[sub][/sub][i] Le 4 juillet 1822, les Grecs subissent une de leurs pires défaites lors du soulèvement pour l'Indépendance.
Elle a été reprochée à l'ambitieux et arriviste constantinopolitain de Moldavie Aléxandros Mavrokordátos (1791-1865) qui s’opposait à Dimítrios Hypsilántis (1793-1832), officier du czar venu combattre, en Morée, Dramali puis Ibrahim pacha. Mavrokordátos décida de quitter la Morée à l'arrivée de Dramali. Il prit avec lui les premières unités de combattants. : celles de Márkos Bótsaris, Thodôrákis Grívas et Dionýssis Pomónis et les Zantiotes, organisés par Hypsilántis, et avec 93 Philhellènes (de 19 pays différents), pour aller à Messolónghi. Ils y débarquèrent le 23 mai 1822. Mavrokordátos dissout le « Sénat » (créé par lui), endossa une tenue de général et parcourut à cheval le front des troupes, médusées.
Ces Philhellènes étaient des officiers expérimentés des guerres classiques après la Révolution française et les campagnes de Napoléon, et non aux guérillas des Klephtes et Armatoles grecs. Avec en outre des « Grecs hors Empire ottoman » 300 hommes s'étaient réunis à Corinthe en avril 1822. Ils formèrent les deux corps du Bataillon des Philhellènes. Le premier (Français, Italiens et Grecs de l'Heptanèse), aux ordres du Suisse Chevalier. Le deuxième (Allemands, Polonais, Prussiens) aux ordres du polonais Mirzenski. Le chef de bataillon était l'Italien Andrea Dania. Le gouvernement grec récent désigna un civil, Aléxandros Mavrokordátos, constantinopolitain, venu de Pise, comme colonel-chef de bataillon. Auprès d’eux étaient aussi 150 Céphaloniens, dirigés par Spýros Panás. À Messolónghi, ils trouvent des hoplarques locaux et surtout le premier corps organisé grec de 350 hommes aux ordres du général allemand Normann et de l'italien Pietro Torella.
Mavrokordátos désire faire ses preuves militaires. Il veut aider les Souliôtes assiégés. Au début de juin il est à Kombóti et dresse le camp à Péta. Le soir du 25 juin sur ses ordres, 1200 Épirotes, avec Márkos Botsaris, Varnakiôtis, Iskos, Vlachópoulos, Karatássos, hoplarques aguerris, partent pour rejoindre les Souliôtes. 150 hommes restent à Kombóti.
Les forces grecques s'approchent dangereusement d'Arta. Les Turcs avaient capturé un philhellène italien. Contre sa vie sauve il leur révéla le petit nombre des Grecs. Il fut décapité et sa tête exposée au bazar.
Ahmet Vryônis disperse les Grecs le 29 juin à la bataille de Pláka. Bótsaris n’en revint qu'avec 30 palikares. Il exprima sa désillusion et sa rancœur sur l'incapacité militaire de Mavrokordátos. La plupart des combattants conseillent alors le repli sur des places mieux défendues : refus. Les Philhellènes avaient l'habitude des batailles rangées. Les guerriers grecs préféraient la guérilla, en montagne, aux bons retranchements, neutralisant ainsi la cavalerie turque. Cette tactique les avait toujours servis.
Les Philhellènes répondirent à Yórgos Bakólas : « Nous avons nos poitrines comme remparts ! » (Torella) ; à Vlachópoulos : « Nous aussi nous savons faire la guerre ! » (Dania) ; et l'artilleur allemand Feldhan : « Malheur aux Turcs qui s'approcheront de mes canons ! »
En vain, la veille, Yeôryios Karaïskákis (1780-1827) demanda que la bataille ne s’engage que sur les hauteurs autour de Péta : la cavalerie turque n’y pourrait se déployer et attaquer. Il ne fut pas écouté. Il quitta, amer, le conseil en disant : « Demain vous serez tous des défunts ».
Mavrokordátos ne s'opposait pas aux avis de Normann et des Philhellènes, craignant de miner l'union. Il accordait plus de crédit aux conceptions des Philhellènes. Ce faisant il affaiblissait son bataillon par départ de combattants éprouvés qui, prévoyant la défaite, s'éloignaient découragés, se battre ailleurs à leur façon.
Le 3 juillet 1822, Kioutachi pacha, avec 1000 hommes, sort d'Arta, pour tester la résistance grecque. Il attaque le village de Kombóti. Il y avait là 150 combattants, venus de Messolónghi et d'Aitolikón. Les Grecs se placent sur une colline, s'enferment dans une église et contiennent les attaques turques jusqu'à la venue de Génnaíos Kolokotrônis (1804-68), le fils de Théódôros. Kioutachi pacha ainsi informé rentra à Arta. Le soir même, le sérasker Récit pacha et Kioutachi le meilleur général turc, partent avec 8000 fantassins et cavaliers turcs et albanais. Ils arrivent à l'aube du 4 juillet au camp grec.
Devant eux sont 1500 soldats réguliers et les Philhellènes (ceux-ci par escouades de 8 à 10). Les Heptanèsiens sont sous les ordres de Spýros Panás. Un peu plus loin se tiennent Márkos Bótsaris, à sa droite Vlachópoulos, Varnakiôtis et enfin au point le plus élevé, Yórgos Bakólas avec Dímos Tsélios Rángos et leurs groupes.
Kioutachi pacha fit contourner les Grecs et les attaqua par l'arrière, par 2000 Turcs et Albanais. Entre deux feux, les Grecs et les Philhellènes se forment en carré, reculent pied à pied, laissant de très nombreux cadavres à terre. Parmi eux tombe le mamelouk égyptien Davoussí, qui avait rejoint les insurgés grecs. La cavalerie turque charge et les piétine. Tout le camp grec aurait été détruit si Bakólas en dernière extrémité n'avait occupé un précipice et pris les Turcs à revers. Mais en changeant de position, Bakólas laisse découvert le sommet de la colline Korakophôliá. Quatre-vingt Albanais attaquèrent et abattirent les quelques pallikares sentinelles. Ils hissèrent leurs étendards, criant aux Heptanèsiens qu’ils les prenaient à revers. Parmi les 93 Philhellènes, seuls 21 survécurent, en s’ouvrant une voie à l'arme blanche, dont Norman grièvement blessée (il mourut après quelque jour, on l’enterra à Messolónghi).
Mavrokordátos accusa Bakólas d'avoir permis aux Turcs de les contourner. Indigné, ce vieux combattant valeureux se réfugia chez les Turcs pour sauver sa vie, et fut ainsi poussé à la trahison, qui devint alors réelle. Makryiannis prendra plus tard sa défense. Les mêmes reproches seront faits à Varnakiôtis, avec les mêmes conséquences…
La stratégie de Mavrokordátos fut un échec. Les Souliôtes abandonnèrent leur patrie pour Párga et l'Heptanèse. Messolónghi s'apprêta au siège…
En 1822, Lamartine à 32 ans, Victor Hugo à 20 ans, Eugène Delacroix a 24 ans, Dostoïevski a un an et la France est administrée par Villèle. Le massacre de Chio avait eu lieu en avril 1822…
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