Mercredi 7 avril, jour de la première visite des experts du FMI, les "spreads", servant de mesure du risque pour la réassurance de la dette souveraine, ont battu un nouveau record s'envolant à 412 points pour les obligations de l'état grec à dix ans, amenuisant les effets escomptés par l'accord européen de secours à la Grèce, obtenu laborieusement lors du dernier sommet européen.
Le plan européen de sauvetage en cas d'impossibilité de la Grèce à emprunter sur les marchés, si difficilement négocié entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy fin mars, n'aura finalement à rien servi ou plutôt son activation finira par devenir inéluctable.
Ce plan était avant tout destiné à rassurer les marchés financiers sur le risque de défaillance de la Grèce à faire face aux échéances de sa dette publique et, donc, à faire baisser les taux d'intérêts des emprunts du gouvernement grec. Or, si dans la semaine qui a suivi l'accord, les taux ont légèrement reculé et permirent à la Grèce d'emprunter 5 milliards, aujourd'hui l'écart entre les obligations grecques à dix ans et leur équivalent allemand s'est envolé au niveau record de 412 points, battant le précédent du 28 janvier en pleine spéculation sur le risque de faillite de la Grèce.
En cause, les confidences d'un cadre du gouvernement grec à la presse allemande qu'Athènes chercherait à renégocier les termes de du plan européen afin de limiter le rôle du Fonds monétaire international (FMI) tel que prévu dans le plan. C'était pourtant le premier ministre Georges Papandréou qui avait brandi le recours au FMI comme alternative à l'aide européenne pour forcer l'Union européenne à proposer un plan. Exaspérée, Angela Merkel a fini par introduire un rôle substantiel pour le FMI dans le plan européen. Or, aujourd'hui, M. Papandréou commence à réaliser le coût politique de l'intervention du FMI qui demandera des mesures d'austérité supplémentaires et le FMI n'apparaît plus aussi attrayant que le mois dernier.
Selon un sondage de l'hebdomadaire athénien RealNews, 75% des Grecs trouvent le train de mesures d'austérité prise par le gouvernement pour redresser les finances publiques injuste et 72% se déclarent pessimistes sur l'avenir du pays.
M. Papandréou est intervenu en réunion mercredi du Conseil des ministres, pour démentir qu'il y ait volonté de renégocier les termes du plan d'aide européen pour les pays en difficulté, qualifiant cet accord d'une "étape phare" pour l'UE et également "un succès pour la Grèce, une nouvelle institution étant ainsi mise en place".
Cet accord, a-t-il souligné est incontestablement une grande réussite pour la Grèce et l'UE, puisque "nous pourrions assumer que nous avons créé et consolidé un filet de sécurité pour la Grèce, mais aussi pour chaque pays faisant face à des problèmes (financiers)".
M. Papandréou a réitéré ce qu'il avait déjà dit lors du dernier Conseil, concernant de nouvelles propositions "qui seront à discuter à l'avenir - mais non dans un proche avenir - pour une gestion plus substantielle des problèmes", ajoutant que la Grèce fera connaître ses positions au groupe de travail présidé par Herman van Rompuy, président du Conseil européen.
Selon le premier ministre, il s'agit avant tout actuellement de viser à reconstruire la crédibilité du pays pour longtemps de manière stable, ayant d'ores et déjà une crédibilité immédiate acquise par le nouveau gouvernement, par ses nouvelles conceptions et sa détermination à aller de l'avant dans les grands changements.
S'adressant plus personnellement aux membres de son cabinet, M. Papandreou s'est référé à toute cette série de rumeurs, des ouies-dire, des derniers mois, exhortant ses ministres "à régler les problèmes du pays", confirmant en même temps que son gouvernement continuera à matérialiser le Programme de stabilité et de croissance, d'économies de dépenses et de bonne gestion, afin que la Grèce se replace sur la voie du développement.
A ce point, M. Papandréou s'est félicité de la maturité du peuple grec à accepter ces grands changements demandés, dès lors qu'ils sont régis par les principes d'une gouvernance crédible, de justice sociale, de distribution juste des charges et des richesses, de transparence et de l'effort collectif.
L'autisme de M. Papandréou a été lourdement sanctionné par les marchés où les spreads des obligations souveraines de la Grèce à 2, 3 et 5 ans s'étaient envolés mardi 6 avril respectivement à 544, 555 et 455 points. L'annonce précipitée que le prochain emprunt dans le courant du mois d'avril sera édité en dollars et non plus en euros et Eurostat de son côté qui affichait ses craintes que le déficit pour 2009 n'atteigne les 14%, n'ont pas arrangé la nervosité des marchés.
L'intervention du président permanent de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, répétant l'engagement des pays de la zone euro à aider financièrement la Grèce si Athènes ne parvient pas à lever suffisamment d'argent sur les marchés financiers, a finalement permis de ramener les spreads dans la zone des 370-380 points, alors qu'ils avaient remonté jusqu'aux 412 points. La Bourse d'Athènes, elle, cédait 2,98%.
De même, le ministre des Finances, Georges Papaconstantinou, a affirmé qu'"il n'y a jamais eu de tentative de la part de la Grèce de modifier les conditions du récent accord du Sommet de l'UE en ce qui concerne le mécanisme de soutien".
M. Papaconstantinou a qualifié l'accord du Sommet de l'UE "d'important, tant pour l'Europe que pour la Grèce" et réaffirmé que la Grèce n'a pas demandé l'activation de ce mécanisme.
Le ministre a encore ajouté que le Budget de l'Etat est exécuté normalement et que la marche budgétaire du pays dépend de la matérialisation du Programme de stabilité et de croissance.
Critiques de l'opposition : le pire est devant nous
Les tirs de l'opposition n'ont pas tardé à fuser. Le porte-parole de la Nouvelle Démocratie (ND), Panos Panagiotopoulos, a fortement critiqué comme "absolument inacceptable" qu'un officiel du gouvernement ait fait des déclarations à des médias allemands, contribuant mardi à une remontée des spread des obligations grecques.
Dans son point de presse mercredi, M. Papagiotopoulos a demandé au premier ministre de désigner cet officiel. "Le premier ministre doit nommer quel est le cadre gouvernemental, sinon il sera lui-même tenu pour responsable des retombées négatives sur l'économie grecque", a déclaré M. Panagiotopoulos, appuyant davantage ses critiques en parlant des "messages contradictoires" qu'adressent les ministres du PASOK qu'il a jugés "ne pas être à la hauteur dans la situation présente".
La veille, le président de la ND, Antonis Samaras, avait vivement critiqué le gouvernement, en dénonçant que la politique économique qui est appliquée et les mesures prises "portent atteinte aux entreprises et assèchent le marché".
M. Samaras a notamment mis l'accent sur la vive indignation exprimée par le peuple contre la politique gouvernementale, affirmant entre autres que les PME et le marché "gravissent leur Golgotha", alors que la psychologie du marché s'est effondrée.
Le chef de file de l'opposition a invité le gouvernement à changer de mentalité, puisque, a-t-il soutenu, les mesures prises ont pour résultat la fermeture de milliers d'entreprises, "alors que nous resterons dans l'impossibilité de réduire le déficit, comme nous le demande l'Europe".
Pour sa part, le président du LAOS, Georges Karadzaferis, a affirmé mardi au sujet de la situation de l'économie que "le pire est devant nous et non derrière", soulignant à l'occasion des six mois au pouvoir du gouvernement du PASOK que "nul ne peut être satisfait des résultats du parti gouvernemental, et plus particulièrement de M. Papandréou".
De son côté, le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Athènes (EBEA), Constantin Michalos, a dénoncé mardi que "le gouvernement continue à insister dans des mesures qui conduiront le marché à la faillite", invitant l'état-major économique à "mettre un terme aux alchimies et à changer de politique, s'il ne veut pas conduire le secteur privé dans la même situation que le secteur public".
Nouvelles mobilisations syndicales
Du côté des syndicats, le comité exécutif de l'Union des Fonctionnaires (ADEDY) a informé mercredi de sa décision de faire approuver par le Conseil général du syndicat, qui se réunit vendredi 9 avril, un programme de nouvelles mobilisations et grèves contre la politique économique et fiscale du gouvernement entre les 20-30 avril, conjointement avec le secteur privé.
L'ADEDY, qui insiste une nouvelle fois sur l'injustice de la politique d'austérité du gouvernement (baisse des salaires et retraites, hausse de la fiscalité), réagit aussi contre les objectifs de l'UE et du FMI de mettre en place un système politico-économique, garantissant les privilèges du petit nombre aux dépens du niveau de vie du plus grand nombre, des couches populaires et des petits revenus.
Par ailleurs, l'ADEDY estime que la politique gouvernementale est bloquée sur une seule voie, continuant de diffuser l'insécurité et le doute, comme l'attestent en particulier ce qui filtre déjà du projet de loi sur la sécurité sociale, les nouveaux plans de restructurations et de privatisations.
Enfin, le conseil d'administration de la Fédération des enseignants du secondaire (OLME) organise jeudi après-midi aux Propylées, au centre d'Athènes, une manifestation contre la politique salariale et plus généralement économique du gouvernement.
Selon un communiqué relatif mercredi, le rassemblement a lieu afin d'"annuler les mesures du gouvernement pour des coupes dans les salaires et retraites" et pour exprimer l'opposition des enseignants au projet de loi fiscal mais aussi au Programme de stabilité et de croissance.
i-GR/ANA-MPA