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17 août 1944 Le "bloko" de Kokkinia (Nikaia). Révision

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Soumis par Thomas Efthymiou le

[b] 17 août 1944 : "bloko" de Kokkinia.[/b]
La IIème Guerre mondiale touche à sa fin.
Le 6 juin 1944, les Alliés ont débarqué en Normandie, puis en Provence (15-16 août). Paris sera libéré le 12-25 août. Les Alliés sont entrés à Rome le 4 juin et les Britanniques à Florence le 11 août. L'île de Guam a été reprise aux Japonais par les Américains le 10 août. L’Armée rouge soviétique est pour la deuxième fois en Pologne (déjà attaquée en alliance avec les Allemands, en septembre 1939). Elle a été victime de son cinquième « partage », sa partie orientale occupée par deux armées soviétiques, est partagée entre la Biélorussie et l’Ukraine, et des milliers d’officiers polonais furent massacrés à Katyn par l’Armée rouge. Le 1er août 1944, à 17h, Varsovie se soulève. Sur l’ordre personnel de Staline, le maréchal Rokossovski, qui a atteint et franchi par endroits la Vistule le 30 juillet 1944, laisse écraser sous ses yeux et ceux de ses soldats les Résistants polonais qui les espéraient et ravager la capitale, qui capitule le 2 octobre.
L’URSS déclare la guerre à la Bulgarie, qui demande l’armistice et déclare la guerre à l’Allemagne (qui lui avait donné la Thrace et la Macédoine orientale) 5h plus tard !… (ou comment se trouver dans le camp des vainqueurs… et devenir soviétique…) Les V1, bombes volantes allemandes pleuvent sur Londres. La défaite de l’Allemagne et du Japon est évidente et proche.
Pour les Grecs la Résistance, est celle de pratiquement tout le peuple. De plus les Allemands n’avaient pas fait de prisonniers de guerre de l’armée hellénique. Trois instances ou autorités sont présentes.
Le "Gouvernement des Montagnes". Il est charpenté par l'EAM (Ethniko Apélefthérotiko Métopo ; Front national libérateur, créé le 27 septembre 1941, à l’initiative des Communistes rompus à la clandestinité, sous Métaxas) et défendu par l'ELAS (hEllinikos Laïkos Apélefthérotikos Stratos : armée populaire hellénique libératrice, créée par l’EAM le 10 avril 1942). L’orientation politique est à gauche, des cadres communistes aguerris par la répression y sont actifs, mais c’est avant tout la possibilité de lutter contre les occupants italiens, allemands et bulgares qui y attire les Antartès.
L'EDES (Ethnikos Dimokratikos hEllinikos Syndesmos : Lien national démocratique hellénique, 9 septembre 1941) créé surtout par des officiers d’active à l’instigation de Plastiras (8 septembre 1941), est en Epire, commandé par Zervas. Il est d’orientation nationaliste et monarchique, et moins nombreux en hommes.
[ L’EKKA du colonel Psarros et de Kartalis, a commencé son action en mars 1943. Depuis janvier 1944 les Antartès combattent les occupants mais se livrent à une guerre sanglante fratricide dont les Allemands et les Bulgares tirent profit. En avril l’ELAS assassine le colonel Psarros, figure des plus nobles de la Résistance et fait prisonniers ses 150 antartès. ]
Le "Gouvernement grec officiel en exil", du roi Géôrgios II est dirigé par Géôrgios Papandréou, l’ancien. Cet homme politique appelé d’Egypte est parti de Lavrion, a débarqué à Kyssos-Tchesmé en Asie mineure, pour arriver au Caire, par Smyrne-Izmir, Ankyra-Ankara et Adana, le 15 avril, Samedi Saint… Il tente d’agir et d’unir par le Congrès national au Liban (17-20 mai 1944.
L'occupant germanique, est lâché par son allié italien, (capitulation de l’Italie le 3 septembre 1943) pourtant responsable de l’attaque et de l’occupation en Grèce et par là du retard des opérations contre l’URSS. Et ça se passe très mal pour les soldats italiens, piégés en Grèce, contre qui se retournent les Allemands. Les Bulgares, bien que sachant leur échec et leur retournement, continuent les persécutions anti-grecques en Thrace et en Macédoine, où depuis moins de 20 ans ont été implantés tant de Réfugiés-Echangés lausannois, qui les subissent à nouveau après avoir subi celles des Turcs avant la Katastrophi .
La résistance de toute la Grèce et de pratiquement tout son peuple, le refus de partir en Allemagne des travailleurs requis, les actions contre leur départ en STO (Service du Travail Obligatoire) en Allemagne, la création de "Bataillons de Sécurité" (en uniformes d'evzone !) troupes de choc anti-communistes (1943-44) dont les combats fratricides entre Antartès favorisent le recrutement, et qui combattent les Résistants au côté des Allemands poussent aux pires cruautés.
Les "blokos" sont une des procédures, répétée : les soldats allemands et les Bataillons de Sécurité encerclent un quartier, un village, un atelier, un arrêt d’autobus, raflent ou tuent. Les hommes (à partir de 14 ans !) sont réunis brutalement, ne peuvent s'échapper. Des indicateurs grecs masqués (cache-visage en osier tressé, cagoule pour) circulent parmi eux et désignent les "suspects". Exécutions sommaires, passages à tabac, prison surpeuplée de Haïdári, déportation soit en camps soit en STO s'ensuivent.
Le 6-7 mars 1944, il y eut un premier «blóko» à Kokkiniá.
Le 11 août 1944 des evzones sécuritaires occupent la mairie de Kokkiniá (banlieue « rouge » entre Athènes et le Pirée, mais son nom vient des champs de coquelicots avant l’implantation des Réfugiés-Echangés lausannois) et proclament les noms de 50 Résistants de cette banlieue exécutés.
Le 15 août les Allemands et les Sécuritaires s’infiltrent en ville, par le Pirée. Des combats de rue se déroulent. Les armes de l’ELAS sont inférieures à celles des attaquants. Malgré cela les assaillants sont contenus. L’après-midi, l’attaque reprend. Les Allemands et les Sécuritaires prennent l’avantage, procèdent à des arrestations. Les prisonniers sont menés à Haïdári.
Le 17 août, à 02h30, la ville est encerclée par 4 000 soldats allemands et les Sécuritaires. Le colonel Plytzanópoulos, casqué, cravache en main, le commandant Sgoúros avec son fils en uniforme d’evzone pistolet dégainé, et le chef de la police motorisée Bourantás participent. Tous les hommes de 14 (!) à 60 ans de la ville sont convoqués Place hOsias Xénis. On les évalue à 20-25 000. Ils sont à genoux. Les indicateurs masqués passent et désignent les Résistants et les communistes : c’est les tuer. Certains de ces traîtres sont connus : Vérykoglou, Batavian, le coiffeur Bébéoglou, Iôannidis, Méïmaris, Vakalópoulos, Parthéníou, Tsimpidáros, Tsanakaliôtis, Tilémachos, Mórphis, Mitrópoulos, Gkínos, le lieutenant Papagéôrgíou, l'interprète Anthópoulos, Bantrônis, Lykourézos désignent ceux qui vont mourir. La soif, la chaleur, la peur, les coups, les insultes, les pleurs des adolescents, les cris des femmes et des enfants, accroissent les souffrances physiques et morales. Celles qui tentent de porter de l’eau sont passées à tabac jusqu’à l’évanouissement.
Bantrônis creva à la baïonnette l’oeil gauche puis lacéra la face du Kapétan Apostólis Chatzivassilíou (ELAS) après l’avoir ironiquement salué au garde-à-vous de : «Mes respects, mon lieutenant ! ». Puis il le traîne parmi les autres prisonniers pour qu'il indique ses compagnons, ce qu'il refuse. Evanoui, il est alors pendu sans avoir repris ses sens. Le communiste Asmánis, une loque sous les coups, est tué par Plytzanópoulos. Aucun des désignés n’a trahit les siens.
Les hommes qui tentent de se cacher sont tués sur place. Les habitations sont forcées, saccagées. Le quartier où 80 maisons sur 90 ont été incendiées s’appelle aujourd’hui Kaména (brûlés).
Des mises à mort sont immédiates, au premier mur de la tapisserie proche et à Anô Karava. Dans la filature, où on comptera 72 cadavres, le bourreau allemand boit du ouzo d’une main et tue de l’autre. 40 sont tués à Schisto et les cadavres brûlés. Il y eut 300 victimes ce jour là. Parmi elles se trouvaient Diamantô Koumpaki, Kazakidis, Périvolas (qui se jeta à la gorge de Plytzanopoulos au moment où le bourreau allait le tuer), Makris (qui parvint à sortir du piège et mena un combat à mort avec huit autres Résistants dont l’italien Nino). Les cadavres sont dépouillés des objets de valeur. Les Allemands tuèrent sur place partie des indicateurs. 8 000 Kokkiniôtes marchèrent 7km jusqu’à la caserne de Chaïdari, «réservoir» d’otages à fusiller. 1 800 furent transférés dans les camps de concentration allemands. Nombre d’entre eux furent abattus ou moururent sous la torture.
Le 24 septembre, on célébra le mnimossyno (requiem). La foule était nombreuse. Les Allemands avaient installé des mitrailleuses en hauteur et tirèrent : 8 morts et de nombreux blessés.
Après guerre, deux indicateurs du bloko furent jugés et ... innocentés ! Seul Sgoúros fut condamné, mais sans faire sa peine. Il était colonel d’active. Innocenté en mars 1947, il fut nommé à la tête du troisième bataillon de Makrónissos. Plytzanópoulos finit sa carrière comme général de division ! La dictature des colonels désigna comme maire de Níkaia (Néa Kokkiniá) le neveu de Plytzanópoulos…
Kokkiniá a pris place avec les autres villes martyrs grecques : Kallithéa, Kaissarianí, Néa Iônia, Vyronas, Dourgouti (Néos Kosmos), Gyzi, Haïdári, Kalávryta, Dístomo, Chortiáti, Doxáto.

PS : Mazower (« Dans la Grèce d'Hitler » (1941-1944), Ed. Les belles lettres, très documenté) écrit : «... Intervint le colonel Plytzanópoulos, le nouveau chef des bataillons de sécurités, pour dire aux prisonniers de ne pas s'inquiéter - en fait, personne ne serait envoyée à l'étage ou en Allemagne ; il ne laisserait pas faire une chose pareille. En effet, après une altercation avec un officier supérieur allemand qui assiste à la scène, ils furent tous remis en liberté. » (Ceci avait eu lieu à Koukáki). « À Kokkiniá, les choses ont pris un tournant dramatique quand les SS ont remarqué qu'on laissait certains prisonniers s'échapper lors de leur transfert en prison. Une fusillade éclate là alors entre les Allemands et les evzones ; un SS et trois membres des bataillons furent tués. Pris entre deux feux, les prisonniers payèrent un lourd tribut. Après cela, les evzones ont été nombreux à protester auprès de leurs supérieurs, en disant qu'il ne pourrait plus continuer à faire un tel travail. Plytzanópoulos a dit aux Allemands que ces hommes accepteraient plus de rafler des citoyens innocents pour les envoyer en Allemagne. »
Ou de la difficulté d'avoir des éléments fiables, même dans les archives ...

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