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Malaise dans les relations Grèce-USA. Bush sacrifie Skopje sur l'autel albanais. La Grèce menace de veto dans l'UE et l'OTAN.

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By iNFO-GRECE,

A peine réélue l'administration Bush a procédé hier à la reconnaissance du nom constitutionnel de l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine, "République de Macédoine", infligeant un camouflet sanglant à Athènes. Une appellation que la Grèce rejette depuis l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie, se basant sur les revendications nationalistes et territoriales envers la Grèce qui ont accompagné la naissance de cette jeune république qui pour pouvoir exister s'était inventée une histoire de toutes pièces de descendance d'Alexandre le Grand, au grand dam des 40% de sa population albanaise ! Mais si Bush gonflé à block par sa réélection a du cran à revendre à ses compatriotes, il prend un risque idiot de se mêler de la façon des affaires des Balkans, et de là partant de celles de l'Europe. Admirer les cow-boys de leur audace ne veut pas forcement dire que les Grecs ramasseront les crottes de leur cheval.


Après le bourbier irakien, l'Amérique est elle en train de retourner dans le guêpier albanais par la route de Skopje ? Le risque n'est pas mince, et l'Amérique n'est pas seule dans l'affaire. Dimanche dernier, nous signalions dans nos colonnes l'initiative des Verts allemands et des socialistes du SPD demandant au gouvernement de Bonn d'aller dans le sens de la reconnaissance de la "République de Macédoine". La raison ? L'imminence d'un référendum local à l'initiative des slaves de Skopje contre le projet d'un redécoupage administratif du pays donnant la part belle aux Albanais. Or ce redécoupage est prévu dans les accords dits d'Ohrid qui avaient mis un terme à la guerre entre clans albanais et forces gouvernementales en 2000-2001.

La "communauté internationale" garante de ces accords veut faire échouer coûte que coûte aujourd'hui le référendum des slaves en mesure de l'emporter. D'où cette mobilité autour du nom visant à soutenir la coalition gouvernementale en place et laquelle est contre le référendum. Sauf que le risque d'une telle intervention voyante des "puissances étrangères" est de reveiller les rancunes locales et de relancer les hostilités. Les Etats-Unis sont pourtant les mieux placés pour savoir ce que signifie une guerre inachevée.

Le idée qui préside derrière le redécoupage en question est de permettre à la minorité albanaise de dépasser dans certaines régions le seuil des 20% de la population, seuil au-delà duquel elle accède à des nouveaux droits et privilèges. Des piètres marchandages comme on peut l'imaginer, et suite logique d'un pays sans identité et sans histoire, une sorte d'Amérique des Balkans, qui n'existe que par l'opportunisme de certains apparatchiks de l'ancien régime sautant sur l'occasion de passer du rôle de préfet local au rang de chef d'Etat avec siège onusien. Faire un Skopje-New York en avion, cela a tout de même une autre allure que de faire Skopje-Belgrade en train, fut-ce en première classe. Promotion incroyable, mais qui avec la bénédiction de l'Allemagne et des Etats-Unis fut possible. Mais si l'Amérique hétérogène a fini par se forger une identité en se reconnaissant dans l'idée d'un nouveau monde, la recette ne marche pas forcement dans les Balkans où les blessures de l'Histoire sont loin d'être cicatrisées, tout simplement parce que l'Histoire des peuples de la région n'est pas non plus un conte de Mickey.

L'inculture de l'administration Bush se transforme en flagrant manque de politesse quand son patron prend la décision de reconnaître l'appellation "République de Macédoine" quelques heures après avoir reçu le télégramme de félicitations du Premier ministre grec, Costas Caramanlis, pour sa réélection. Le Président grec, Costis Stéphanopoulos, qui lui a envoyé ses félicitations après que la nouvelle fut connue, n'a pas mâché ses mots envers son homologue américain pour lui signifier que la décision du State Department n'était pas, mais pas du tout, appréciée. Probablement que du haut de son piédestal Bush ne voit dans les chefs d'Etat de notre région que des petits shérifs locaux serviables, tout comme lui et ses prédécesseurs n'ont vu chez les talibans en Afghanistan et chez les mafieux de l'UCK albanaise au Kosovo que des mercenaires dont on pouvait se servir à volonté.

"C'est le couronnement de vos efforts pour créer un Etat multinational" a dit le porte-parole du State Departement à l'adresse du gouvernement de Skopje et de ses alliés albanais.

Les Grecs, nous apprécions en général les hommes politiques de caractère et de conviction. Et Georges W. Bush en est un qui en a. Mais on préfère largement que leur cran, leur "magkia" et leurs certitudes soient aussi des marques de l'intelligence plutôt que de l'idiotie. Or, cette intelligence commande aujourd'hui que Bush tire les leçons des graves erreurs commises jusqu'ici sur la gestion des affaires internationales par son Amérique. Pour le bien des Américains et de leurs enfants dispersés sur les différents fronts sans en comprendre le pourquoi, et pour un peu plus de paix dans le monde. A moins que le président américain n'ai pas été informé de la décision de son Secrétaire d'Etat, Colin Powell, que l'on dit sur le point de partir et que ce dernier ait voulu faire son cadeau d'adieu à ses serviteurs balkaniques avant de quitter l'équipe de Bush-ère II. Skopje a fourni un contingent de 32 hommes en Irak et est un des rares pays à s'engager en 2003 à ne pas livrer les ressortissants américains au Tribunal pénal international (TPI). Mince contribution diriez-vous ? Pas tant que cela, si l'on songe que cela permet à Bush de soutenir sur sa scène intérieure que l'Amérique n'est pas seule dans son aventure. Mais quelle compagnie !

Le Premier ministre grec a eu raison de saisir aussitôt les "25" de l'Europe et de clarifier aussitôt la position de la Grèce, lors du sommet informel des chefs d'Etat hier soir à Bruxelles. "Afin d'éviter les mauvaises interprétations et les frictions inutiles, la perspective d'une éventuelle intégration du FYROM (Former Yugolavian Republic of Macedonia, nom officiel sous lequel Skopje figure aux Nations Unies) à l'Union Européenne et à l'OTAN, n'est pas concevable sans qu'ait été résolu par une solution acceptable par les deux parties la question du nom [définitif de Skopje]", a-t-il dit à ses homologues. Autrement dit, la Grèce usera de son droit de veto à la candidature du FYROM au deux instances. Avec le soutien de la Grèce, Skopje vient de poser sa candidature à l'Union Européenne. Dans ces conditions, le cadeau de l'oncle d'Amérique pourrait bien s'avérer encombrant.

L'Europe, de son côté, se doit de calmer les ardeurs du président américain et surtout lui rappeler que ses méthodes atteignent les limites. Et concernant la France, elle ne devrait pas se laisser surprendre une deuxième fois par son ami allemand sur l'après-Yougoslavie. Le couple France-Allemagne était le principal soutien de l'axe anti-guerre dans l'intervention en Irak. En allant dans le sens de l'Allemagne, Bush vise aussi à isoler un peu plus la France et à affaiblir la résistance la plus crédible en Europe à la suprématie américaine. Jacques Chirac devrait aussi se souvenir de la façon dont l'Allemagne avait reconnu unilatéralement la Croatie, déclenchant une guerre meurtrière entre Croates, Serbes et… un de ces autres sous-préfets aspirants au poste de chef d'Etat, d'un Etat autoproclamé sans identité définie, ni histoire, "polyéthnique", la Bosnie-Herzégovine. Ce qui s'était passé au nord de la Yougoslavie, on n'a nulle envie de le voir se reproduire dans le sud, ce qui à force d'amadouer vainement les ambitions de quelques extrémistes albanais ou des nationalistes "macédons" pourrait bien arriver. La Grèce n'est pas disposée à sacrifier ses intérêts et ses droits légitimes à pareille cause.

Mais à l'état de folie dans laquelle est rendu notre géographe en chef planétaire, il reste à espérer que le dieu qu'il ne cesse d'invoquer, puisse l'éclairer au mieux possible au lieu de tant l'aveugler. Au nom de l'économie des hommes qui s'épuiseraient à cette tâche.

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