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Kofi Annan: mon plan ou rien

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By iNFO-GRECE,

Tout en reconnaissant la part de responsabilité du chef chyproturc Raouf Denktash dans l'échec des trois ans de pourparlers autour de la mission de bons offices se son Secrétaire général Kofi Annan pour le règlement de la division de Chypre, l'ONU n'est pas disposée à mécontenter la Turquie et continue de repartir de manière égale cette responsabilité entre Grecs, Turcs et Chypriotes. Le rapport de Kofi Annan sur sa mission, présenté hier à New York, risque de peser sur les décisions du Conseil de Sécurité qui est appelé à se prononcer sur la poursuite du processus de négociations. A Athènes comme à Nicosie, on s'efforce de positiver et on n'y voit, bien entendu, que des félicitations pour la conduite grecque et des remontrances pour la partie turque !


Dans son rapport au Conseil de Sécurité, Kofi Annan garde soigneusement ses distances avec les deux parties, desquelles il n'aborde point la légalité de leur représentation, pas plus que la question de l'occupation de l'île par 30.000 militaires turcs, mais, à contrario, il regrette que les Chypriotes-grecs continuent à considérer Chypre comme une île grecque et qu'ils ne soient pas disposés à considérer les chyproturcs (20% de la population dans un Etat autoproclamé reconnu par la seule Turquie qui l'a imposé avec les armes, ndlr), comme des partenaires égaux.

Dans son exposé devant le Conseil de sécurité, Kofi Annan a plaidé pour que son plan de règlement ne soit pas re-négocié. C'est "un règlement juste et honorable qui répond aux intérêts fondamentaux et aux aspirations des deux parties", a déclaré son Conseiller spécial Alvaro de Soto. Estimant que "les perdants aujourd'hui sont les Chypriotes turcs et la Turquie et aussi les Chypriotes grecs et la Grèce", il a attribué l'échec des négociations aux préoccupations politiques. Kofi Annan demande à maintenir son plan et à organiser des referendums distincts pour son approbation de façon à contourner les représentations politiques de l'île.

Ci-après, le rapport de Kofi Annan présenté au Conseil de Sécurité par son Conseiller spécial pour Chypre, Alvaro de Soto.

MALGRE L’ECHEC DES NEGOCIATIONS SUR CHYPRE, LE CONSEILLER SPECIAL DU SECRETAIRE GENERAL APPELLE LE CONSEIL DE SECURITE A MAINTENIR LA PROPOSITION DE REGLEMENT GLOBAL

Le Sous-Secrétaire général et Conseiller spécial du Secrétaire général pour Chypre, Alvaro de Soto, a décrit, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la marche à suivre après le refus du dirigeant chypriote turc et du dirigeant chypriote grec d’adhérer à la proposition de règlement global que le Secrétaire général leur a présentée le 11 novembre 2002. Ce plan, que les parties ont rejeté le 11 mars dernier après de longues négociations, a été présenté par le Conseiller spécial comme «un règlement juste et honorable qui répond aux intérêts fondamentaux et aux aspirations des deux parties».

Rejetant l’idée d’en renégocier les principes fondamentaux, Alvaro de Soto a souligné que le plan est toujours sur la table en ajoutant néanmoins que le Secrétaire général n’a pas l’intention de prendre une nouvelle initiative sans avoir de bonnes raisons de croire que la volonté politique nécessaire à une issue heureuse existe bien. Pour cela, a prévenu le Conseiller spécial, les dirigeants des deux parties doivent se déclarer prêts, sans équivoque, à parachever le plan et à le soumettre à des référendums distincts et simultanés.

Dans son intervention, le Conseiller spécial a souligné que le problème de Chypre est la question dont l’inscription à l’ordre du jour de la consolidation de la paix est la plus ancienne. Il est difficile, a-t-il dit, de voir des circonstances aussi propices que celles qui ont prévalu au cours des trois dernières années. Compte tenu du climat politique dans la région, toutes les conditions étaient réunies, a souligné Alvaro de Soto en ajoutant que c’est une proposition juste, honorable et fondée sur une approche globale qui a été présentée aux négociateurs.

Alvaro de Soto s’est donc dit déçu qu’une solution n’ait pu être trouvée dans ces conditions. Il a attribué ce fait aux préoccupations politiques plutôt qu’à une absence de circonstances favorables. Il a ainsi souligné que vers la fin du processus, quand les décisions auraient dû être prises, la crise en Iraq a compliqué la donne pour la Turquie. Une occasion unique a été perdue, a-t-il dit en déplorant, une nouvelle fois, que les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs se soient vus refuser l’occasion de se prononcer pour la réunification de Chypre.

Les perdants aujourd’hui sont les Chypriotes turcs et la Turquie, mais les Chypriotes grecs et la Grèce le sont aussi. Cet échec, a poursuivi Alvaro de Soto, montre, une nouvelle fois, que Chypre est le problème diplomatique le plus compliqué du monde actuel. Naturellement, a-t-il reconnu, le plan n’est pas parfait mais il représente le meilleur effort des Nations Unies pour générer une proposition équilibrée et véritablement globale susceptible de résoudre tous les problèmes. Ce plan ne nécessite pas de longues négociations. Il représente un règlement juste et honorable qui répond aux intérêts fondamentaux et aux aspirations des deux parties.

Il ne faut pas sous-estimer, a insisté le Conseiller spécial, la difficulté de la tâche qui a consisté à assurer l’équilibre dans un large éventail de questions. Chaque mot du plan a nécessité du travail et a été soigneusement pesé. C’est la raison pour laquelle le Secrétaire général parle de la nécessité, dans les futures négociations, de ne pas ouvrir de nouveau à la discussion les principes fondamentaux du plan. En conséquence, la suggestion du dirigeant chypriote turc de rediscuter ces principes ne suscite aucun espoir de conclure un accord. Alvaro de Soto a donc accueilli avec satisfaction l’intention du dirigeant chypriote grec de ne pas renégocier les parties substantielles du plan.

Les parties, a-t-il dit, doivent être disposées à finaliser le plan et à le soumettre à un référendum. Sans un esprit d’honnêteté intellectuelle de la part des deux parties et sans la promesse de présenter ce plan à leur peuple, il sera difficile de parvenir à un règlement. Le Secrétaire général n’avait pas l’intention de prendre une nouvelle initiative sans avoir de bonnes raisons de croire que la volonté politique nécessaire à une issue heureuse existe bien. Et ceci, a-t-il insisté, ne se produira que ci les dirigeants des deux parties se déclarent prêts, sans équivoque, à s’y employer, premièrement, en finalisant le plan -sans remettre en cause ses principes de base, ni les compromis essentiels, dans un délai spécifié avec l’assistance de l’ONU- deuxièmement, en soumettant ce plan à des référendums distincts et tenus simultanément et à des dates précises. Selon Alvaro de Soto, il appartient maintenant aux parties concernées de faire montre de la volonté politique nécessaire, afin de régler ce différend sur la base du Plan du Secrétaire général.

Il a également indiqué que depuis les événements décrits par le rapport du Secrétaire général, M. Rauf Denktash a écrit à M. Tassos Papadopoulos pour lui proposer une rencontre afin d’examiner un ensemble de mesures de confiance. D’après les termes de sa lettre, M. Denktash a été motivé à faire ce pas, dans le souci de mettre un terme a une profonde crise de confiance, qui demeure entre les deux parties et qui, selon lui, serait la cause principale de l’échec des négociations qui se sont tenus à La Haye les 10 et 11 mars dernier.

De son côté, M. Papadopoulos a répondu que l’impasse des négociations ne trouvait pas sa source dans une crise de confiance, mais dans le refus de M. Denktash et de la Turquie de prendre en considération le cadre du Plan du Secrétaire général des Nations Unies, pour négocier un règlement final. M. Papadopoulos a également réaffirmé, dans les termes les plus clairs, qu’il restait engagé, même après l’échéance du 16 avril, à rechercher une solution dans le cadre des paramètres proposés par le Plan du Secrétaire général.

C’est pourquoi, M. Papadopoulos a demandé à M Denktash d’indiquer s’il acceptait les bases du Plan comme base de règlement futur. Ce dernier a répondu que ses propositions pour le rétablissement de mesures de confiance restent sur la table et qu’il continuait d’être favorable à la mission de bons offices du Secrétaire général. Toutefois M. Denktash, sans indiquer s’il acceptait les bases du Plan, a proposé que les dirigeants respectifs discutent des amendements qu’ils souhaitent apporter à ce plan. En conclusion, le Conseiller spécial pour Chypre a indiqué que le rapport du Secrétaire général présente les raisons pour lesquelles les négociations ont échoué, ainsi que les voies à suivre pour avancer d’un meilleur pas à l’avenir.

 

LA SITUATION A CHYPRE

Rapport du Secrétaire général sur sa mission de bons offices à Chypre (S/2003/398)

Dans ce rapport, le Secrétaire général rend compte des efforts menés sous ses auspices entre 1999 et le début de 2003 pour aider les deux parties à Chypre à parvenir à un règlement global du problème. Cette action, souligne-t-il, a été conduite dans le cadre d’une occasion unique qui aurait permis à une Chypre réunifiée de signer le Traité d’adhésion à l’Union européenne le 16 avril 2003. Les 10 et le 11 mars 2003 à La Haye, conclut le Secrétaire général, il a fallu se rendre à l’évidence: un accord ne serait pas possible. L’accord dont il parle portait sur l’organisation d’un référendum le 16 avril 2003.

Les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs auraient été appelés à se prononcer sur une proposition de règlement global. Cette proposition, présentée au dirigeant chypriote grec, Clafcos Clerides, et au dirigeant chypriote turc, Rauf Denktash, le 11 novembre 2002, a nécessité une première révision, le 10 décembre, et une seconde, le 26 février 2003. Le degré, l’intensité et la durée des efforts consentis par l’ONU pendant cette période sont sans précédent. Le plan révisé reste en suspens, dit le Secrétaire général en exprimant son intention de ne prendre aucune initiative sans avoir de bonnes raisons de croire que la volonté politique nécessaire à une issue heureuse existe bien.

En 40 pages, le Secrétaire général explique ses efforts dans des chapitres intitulés une occasion unique; aperçu des démarches; ampleur des efforts; préférences des parties; pourparlers indirects; question de l’Union européenne; pourparlers directs; présentation du plan; explication du plan; et questions de fond. Au titre des efforts déployés, de 1999 à 2003, le Secrétaire général fait part de 11 rencontres qu’il a tenues personnellement avec les dirigeants chypriotes grecs et chypriotes turcs; de 54 réunions différentes tenues par son Conseiller spécial; et de 72 réunions directes.

Dans le chapitre de conclusion intitulé «une occasion manquée», le Secrétaire général souligne que les deux parties sont partiellement responsables des occasions manquées de mettre à profit les bons offices des Nations Unies. Il estime néanmoins que le dirigeant chypriote turc porte la responsabilité première de l’échec final en raison de son refus de s’engager dans la négociation d’un compromis. M. Denktash, poursuit le Secrétaire général, a semblé considérer la date de l’adhésion de l’Union européenne et la nette préférence de l’Union européenne pour une Chypre réunifiée, non pas comme une possibilité de parvenir à un règlement favorable et de faciliter ainsi la réalisation des aspirations de la Turquie concernant l’Union européenne, mais au contraire comme un piège et une menace.

Le Secrétaire général reconnaît ainsi que de nombreux Chypriotes turcs sont convaincus que les Chypriotes grecs continuent de considérer Chypre comme une île grecque et ne sont pas prêts à les accepter en tant que partenaires égaux, n’ayant pas été informés par leurs dirigeants des vastes compromis qu’un règlement exigerait. Aucune des deux parties, souligne le Secrétaire général, n’a fait beaucoup d’efforts au cours des années pour préparer sa population aux compromis. Il demeure ainsi parmi les Chypriotes grecs une réticence générale à accepter le fait que le choix ultime n’est pas entre un compromis suivant le plan du Secrétaire général et un plan meilleur mais entre ce plan et une absence de règlement.

L’un des obstacles au règlement du problème chypriote, explique encore le Secrétaire général, a été le fait que les deux parties considéraient qu’il s’agissait d’un jeu à somme nulle: le gain d’une partie étant la perte de l’autre. Aux yeux du Secrétaire général, un règlement du problème chypriote est de l’intérêt de tous, à savoir Chypriotes grecs, Chypriotes turcs, Grèce et Turquie. Les parties, estime-t-il, feraient bien d’adhérer au texte qui leur est proposé car il traduit un équilibre soigneusement élaboré. Il se réjouit, à ce propos, que le dirigeant chypriote grec ait réitéré son souhait de continuer de rechercher un accord sur la base du plan même après l’adhésion à l’Union européenne.

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