Epouse d'un espion russe, elle s'en sort à merveille à peindre des toiles dans le petit appartement parisien entre les allées-venues mystérieuses de son mari. Voilà ! C'est Katerina Didaskalou dans Triple agent, le dernier film d'Eric Rohmer. Rencontre à Athènes dans les coulisses de l'avant-première du film, présenté dans le cadre du Festival de cinéma français organisé par l'Institut français d'Athènes.
La première athénienne de Triple agent
On distingue ici le philhellène bien connu et président d'Arista, Antoine de Neuville et le vice président du théâtre Dimodocos, Anastassios Koutsoukos.
"Je suis fier d'elle, très content. C'était beaucoup d'anxiété et de pression mais elle méritait de faire ce film", nous a-t-il confié.
Elle parle couramment français, mais c'est aux Etats-Unis qu'elle a fait ses études, boursière de la Fondation Onassis. Après l'Ecole Nationale d'Art dramatique d'Athènes, elle se trouve à New York au HB Studio d'Uta Hagen sous la baguette de Milos Forman. Comme beaucoup de comédiens grecs, elle fait ses premiers pas sur les planches du théâtre avec un répertoire classique : Iphigénie, Antigone, Lysistrata… puis elle affirme une prédilection pour les auteurs français à commencer par l'Antigone de Jean Anouilh qui sera suivie de Léonie est en avance de Feydeau et les Bonnes de Genet qu'elle présente à… New York, au Broadway. Rentrée en Grèce, elle joue dans Pathouas de Kondylakis, L'acquarium de Mourselas, Victor ou les Enfants au Pouvoir de Virtac, Mousetrap d'Agatha Christie, etc.
Au cinéma, elle fait sa première apparition dans une Dyo ilioi ston ourano (deux soleils dans le ciel) coproduction franco-grecque de Goerges Stampoulopoulos. Pendant dix ans elle alternera productions ciné et téléfilms. En 2000, elle est la mère de Leoni dans Capitaine Corelli, le film de John Madden aux côtés de Nicolas Cage et de Pénélope Cruz. Et en 2003, les rues de Paris sont foulées avec Katerina dans les bras de Serge Renko, un fidèle d'Eric Rohmer (Les rendez-vous de Paris, l'Anglaise et le Duc). Elle sera Arsinoé, épouse fidèle qui tue ses heures dans la pratique de la peinture ; lui, Fiodor, est "triple agent" russe.
iNFO-GRECE : Comment une comédienne grecque devient actrice dans un film de Rohmer ?
Katerina Didaskalou : Pour moi cela a été très simple (rires). C'est mon agent à Paris, Isabelle Poyatos, qui a montré une cassette vidéo et a dit à Eric Rohmer qu'elle connaît une comédienne grecque qui parle français, etc., etc.
i-GR : Comment s'est passé votre collaboration avec Rohmer ? Est-ce que cela a été difficile d'interpréter un personnage rohmérien ?
K. D. : Le tournage a duré trois mois, la majeure partie à Paris, à Stains et à Maison Laffitte. Rohmer est un des cinéastes des plus calmes que j'ai connu. Il ne dit pas beaucoup de choses sur le tournage et laisse les acteurs s'exprimer. Par contre les dialogues sont très écrits. Comme je viens du théâtre, cela ne m'a pas posé beaucoup de problèmes. Mais si on ajoute quelque chose de naturel, de spontané, il laisse faire.
i-GR : Vous jouez un personnage un peu mystérieux…
K. D. : Moi, ça va. Je suis une peintre mariée à un émigré russe qui arrive à Paris après la révolution de 1917. Je l'aime et le suis par fidélité. C'est lui qui joue au triple agent.
i-GR : Prêt à vous vendre, à vous mentir, pour s'en sortir de ses multiples intrigues...
K. D. : Ah, non ! Il n'est pas prêt à me vendre ! (rires) Ce sont les circonstances de la période, la climat politique.
i-GR : Qu'est-ce que vous a apporté cette expérience ?
K. D. : C'était une grande expérience. Rohmer dessine des itinéraires intérieurs. Triple agent est un film qui se passe dans les lignes, pas avec des voitures rapides ni avec des mitraillettes. Comme l'a écrit le Figaro, Rohmer nous tient en haleine avec les seuls dialogues.
i-GR : Et maintenant, une nouvelle carrière internationale ?
K. D. : Bien sûr j'aimerais travailler avec d'autres réalisateurs. Ce sont des nouveaux regards sur votre travail qui vous enrichissent. Avec Rohmer c'était une production véritablement internationale : une coproduction entre la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce et la Russie
i-GR : Et dans l'immédiat ?
K. D. : Triple agent est mon septième film, mais je suis une comédienne du théâtre, puis, comme beaucoup de comédiens grecs, je fais aussi beaucoup de TV, des téléfilms. Ce ne sont pas les projets qui manquent.
i-GR : Dernière question : il y a quelques années vous aviez été l'archiprêtresse de la cérémonie de la Flamme des Jeux Olympiques. Cette année les Jeux vont avoir lieu à Athènes. Quel est votre sentiment ?
K. D. : Oui, j'étais très jeune à l'époque, c'était en 1988. Aujourd'hui, je suis très fière que les JO reviennent en Grèce. Ce sera un grand moment. Il fallait avoir ces jeux en Grèce.
Photos iNFO-GRECE
Propos recueillis par AE
Athènes, mars 2004
Triple agent d'Eric Rohmer
Nous sommes en 1936, en France, le Front Populaire en Espagne, la guerre civile. En trame de fond, des négociations secrètes entre les Soviétiques, les nazis et les Français. Triple Agent s'inspire d'un article de la revue Historia sur l'enlèvement, jamais résolu, du chef des anciens combattants russes.
Fiodor, un jeune général de l'armée du tsar fuyant les Soviets, se réfugie à Paris avec son épouse grecque Arsinoé, et participe au trouble ambiant. Fiodor est un espion, mais surtout sil aime à jouer à l'espion et à le faire savoir ici et là, seulement, il ne dit pas pour qui il travaille. Le sait-il lui-même ? En tout cas, Rohmer nous donnera très peu pour le savoir, nous. Ce qui l'intéresse le plus, c'est la relation du couple, et plus particulièrement le monde intérieur d'Arsinoé.
Triple agent, un film d'Éric Rohmer, 2004
Production : Rezo Productions (France, Espagne, Italie, Grèce, Russie)
Avec : Serge Renko, Katerina Didaskalou, Amanda Langlet, Cyrielle Clair, Grigori Manoukov, Dimitri Rafalsky
Sélection officielle au Festival de Berlin 2004