persique.

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