On vous assure qu’en ce jour de finale les petits fours grecs étaient excellents, le vin qui les accompagnait aussi. Sous les tentes chic de l’arrière cour de Roland Garros, du « village » et des espaces du Grand Chelem, nous n’y étions pas invités, mais comme nous avons entendu causer grec, alors nous nous sommes approchés et pris goût à la… dégustation. Pas la peine de jouer incognito puisque l’EOT parisien – l’Office du Tourisme grec à Paris, qui invitait – n’a jamais eu vent de l’existence d’iNFO-GRECE, malgré nos cinq ans de fonctionnement dans la capitale française. Donc aucun risque qu’on nous reconnaisse.
Malgré la défaite malheureuse du favori chypriote Baghdatis, sorti dès le deuxième tour par Julien Benneteau, la présence grecque sur les courts n’a pas été aussi déméritante. Certes, en individuel, ni Economidis, ni Mazarakis, chez les Messieurs, ni Eleni Daniilidou, chez les Dames, pas plus que le junior Paris Gemouchdis, n’ont été plus loin que le deuxième tour, mais dans les Doubles, le jeune Gemouchdis atteignait les quarts de finale, tandis que Daniilidou montait jusqu’aux demi-finales aux côtés de l’Espagnole Medina Garrigues.
Mais samedi et dimanche, jours des finales Dames et Messieurs, il n’y avait plus de Grecs dans les courts et ça tombait bien puisque dans le stand de l’EOT on pouvait ainsi se concentrer à l’essentiel, à la raison de la présence du stand et de ses invités, le business et en premier lieu celui du tourisme et de la gastronomie.
Les allées du Roland Garros se prêtent à merveille pour les opérations de relations publiques, offrant un cadre prestigieux, « discret et privilégié » selon la brochure et les grandes entreprises moyennant quelques 900 euros par personne peuvent s’offrir un « parfait "jardin sur court" d’où se dégage une sérénité qui se révèle particulièrement adaptée aux rencontres internationales. » La bonne affaire… 900 euros pour se mettre en poche un grand client, ou un journaliste qui placera un article dans un magazine prestigieux, une goutte d’eau devant la valeur des mers grecques et de ses îles. Seulement voilà, des clients et des journalistes on n’en a pas vu beaucoup, ni des tour-opérateurs se disputer le buffet. Peut-être qu’ils étaient allés directement dans les courts suivre le match, peut-être que nous ne sommes pas passées au bon moment.
En revanche, des Grecs venus de Grèce, il y en avait plein. Une finale de Roland Garros en classe privilège ça ne se refuse pas. Le nouveau président de l’EOT, Dimitris Lampadarios, était bien là avec son cortège d’amis et de collaborateurs. De même que le président de l’Organisme grec du commerce extérieur, Panagiotis Papastavrou, un habitué des voyages internationaux depuis qu’il manageait les Olympic Royal Cruises et père solitaire du concept de Kerasma, un label pour promouvoir à l’étranger la « renaissance » de la gastronomie grecque. Le lancement de Kerasma sur le marché français ce devrait être le clou de la présence grecque à Roland Garros. On vous l’a dit les « mezès » étaient excellents. On ne saurait par contre vous donner l’adresse du traiteur puisqu’on a eu à leur sujet des propos contradictoires : selon les confidences des uns le chef était venu express de Grèce pour les préparer sur place, pour d'autres ils provenaient tout simplement d’un traiteur greco-parisien. Officiellement : des produits du terroir élaborés par les grands chefs des restaurants les plus chics que compte la Grèce.
Voilà que la transition est trouvée pour parler de la madame du président, Brigitta Papastavrou-Levy, ancien propriétaire de Linguaphone, et actuellement elle-même président et directeur-conseil d’Agrotouristiki SA, une autre spécialité grecque pour capter les crédits européens de soutien au tourisme alternatif. Ne vous attendez pas quand même que l’on parle à Roland Garros de sentiers de randonnée avec camping à la ferme et ne vous imaginez pas déjà en train de traire les chèvres ou assister à la fabrication de la féta chez les vlachos d’Epire et de Thessalie. A Paris, on parle plus volontiers de projets de golf, sur lesquels Agrotouristiki intervient comme conseil technique. Il est vrai que fouler les pelouses des golfs est aussi une façon de respirer l’air des campagnes. Et… de voyager. Parce que, croyez-vous que les Chinois, chez qui la madame est allée dernièrement, dans le cortège d’un ministre (vous souvenez-vous d'un certain Avramopoulos ?), faire la promo de l’agrotourisme, s’intéressent au bouc puant de votre village ? Il riraient plutôt… jaune.
A moins que, Internationaux de Roland Garros ou JO de Pékin et autres foires internationales, tout cela ne soit qu’un prétexte pour permettre à la cour du pouvoir de faire le tour du monde, de terrains de golf en gradins de tennis, aux frais du contribuable, grec et européen. Ce ne serait pas un problème si sur ces lieux privilégiés nos gentils organisateurs dragaient comme on l’a dit les clients au portefeuille épais. Mais faut-il vraiment s’encadrer de ces dizaines d’amis venus spécialement de Grèce pour séduire une poigné de professionnels pour la plupart déjà acquis à la cause ?
A 900 euros par personne et autant de frais de voyage et de séjour, sans compter les frais annexes, publications spécifiques, coffrets-cadeau, etc., à combien s’élève la facture de l'opération Roland Garros ? Et avec quels outils sont évalués les résultats ? Le libéralisme économique prôné par le gouvernement grec devrait au moins permettre de poser ces questions. Mais en ce moment, un nouveau groupe bruyant s’approche du buffet où l’on repère quelques têtes qui nous étaient plus familières ; notre intrusion incognito sous les kiosques de l’EOT se trouvât soudain en danger et nous avons préféré nous sauver sur la pointe des pieds sans attendre la réponse. Avalant un dernier kantaïfaki et descendant une dernière gorgée pour la route… Ah ! Kerasma en grec veut dire cadeau/offrande ; en l’occurrence il était bien généreux et chouvardadiko. Même si on ne nous l’a pas offert. Dernier avantage… à la grecque. Stin ygeia sas.
i-GR
Quelques éléments du décor et du menu ont été volontairement déformés par la rédaction